Le 5 juillet 1962, l'Algérie accédait à l'indépendance et tous les espoirs étaient permis. Je me rappelle des youyous lancés par des femmes drapées de joies quand novembre avait triomphé du joug colonial. Et depuis, chaque matin dans les écoles avant de rejoindre nos classes, nous chantions en chœurs les chansons patriotiques confectionnées à l'honneur du fasciste stalinien Boumediene, nous les avions apprises par cœur. Quand un chef d’État arrivait, les enfants de toutes les écoles garnissaient les belles avenues d'Alger. Nous restions ainsi parqués sur les trottoirs des heures et des heures à guetter le passage du Président en compagnie de son hôte. Nous étions remplis d’un sentiment de fierté à subir de telles expectatives, car nous croyions en ce qu'ils nous avaient enseigné. Nous pensions qu’en criant haut et fort « vive Boumediene » à son passage, nous prouvions notre amour et notre attachement à la Patrie. Au fur et à mesure que nous grandissions, que ce soit à l’école ou dans les colonies de vacances, les chansons patriotiques ne nous quittaient pas, elles nous catapultaient dans le passé que nous n’avions pas vécu. Par le chant, nous combattions la France « impie », le chant nous frayait un chemin à travers les montagnes en compagnie des maquisards. Nous avions vécu une adolescence soumise aux idéaux. Les idéaux, comme les hommes peuvent êtres fous. Les nôtres sont restés faux ; seul, l’emblème national reste épargné par le dégoût, par contre, la nation, le peuple, l’unité ne sont plus que des mots scandés aujourd’hui dans l’indifférence générale.

 

Aujourd'hui, 50 ans après, où en sommes nous ?


Des milliers d’Algériens tentent de fuir le pays pour chercher clémence sur le sol de cette même France que nos aînés ont chassée au prix d’un million et demi de martyrs. On ne peut même pas se demander qui émigre, car tout Algérien y songe, quel que soit son âge et quel que soit sa situation sociale, peut importe la langue qu’il maîtrise et qu’importe ses penchants idéologiques, qu’il soit démocrate, islamiste, baasiste ou marxiste. Sous les feux des grandes cités de France, nos compatriotes y vivotent clandestinement, excluant toute idée de retour. En France, fourmillent des Algériens « sans-papiers » qui vivent dans une promiscuité indescriptible et ils sont des milliers. À paris, à Lyon ou à Marseille, ils évoluent et se modernisent dans une société qui les rapproche du cadre vivant, humain et plus doux que celui qu’ils ont fui ; il n’est donc pas question qu’ils s’en séparent. Offusqués par la précarité de leur existence dans l’hexagone et las de traîner sans les papiers nécessaires, beaucoup d’entre eux cherchent l’évasion du réel par l’usage du faux et les mariages blancs. Pis encore, d’anciens maquisards, c’est-à-dire ceux qui ont combattu les armes à la main l’occupation française, se démêlent pour aider leurs enfants et les enfants de leurs enfants dans leur course à la citoyenneté française. L’Algérie pour laquelle ils ont combattu est incompatible avec la vie qu’ils souhaitent à leurs enfants. Le mardi 5 septembre 2006, un Algérien est tombé du train d’atterrissage d’un avion, il a été découvert par les gendarmes à Vinantes, un village de Seine-et-Marne situé entre Meaux et l’aéroport de Roissy. Ce malheureux a été retrouvé à moitié dénudé, le corps disloqué, enfoncé de 30 cm dans le sol. Il avait 19 ans. Chaque jour que Dieu fait, un Algérien se jette à la mer dans une embarcation de fortune, quelques euros, quelques cigarettes, un peu d’eau et quelques espoirs dans le bissac, décidé à ramer pour gagner l’Europe à la manière d’une ilote sous les spartiates au risque qu’on le retrouve matin, cadavre froid d’où s’exhalerait ses petits rêves et sa sueur mêlée aux larmes de sa mère. C'est toutes ces mamans que vous injuriez en leur chantant, l'istiqlal.


Voilà le résultat de votre politique, articles aigrefins au pouvoir dont le seul souci est de rester à des avant-postes en incarnant l’arrière-garde. Dirigeants du FLN et son appendice le RND, posez-vous la question pourquoi tous les Algériens qui fuient le pays choisissent la France ? La réponse ne cache pas de mystère. La révolution a échoué. Où plus précisément, vous l’avez  renversée. Alors, un peu de pudeur, taisez-vous donc.