La commission Bouchard-Taylor est arrivée hier en ville, ou tout comme, avec son forum des citoyens organisé à Longueuil. Le premier débat de la grande région métropolitaine a attiré plusieurs immigrants, qui ont multiplié les déclarations en faveur de la langue française, de la tolérance et de la laïcité.

La commission Bouchard-Taylor est arrivée hier en ville, ou tout comme, avec son forum des citoyens organisé à Longueuil. Le premier débat de la grande région métropolitaine a attiré plusieurs immigrants, qui ont multiplié les déclarations en faveur de la langue française, de la tolérance et de la laïcité.

Cette perspective relayait des positions défendues plus tôt dans certains mémoires présentés aux coprésidents Charles Taylor et Gérard Bouchard.

Environ 175 personnes (sur les 200 inscrites) ont assisté au forum des citoyens dans une salle de bingo près du boulevard Taschereau. Le discours du Trône et une partie de hockey du Canadien concurrençaient les débats publics sur les accommodements raisonnables. Longueuil est la dixième des 17 villes sur le parcours de la commission. Montréal aura son tour fin novembre.

Une large part des interventions de la soirée provenait de Québécois nés à l’étranger, souvent dans des pays musulmans. Ces interventions condamnaient presque toujours les intégrismes et invitaient à « construire tous ensemble la société québécoise autour de certaines valeurs communes », comme l’a résumé le coprésident Gérard Bouchard.

Mohamed Sebdi, originaire d’Algérie, établi au Québec depuis 15 ans, a donné le ton en rappelant quelques évidences : l’immigration compense pour la baisse de natalité, et l’intégration passe d’abord et avant tout par l’emploi. « Est-ce que dans deux siècles on va encore demander à mes petits-enfants de quelle origine ils sont ? », a-t-il demandé avant de réclamer une refonte de la Charte des droits de la personne sur une base laïque. « Ni turban ni kirpan », a-t-il clamé.

Salim Farid, président de l’association Québec-Algérie, a livré un appel à l’intégration autour du français. Une avocate musulmane, d’origine égyptienne, a scandé sa fierté d’appartenir à la société québécoise. « L’égalité entre hommes et femmes est appliquée dans la culture musulmane, mais certains font [malheureusement] des interprétations littérales des textes. »

Sakina Elazizi pense que « nul ne peut imposer à l’autre quoi porter et ne pas porter », mais aussi que « ce qui pose un réel problème, c’est la pauvreté, le décrochage scolaire, l’iniquité salariale, les discours racistes et diviseurs ». Elle a conclu que « notre défi c’est de voir cette femme avec son foulard et ce juif avec sa barbe parler tous français et participer au développement du Québec ».

Un autre immigrant de longue date a réclamé une laïcisation pleine et entière, sans compromis. « Le danger, ce n’est pas l’immigration, mais l’intégrisme », a-t-il résumé.

Soumaya Ben Letaifa, chargée de cours à l’UQAM, a demandé à la société québécoise de respecter les différences. Elle a observé que les demandes de laïcité proviennent surtout des plus vieux, qui ont fait la Révolution tranquille, et elle leur a demandé de « laisser la place aux jeunes ». Elle a été la seule à se faire huer par une partie de la salle.

Un homme d’origine haïtienne a au contraire suscité des applaudissements en disant : « Tout le monde est bienvenu ici, mais il faut s’intégrer. Si on commence à donner un pouce, il faudra bientôt donner un pied. »

Le mouvement laïque

Plus tôt dans la journée, le Mouvement laïque québécois (MLQ) a défendu une position claire et nette approuvant les accommodements raisonnables, sauf pour des motifs religieux.

« Le MLQ s’oppose aux accommodements religieux accordés, dans les institutions publiques, sous forme d’exceptions ou de dérogations aux normes communes adoptées démocratiquement, a résumé Henri Laberge, président du MLQ. Le Mouvement laïque s’oppose à ce que les directions d’écoles, d’hôpitaux et d’autres services publics soient obligées ou autorisées à faire enquête sur la religion de leurs administrés ou à leur accorder des dérogations à la loi ou aux règlements en raison de leurs croyances déclarées ou de leurs incroyances. »

Par contre, le MLQ ne s’oppose pas aux arrangements à l’amiable entre personnes privées ni aux accommodements raisonnables accordés en raison d’un handicap, de l’âge, de la grossesse ou « d’autres critères vérifiables objectivement ».

Avec le principe de l’égalité entre hommes et femmes et le problème des accommodements raisonnables, la question de la laïcité de l’État et des institutions constitue un leitmotiv des discussions à la commission depuis le début de ses travaux, en septembre. La présentation du MLQ était donc très attendue.

Son mémoire, intitulé Pour une gestion laïque de la diversité culturelle, débouche sur la proposition de modifier la Charte canadienne des droits et libertés pour mieux assurer le principe laïque, par exemple en supprimant la référence à la suprématie de Dieu dans son préambule. Surtout, le MLQ souhaite voir adopter une charte de la laïcité. Dans cette loi fondamentale, la liberté de croyance serait pleinement affirmée, de même que la stricte neutralité des agents publics (les enseignants, par exemple), des institutions publiques et des tribunaux.

« Nous préconisons une intégration de type républicain et laïque, dit le texte, c’est-à-dire mettant l’accent principal sur l’appartenance des Québécois de toutes origines à la nation québécoise, sur le statut de citoyen québécois, sur les droits et devoirs qui en découlent, plutôt que sur les appartenances communautaires. »

Source: http://www.ledevoir.com/2007/10/17/160789.html