Le 5 juillet 1962, l'Algérie accédait à l'indépendance et tous les espoirs étaient permis. Je me rappelle des youyous lancés par des femmes drapées de joies quand novembre avait triomphé du joug colonial. Et depuis, chaque matin dans les écoles avant de rejoindre nos classes, nous chantions en chœurs les chansons patriotiques confectionnées à l'honneur du fasciste stalinien Boumediene, nous les avions apprises par cœur. Quand un chef d’État arrivait, les enfants de toutes les écoles garnissaient les belles avenues d'Alger. Nous restions ainsi parqués sur les trottoirs des heures et des heures à guetter le passage du Président en compagnie de son hôte. Nous étions remplis d’un sentiment de fierté à subir de telles expectatives, car nous croyions en ce qu'ils nous avaient enseigné. Nous pensions qu’en criant haut et fort « vive Boumediene » à son passage, nous prouvions notre amour et notre attachement à la Patrie. Au fur et à mesure que nous grandissions, que ce soit à l’école ou dans les colonies de vacances, les chansons patriotiques ne nous quittaient pas, elles nous catapultaient dans le passé que nous n’avions pas vécu. Par le chant, nous combattions la France « impie », le chant nous frayait un chemin à travers les montagnes en compagnie des maquisards. Nous avions vécu une adolescence soumise aux idéaux. Les idéaux, comme les hommes peuvent êtres fous. Les nôtres sont restés faux ; seul, l’emblème national reste épargné par le dégoût, par contre, la nation, le peuple, l’unité ne sont plus que des mots scandés aujourd’hui dans l’indifférence générale.