« L’association ‘’Ajouad Algérie Mémoires’’ est née d’un cri de douleur et de colère. Celui d’un groupe de filles, fils et proches de victimes du terrorisme islamiste. À l’initiative de Nazim Mekbel, digne fils du regretté journaliste et chroniqueur Saïd, l’association s’est donnée pour mission de perpétuer et d’honorer la mémoire de celles et ceux, célèbres et anonymes, qui sont tombés sous les coups de la violence armée intégriste. »

Le 21 mars 2014, la section de l’association l’Ajouad de Montréal, a organisé une rencontre à la mémoire des victimes du terrorisme au centre des ressources communautaires de la Côte- des-neiges. Des femmes et des hommes étaient venus nombreux pour dire, à l’instar de leurs compatriotes dans toutes les régions d’Algérie, qu’ils n’ont rien oublié de ce drame qui a emporté plus de 250 000 Algériens et Algériennes. Au programme : projection vidéo, rencontre avec Nassira Belloula, auteure de l’ouvrage ‘’Algérie, le massacre des innocents’’, témoignages, exposition et débat pour marquer la journée du 22 mars contre l’oubli.

À l’entrée de la salle, des jeunes filles accueillaient chaleureusement les arrivants. Sur les murs de la salle, ces derniers pouvaient voir des photos et des messages qui rappellent certains noms d’artistes, de journalistes et des anonymes victimes de la folie meurtrière des intégristes. Ils étaient même invités, à défaut d’allumer des bougies, à écrire des messages sur ces moments douloureux de l’histoire récente de l’Algérie. Ce qui était frappant, lors de cette rencontre, est qu’il n’y avait aucune femme voilée.

La commémoration a commencé par l’intervention de M. Idir Sadou. Son intervention a mis en évidence l’urgence de témoigner et de laisser de traces aux générations suivantes. D’où l’importance de donner la parole à tout le monde, d’écouter les vécus des uns et des autres et surtout d’immortaliser ces témoignages. Une façon de contrer cette volonté politique d’effacer des moments de l’histoire et aussi de contrer l’amnésie consciente ou inconsciente de la société. Idir Sadou dira : « Nous sommes témoins de l’histoire. Chacun de nous devient un passeur de mémoire, un lien de transmission générationnelle. Ne rien dire, c’est enterrer une deuxième fois nos morts. Moralement, c’est insupportable. Il faut donc, collecter des faits, des témoignages qui seront une matière première pour les recherches à venir. Aussi, chaque ville, chaque village devrait édifier une stèle ou une œuvre qui rappellera ces actes ignobles de notre sombre histoire. Cette démarche n’a pas pour objectif de cultiver la culture de la haine, mais plutôt d’œuvrer pour que la justice soit rendue et que les criminels soient nommés. Nassira Belloua, journaliste et écrivaine, a, de son côté, dressé un tableau sombre de son parcours de journaliste lors de la décennie noire. Ses reportages et ses rencontres avec les familles des victimes l’ont incité à écrire son livre ‘’ ’Algérie, le massacre des innocents’’. Un travail douloureux à faire, mais elle l’a fait pour la mémoire et pour les victimes de cette guerre qui ne dit pas son nom. À la question de l’assistance relative à la censure, Nassira a affirmé qu’aucun journal ne l’a censurée. Elle a même souligné que tous les journalistes étaient mobilisés à couvrir ces massacres.

