L’association Project’heurts a abrité, en avant-première nationale samedi dernier à la cinémathèque de Béjaïa, L’islam de mon enfance, le film documentaire en version longue de Nadia Zouaoui, journaliste et documentaliste. Le fil d’Ariane de ce docu qui questionne la place de la religion dans la société : comprendre les origines de la dérive religieuse. Et qu’est-ce qui a bien pu arriver à l’islam de son enfance ? 

Un “islam de tolérance et de paix” qu’elle ne retrouve plus dans l’Algérie post-révolte sanglante du 5 octobre 1988. Ses personnages, certains assurément très attachants à l’instar des jeunes d’Oued R’hiou, révèlent le rôle joué par les réseaux sociaux, les télévisions satellitaires venues d’Orient notamment, mais aussi par l’école, qui a fait basculer les Algériens de leur rite malékite, profondément ancré dans le Maghreb, vers le wahhabisme. Résultat des courses : “La population est devenue une proie et une cible facile”, témoignent ses personnages. À ce propos, et au lieu d’en faire un film d’analyse avec des spécialistes des religions, des politologues ou des sociologues, elle a préféré donner la parole aux gens, des jeunes notamment qui livrent leur vision propre de l’islam. Et cela a marché, en témoigne l’impact qu’a eu le film, auprès du public béjaoui. Et ce n’est pas évident, s’est-elle empressé d’expliquer, en raison des médias, qui “ont formaté un certain imaginaire. Ils ont découvert autre chose”. 

La réalisatrice a considéré que les vrais héros du film sont bien ces personnages, ces jeunes d’Oued R’hiou. Certains d’entre eux vivent sous la menace d’une fatwa. “Ils se battent au quotidien, et ce n’est pas toujours évident. L’un d’eux a dû rompre, contraint et forcé, les fiançailles après que les parents de la fille aient décidé que le mariage n’aura jamais lieu. Il n’était pas le gendre idéal puisqu’il est considéré comme un athée depuis qu’il est devenu un peu trop critique, à leur goût, vis-à-vis de la religion”, a expliqué en substance la réalisatrice. Les jeunes d’Oued R’hiou ont affirmé notamment que “la laïcité est la solution”. Plus encore, “c’est une imposition de l’histoire”. La réalisatrice, qui vit depuis 1988 au Canada, a en outre rappelé les conditions de réalisation du film qui a connu plusieurs blocages. 

“Il a fallu six longs mois pour avoir les autorisations nécessaires. Mon équipe a eu un visa pour venir filmer en Algérie, puis non.” Et d’évoquer durant les débats que “pour filmer une séquence du film, à savoir montrer Kamal Daoud en train de rentrer dans un tribunal”, cela lui a valu des déboires. 

Et de déplorer : “J’ai filmé un 11 septembre à New York, personne ne m’a demandé des autorisations.” Aussi, le film que Zouaoui dédie aux victimes du terrorisme est ponctué de photos, des unes de journaux et d’images d’archives de la télévision publique algérienne, qui montraient les meetings des dirigeants du FIS dissous, des prêches du vendredi et les lendemains des massacres. Le documentaire, qui se veut une “culture de la mémoire”, montre également les prêches cathodiques sur les chaînes offshore où officient des imams où on dicte aux gens comment vivre, comment penser, ces séances de roqia (exorcisme) à toutes les sauces, même pour soigner des maladies mentales. Ce que la réalisatrice et l’un des acteurs du film, l’écrivain et chercheur Rachid Oulebsir, qualifie de “déresponsabilisation de l’individu, qui n’a plus besoin de réfléchir et de prendre ses propres décisions”, pis, incite au “sous-développement”.

 

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