LETTRE AUX TENANTS DE LA STAGNATION SOCIALE
Abane, Boudiaf, Matoub, Alloula, Djaout, Tigzirine, Mekbal, Boucebsi, Senhadri, Nabila Djahnine, Youcef Sebti, et tant d'autres sont morts, vous les avez tués, assassins!
Biologiquement, je suis né à partir d’un organisme marin. Je crois obstinément à ce principe irrécusable. Je suis donc hors de portée de la débilité qui escorte votre infirmité cérébrale. "Je ne suis pas de chez vous"
Je vous interdis d’apprendre à mes enfants à suivre vos spécimens illuminés et vos pseudo-penseurs visionnaires. Je leur refuse le spectacle de vos extases et les paroles qu’énoncent vos sorciers en transes. Je les mettrai à l’abri des ressorts de vos écoles aux ondes négatives. Je les protégerai de la transmission de votre pensée et de votre visage corrompus par l’imposture de vos parlements acquis aux prédateurs.
Vos programmes établis, vos congrès et vos assemblées répondent de votre délire, le monde poursuit sa marche dialectique, il fonce vers l’avenir et vous croyez encore possible de générer des bataillons à votre image.
Vous, têtes sous le képi de service et vous, émirs virtuels de l’ordre ancien, hilares autant que vous êtes devant les plus sadiques, les plus égrillards des supplices, votre conscience est remplie de cadavres, votre mémoire est pleine d’effigies en pleurs. Vos enseignements fabriquent le deuil dans les poitrines des mères. Vous empestez le cidre des caveaux. Votre sainteté est auréolée de lumières sales.
Je suffoque de la fourberie de votre morale. La duplicité de vos discours fallacieux m’étouffe. Je reste incrédule devant vos enseignements que vous dites hériter du Ciel. Je plane au-dessus des laconiques méprises de votre raison, manuel du piège, de la ruse et de la sottise. Je refuse vos pédagogies aiguisées en bretelles de soutien aux assassins.
Abane, Boudiaf, Matoub, Alloula, Djaout, Ouahioune, Tigzirine, Mekbal, Boucebsi, Senhadri, Nabila Djahnine, Youcef Sebti, et tant d'autres sont morts, vous les avez tués, assassins ! J’exprime ma solidarité définitive à leur mémoire. Ils sèment toujours en vous la panique. A jamais, leurs noms s’opposeront à votre narcissique loi sur l’arabisme aveugle, à vos assemblées qui cuisinent la législation de votre imagination ténébreuse.
Votre État n’est plus audible, vous l’avez humilié, truffé de mensonges, de victoires frauduleuses, de moudjahidine suspects et de rongeurs budgétivores. Vos contrées sont livrées aux faux prophètes. Vos pipeaux conditionnent l’enivrement abusif des concurrents à la vie éternelle.
Je fusionnerai mes forces, ma sensibilité, ma rage et ma poésie pour vous crier en berbère, en arabe et en français : je vous maudis ! Vous n’obtiendrez jamais mon adhésion. Je cours à la victoire de ma cause, vous avez achevé la votre. Votre fin est imminente.
Je suis de l’Algérie de novembre, de l'Algérie des maquisards, de l’Algérie sortie des chambres de tortures colonialistes. De celle qui a survécu aux fers de Boumedienne et à la clochardisation de Chadli. De l’Algérie qui refuse résolument de sombrer dans le purgatoire islamiste quelles que soient les étiquettes qu’il plaît à Bouteflika de lui apposer.
L’Algérie la belle, la rebelle, n’a pas attendu votre permission pour exister. Elle finit de forger son destin dans le feu de la résistance. Jean Sénac, Frantz Fanon, Issiakhem, Mouloud Mammeri, Kateb Yacine, Bachir Hadj Ali, Mimouni, Mohia, , Rachid Alliche, Ali Zamoum, Redouane Osmane, Omar Zeggane, nous invitent à y croire. Ils siègent au présidium suprême des ancêtres, leur cri résonne comme un coup de feu dans notre mémoire et nous aide à remettre à niveau notre conscience.
Djaffar Benmesbah.
Journaliste artiste-peintre
Paris, juin 2012