C’est poussé à bout par l’assourdissante absence de vraie(s) réponse(s) à l’intervention de Omar Aktouf dans la réflexion sur nos politiques économiques algériennes que je me décide à, de nouveau, sonner quelques cloches, avec l’espoir qu’on finira par avoir, enfin, un sain et salutaire franc débat autour des problèmes sérieux et profonds que notre compatriote, Omar Aktouf, soulève.

C’est également, atterré par la tournure de certaines «réactions»,  ou de certaines «pseudo» réponses, sous toutes formes et idéologies, pour ne pas dire simples partis-pris à fortes saveurs de «clans» et d’intérêts qui semblent plus aux abois que désireux de pousser la réflexion que notre courageux, constant et inflexible dans ses idées (largement confirmées par ce qui se passe dans la planète politique-économie de nos jours) compatriote a tenté d’insuffler, que je relance la discussion.

Un beau et salutaire «pavé dans la mare» qui semble faire fuir les canards…

Il convient de reconnaître que Omar Aktouf a en effet, sortant d’une longue réserve, jeté un magnifique pavé dans la mare tranquille des non moins tranquilles profiteurs, fossoyeurs (et «penseurs») de notre pauvre pays, bravement convertis aux mirages du néolibéralisme au moment même où celui-ci n’en finit pas de montrer ses graves défaillances. Ces nouveaux néolibéraux, et leurs commettants de l’ombre, à travers la façon dont ils ont réagi, me poussent donc à reprendre ma plume pour tenter de comprendre comment des questions, limpides et directes, sur l’avenir et le devenir de notre économie nationale ne trouvent aucune «vraie» réponse dans la foultitude de réactions  (certaines utiles pourtant)  et de «pseudo-réponses» sans queue ni tête par rapport au sujet soulevé !

J’ai beau chercher dans tout ce que je vois, mais hélas, nulle réponse sérieuse, digne de ce nom ou à la hauteur des arguments du Pr Aktouf ne parait digne d’intérêt. J’aurai souhaité, et avec quel enthousiasme, lire une contre-réponse écrite par le Pr Aktouf lui-même. J’ai tenté, en vain, de le provoquer afin qu’il réagisse à la non-réponse du Harvardien Hafsi, qui lui a fait, excusez-moi d’utiliser ici une formule politiquement incorrecte, une réponse de type «berger à la bergère», aussi «louvoyante-démagogique» que fort bien campée idéologiquement, n’en déplaise à notre «professeur-expert». Ce qui, sans doute, explique le quasi déluge de «commentaires» rivalisant bien plus souvent de bassesse et d’attaques à la personne que de hauteur de vue.

Le sachant fort occupé – et sollicité- un peu partout à l’Étranger, et je le pense (encore) lassé d’avoir à rétorquer à des dialogues de sourds… à moins qu’on ne lui en donne pas la possibilité ou le forum idoine, je me décide à ouvrir à nouveau ce dossier de l’économie-politique nationale, car plus que jamais urgent et trop important.

Ce qui ne m’a pas empêché, tout de même, de savourer nombre de réactions de compatriotes, bien justifiées, non seulement quant au «louvoiement», mais aussi à la suffisance et l’arrogance du ton  de Hafsi à l’égard de l’universitaire du calibre d’Omar Aktouf. Dommage pour «l’altitude» qu’aurait méritée cette joute.

Faux fuyants, arguments d’autorité ou d’amalgame et… boucs émissaires

Qu’il est désolant de voir, comme l’ont si bien dit le Pr Boukharouba et d’autres «vaillants» Algériens qui ont réagi et re-réagi… malgré les «contre attaques» et les multiples pénibles aléas du mois de Ramadan – particulièrement en pleine canicule estivale- que, de fait, il n’y a pratiquement plus ni dialogues ni débats en notre sol national (pas plus que de presse «réellement libre» sans doute comme certains l’avancent également). Il n’y aurait à peu près plus que diatribes, attaques personnelles, dénigrements et recherches de boucs émissaires. Désolant !

De quelques faux fuyants

Il y en a tellement eu, que je suis obligé d’en faire un tri. Comment peut-on, par exemple, accuser M. Aktouf de simplement «vomir sa haine de l’entreprise», ignorant toute la largeur et la profondeur de son argumentation – imparable- contre les échecs patents des systèmes invoqués pour «sauver» l’Algérie : le néolibéralisme moribond et son «modèle» US ? Comment peut-on «haïr» «l’entreprise» !? Que signifie cette affirmation ? Alors même, qu’en fin de texte (et dans ses écrits) M. Aktouf précise qu’il n’a rien contre l’entreprise en soi : il ne cesse de prôner des modèles comme Cascades au Québec… le capitalisme non financier de l’Europe du Nord… Comment invoquer un «ISO» je ne sais quoi pour insinuer que M. Aktouf «n’invente rien» dans ses «propositions», quand on sait l’hypocrisie qui entoure ces soi-disant garanties de bonne conduite et de «responsabilité» des entreprises privées à travers le monde ? Comme le dit M. Aktouf, qui est dupe ? Mais cela est plus facile que de lui répondre, termes à termes, argument à argument ! Mettre à bas le messager plutôt que de voir le «dérangeant» message.

