Le Montréalais Samy Bensaci, qui a reconnu avoir piraté les téléphones de cinq victimes dans le but de leur dérober leurs portefeuilles de cryptomonnaies, a reçu une peine de 18 mois de détention à domicile pour ses crimes « sérieux, sophistiqués et prolongés » dans le temps. Il pourrait cependant devoir faire face à de nouvelles accusations, a affirmé son avocat.
Le jeune homme de Rivière-des-Prairies, qui n’avait que 18 ans et habitait encore chez ses parents lorsqu’il a complètement pris le contrôle des lignes téléphoniques de ses victimes, devra aussi fournir un échantillon d’ADN aux autorités. « Vous avez commis des crimes de tromperie. Nous devons vous surveiller. Garder une trace de votre ADN en banque est une façon d’y arriver », a tranché la juge Susan M. Chapman, de la Cour supérieure de Scarborough, où M. Bensaci a été jugé vendredi.
En mai dernier, M. Bensaci avait plaidé coupable à 10 chefs d’accusation de fraude informatique et d’entrave à l’usage légitime d’un ordinateur. De mai à novembre 2019, il avait exploité une technique de piratage de plus en plus répandue, l’usurpation de carte SIM (SIM swap), pour prendre entièrement le contrôle des lignes téléphoniques de ses victimes à distance. Cette méthode, utilisée pour déjouer les systèmes de sécurité par mot de passe de nombreux sites internet, a été conçue à l’origine par des adeptes de jeux vidéo afin de dérober des comptes de joueurs professionnels ou de haut niveau, mais a fini par être détournée pour voler des cryptomonnaies.
« Ça peut sembler un jeu amusant pour les pirates informatiques, mais ce type de crime a des conséquences graves dans le monde réel. Cela provoque le chaos et le désordre. Vous devez être découragé de commettre des crimes semblables, et les autres individus à l’esprit embrouillé doivent être découragés aussi », lui a lancé la juge Chapman, en acceptant de lui permettre de purger sa peine d’incarcération de 18 mois à domicile, assortie d’une longue liste de conditions.
Le jeune homme, « d’une intelligence et d’une persistance peu communes », selon la juge Chapman, s’est fait prendre, entre autres, parce qu’il avait piraté la voiture Tesla d’une de ses victimes, l’influent homme d’affaires torontois Don Tapscott, la faisant klaxonner en pleine nuit sans raison. C’est ce qui a mis la puce à l’oreille des policiers torontois, qui ont réussi à retrouver M. Bensaci et à le faire arrêter au domicile de ses parents, en collaboration avec la Sûreté du Québec (SQ), en utilisant des techniques de cyberenquête complexes.
« Pas au bout de ses peines »
Malgré sa reconnaissance de culpabilité, le jeune pirate informatique n’en a pas fini avec le processus judiciaire, a indiqué son avocat, Arun S. Maini : « Selon ce que nous comprenons, il y a d’autres enquêtes en cours relevant d’autres instances. Il y a des éléments qui suggèrent que M. Bensaci n’est pas au bout de ses peines. Par sa reconnaissance de culpabilité, il pourrait être en train de s’exposer à de nouvelles accusations, rendues plus faciles pour certains gouvernements ou certaines agences », a affirmé l’avocat, demandant à la juge de faire preuve d’une certaine indulgence.
La Presse avait révélé, à la suite de l’arrestation de Samy Bensaci en janvier 2020, que le Secret Service américain, responsable de la lutte contre la fraude financière aux États-Unis, avait aussi joué un rôle dans l’enquête, en fournissant à la SQ des informations au sujet du suspect. Mais comme aucune victime ne se trouvait sur le sol québécois, l’affaire avait été transférée à la police de Toronto.
M. Bensaci a passé 38 jours en prison à la suite de son arrestation, avant d’être libéré moyennant un engagement de 200 000 $ en garantie et sous de strictes conditions, qui lui interdisaient d’utiliser « tout ordinateur, tablette, téléphone mobile, console de jeu, y compris PS3, PS4, Xbox, Nintendo Switch, ou tout autre dispositif capable d’accéder à l’internet ».
La Cour ontarienne a demandé une évaluation psychologique, après que son avocat eut affirmé qu’il avait été « utilisé » pour commettre ses crimes. La juge a souligné que le jeune homme avait un comportement « antisocial », mais qu’il venait d’une « très bonne famille, très accomplie et responsable », qui avait tenté plusieurs fois d’intervenir lorsqu’elle avait remarqué qu’il s’isolait et avait des comportements « obsessionnels » qui laissaient présager un comportement criminel. « Vous souffrez d’une cyberdépendance qui nécessite un suivi professionnel », a affirmé la juge à l’intention de M. Bensaci, laissant à son agent de probation montréalais le soin de l’orienter vers les services appropriés.