Par ailleurs, comment peut-on lui reprocher, sans tomber dans l’insulte  gratuite et nulle, qui ne qualifie que ceux qui y ont recours, de ne pas «avoir lu» les propositions et textes dont il traite ?  Une seule et unique lecture de ses analyses – comme toujours-, montre que le Pr Aktouf ne s’exprime qu’en entière connaissance de cause. Qui aurait le culot de nier l’orientation et l’esprit néolibéral/modèle US de ce dont il décortique les contradictions ? Des «50 propositions», aux «nouvelles réflexions sur le modèle algérien», en passant par les théories de pseudo «pluralisme démocratique» à la US ? Pourquoi va-t-on jusque ressasser des rappels – totalement hors sujet quant au propos de l’intervention de M. Aktouf-, d’«errements» socialistes ou «autogestionnaires» du passé algérien, «d’échecs des soviétismes»… et autres «idéologies dépassées»… dont on l’accuse sans fondement aucun ! On croirait entendre – ou lire-, de bons vieux «beaufs» de la rue, ne sachant que dire et invoquant des litanies mille fois entendues et lues dans les caniveaux des organes de presse et de propagande de la mondialisation «heureuse» et de son néolibéralisme béat. Simple et pure mauvaise foi que tout cela, sans oublier l’insulte à l’intelligence ! Irrespect gratuit, aussi infondé que caractérisé envers le Omar Aktouf. Irrespect qui ne fera que rejaillir sur ses auteurs. Dommage pour le sain et instructif débat.

Arguments d’autorité et d’amalgame

Le tout premier argument d’autorité, vient de titres et d’adjectifs, plus ronflants les uns les autres, que se donnent les auteurs des pseudo-réponses et pseudo-réactions : «consultant» ; «expert» ; «chef d’entreprise» ; «bâtisseur-créateur»… et j’en passe… Quelle immodestie ! Un peu de retenue ! SVP, comme vous y invite un des (heureusement nombreux) partisans des arguments du Pr Aktouf. Drapés donc de l’autorité du titre, du statut ou des références dites intellectuelles-historiques, on se permet de simplement faire un «procès d’intentions» à M. Aktouf !

On parle, argumente, ergote… sur, pour l’essentiel, ce dont il n’a point, ou jamais traité lui-même ! Quel tour de passe-passe !, pardon de magie! Qu’a donc à voir son propos avec l’époque Boumediene? Y fait-il la moindre allusion? Avec le soviétisme? Avec l’étatisme pur et dur ? Avec le recul historique ? Avec l’abolition du privé ? Avec le socialisme ?... Où en parle t-il ? Mais, encore une fois, tout cet arsenal de tours de passe-passe permet d’éviter de vraiment répondre aux vraies questions de notre professeur. Que valent les dites «50 propositions» sinon de l’éculé, rongé jusqu’à l’os, argumentaire néolibéral digne de l’époque des Reagan  et consorts ? Avec, en sus, un risible vocabulaire «US pur jus» à l’appui (comme dirait M. Aktouf lui-même) du genre «200 champions»… champions de quoi ? Pour qui ? Pour le peuple ? De l’argent pour l’argent ?... Que dit-on de ce qu’il qualifie de  «vraies histoires d’horreurs» à investiguer : comment se procure-t-on, dans le contexte algérien connu, suffisamment de «ressources» en deux décennies, pour prétendre construire hôtels cinq étoiles, immeubles de standing, centres commerciaux… !? Comment !? Voilà une excellente question sur laquelle bien de nos beaux chercheurs et «think-thanks» devraient, bien utilement, se pencher, non ?

Le berger répond à la bergère

Qui répond au Pr Aktouf à ce sujet précis ? Personne ! Pourtant la question est d’un intérêt primordial pour guider bien de nos futurs entrepreneurs en herbe qui ne demandent qu’à savoir comment on s’y prend pour ce faire en Algérie, moi en premier, oserai-je dire ! Qui répond à la –gravissime-, démonstration de ce que le système-référence «néolibéral-US» n’est qu’usurpation grossière de l’idée même de démocratie ! Puisque (comme l’avoue, à son insu), la théorie dite de «l’incrémentalisme disjoint» invoquée par notre «champion» de Harvard, n’est que justification de «super corruption légale» dénommée «lobbies» ! Lobbies qui, faut-il insister, roulent pour les toujours plus riches, plus forts, plus guerriers, plus pollueurs, plus destructeurs de notre humanité et de notre Terre ? Comment, par ailleurs arguer que des bons et dus «audits» de certaines de nos «grandes réussites privées» nationales se suffisent comme réponse à «la» question de M. Aktouf ? Qui ignore que les plus fracassants scandales liés à la crise de 2008 étaient basés sur des audits attribuant des triples «A» à la plus féroce escroquerie de ce siècle : les fameuses «subprimes» américaines ? Etc., etc., etc., … ???? Alors pour l’argument de «l’audit», aussi «international» soit-il, on repassera, messieurs !

La recherche de boucs émissaires

À ce niveau, il est à se demander même, s’il n’y a pas risque de tomber dans les théories du «complot», tant les «fils» semblent gros. Comment, une réaction de nature (d’après les dires de son propre auteur, M. Boukharouba) «strictement privée» se retrouve-t-elle publiée en tant que «contribution» en bonne et due forme, destinée comme telle à un organe de presse ? Aléas incontrôlables du cyberspace ? Soit, peut-être. Admettons. Accordons le bénéfice du doute à toutes les parties… Mais de là à s’acharner à en faire la principale base et presque unique cible des contre-réponses et réactions négatives envers son auteur, tout en en profitant pour viser M. Aktouf… il y a un sacré grand pas à franchir et une bonne dose de mauvaise foi ! Avec le patronyme de la personne concernée, c’en est devenu une aubaine pour qui ne veux pas réellement répondre à ce dont parle le Pr Aktouf. Encore un bien grand dommage pour le sain et constructif débat politico-économique dont aurait tant besoin notre pays. Les «principaux concernés» comme disait M. Aktouf dans une autre publication, n’ont fait que «sauter» sur cette «aubaine» pour éviter les réponses qu’ils se devaient de donner.

Dommage. Mais… il y a aussi eu des boucs émissaires que je qualifierais de «positifs» : les savoureux «cas» de performances de beaux entrepreneurs nationaux ! Qui dans les huiles et les aciers, qui dans les tomates et leurs jus… Grand bien leur en fasse ! Comme on dit «Rabbi Izid el’houm» ! Mais, où est donc là le début de l’amorce de «vraie réponse» aux questions du Pr Aktouf, bien plus profondes que ces niveaux anecdotiques ? Quand à l’utilisation de la personne même de M. Aktouf comme bouc émissaire «messager qui paie pour le message», je ne pense pas devoir m’abaisser, ni quiconque, à m’y attaquer. Sa valeur, son intégrité, son professionnalisme et son sérieux en tant qu’humain, que personne, qu’intellectuel, que patriote… dépasse déjà bien des frontières pour oser s’y frotter. Que les «principaux concernés» comme il le dit, se mettent enfin à «vraiment» répondre à «ses» questions. L’Algérie n’en sortira que plus gagnante, j’en suis sûr.

Recherche désespérément débat !

Mais enfin, qui pourrait une bonne fois, en ce terme d’un cinquantenaire bien triste, oser organiser un vrai débat avec de vrais débateurs sur ce si urgent sujet ? Je ne pourrais les citer tous, mais pour mémoire je nommerais, autour de Omar Aktouf, des  A. Benachenhou, G. Hidouci, S. Goumeziane, A. Bouzidi. A. Mebtoul, T. Hafsi, Hadj Nacer, H. Belalloufi, Goumiri, L. Addi, El Kenz, M. Chennoufi, Z. Houfani, S. Zeghidour… et tant d’autres… en Algérie et ailleurs. Qui aurait l’audace de les réunir (à Montréal et/ou à Alger) avec ces «capitaines d’industries» pour «parler franc» et faire œuvre utile et nécessaire à notre pays, afin de le doter d’une véritable stratégie de développement (du pays et non de ploutocrates compradore) et rompre avec une gestion chaotique qui ruine notre pays chaque jour davantage ! Que les courageux lèvent le doigt et, comme des patriotes, agissent dans la bonne direction : commencer par rompre avec des modèles agonisants. Nul ne peut le nier, Omar Aktouf a très intelligemment pavé ici la voie, avant qu’il ne soit plus que trop tard pour notre pays, à une profonde-sérieuse indispensable réflexion sur nos choix politiques et économiques… alors, dans mon coin, je me mets à espérer et à attendre, comme tant d’autres, un débat de fond en invitant des sommités neutres de renom tels Stiglitz, Krugman, Sen, Fitoussi, Kempf et tant d’autres pour un salvateur échange qui pourrait avoir le mérite d’indiquer une voie, sinon une alternative pour notre futur économique.

 


Montréal le 26 août 2012.
Youcef Bendada, économiste, Montréal