Farid Chikhi, qui était directeur des communications à la compagnie Air Algérie, a raconté un épisode qui continue encore à lui couper le souffle. En effet, il avait rencontré l’artiste Azzedine Medjoubi quelques heures avant son assassinat à quelques mètres de TNA ( Théâtre National /> Algérien). Le talentueux artiste était content d’avoir décroché le budget qui l’aiderait à lancer sa caravane à travers tout le pays pour recruter et former des comédiens. Une façon de vulgariser la consommation de la culture théâtrale et surtout de découvrir les talents. Les intégristes avaient déjà programmé l’élimination de Azzedine et par ricochet l’éradication de l’art intelligent. Le père de l’Ajouad Alloula n’a pas été épargné non plus. Il fallait donc raconter aux nouvelles générations ces crimes impardonnables, mais aussi les dommages collatéraux qui ont été causés par l’intégrisme:« Il y a eu donc parmi nos amis qui sont morts suite à une crise cardiaque ou à une leucémie. Je pense à Mimouni, Mestapha Bacha ou Benhadouga. Ils sont morts parce qu’ils ont vécu des événements tellement durs que la mort les a pris sans qu’ils n’aient reçu une balle. Il y a eu des milliers de victimes ( les appelés et les policiers) dont on ne parle pas. Un autre dommage collateéal dont on ne parle pas, c’est nous tous. On a quitté notre pays et ça a créé un vide qu’on le veuille ou non. On essaye de se reconstruire et ce n’est pas facile.»

D’autres interventions émouvantes ont insisté sur la nécessité de transmettre l’essence de ce combat contre l’intégrisme aux enfants même en exile pour éviter l’endoctrinement que ces extrémistes islamistes mènent au sein de leur communauté. Certains membres de celle-ci demeurent vigilants en transmettant la flamme de la liberté à leurs enfants. C’est ainsi que l’assistance a vu la jeune Nedjma Achour accompagner au violon Khalid Djebarri qui déclamait un poème de Fateh Agrane dédié aux femmes victimes du terrorisme. Pour M. Azzedine Achour, l’un des organisateurs de l’événement et père de Nedjma, cette commémoration est:« Un devoir de mémoire pour ne pas oublier que ce qu’a fait la bête immonde de l’intégrisme à mon pays!»

La guerre contre les démocrates était féroce. Ses répercussions continuent à hanter le quotidien de l’Algérie. Pis encore, les nouvelles générations sont privées de ces moments magiques que leurs aînés avaient connus grâce aux dramaturges comme Alloula, aux réalisateurs comme Azzedine Meddour, aux romanciers comme Rachid Mimouni, aux journalistes comme Tahar Djaout ou Said Mekbel. Tous ces noms, qu’ils soient assassinés par l’intégrisme ou par un chagrin fatal ou une maladie, symbolisaient cette Algérie debout, intelligente, contestatrice et déterminée à bâtir une société qui avance. Il faut par conséquent, en plus de ne jamais les oublier, les faire connaître à leur peuple et au monde.

Source: Djamila Addar - Taghamsa

‘’Ajouad Algérie Mémoires’’ ( communiqué) « L’association ‘’Ajouad Algérie Mémoires’’ est née d’un cri de douleur et de colère. Celui d’un groupe de filles, fils et proches de victimes du terrorisme islamiste. À l’initiative de Nazim Mekbel, digne fils du regretté journaliste et chroniqueur Saïd, l’association s’est donnée pour mission de perpétuer et d’honorer la mémoire de celles et ceux, célèbres et anonymes, qui sont tombés sous les coups de la violence armée intégriste. Moins de 4 années après sa création, Ajouad s’est imposée comme un acteur majeur dans le combat contre l’amnésie et ‘’l’effritement de la mémoire collective’’.Proclamée ‘’journée contre l’oubli’’, la date-symbole du 22 mars est devenue un moment fort de mobilisation et d’action aussi bien en Algérie (Alger, Oran, Constantine, Tizi-Ouzou, Bejaia, Aokas, Tiaret, Mostaganem) qu’au sein de la diaspora (Paris, Marseille, Toulouse, Montréal). À Montréal, la ‘’journée contre l’oubli’’ est commémorée depuis maintenant 4 ans, grâce notamment à la ténacité de notre ami Azzedine Achour. Après un démarrage modeste, l’événement a progressivement gagné en organisation et en envergure. L’an dernier, nous étions environ 80 personnes, rassemblées pour saluer symboliquement la mémoire des dizaines de milliers d’Algérien(ne)s victimes de la folie meurtrière des tenants de la ‘Dawla Islamiya’ et de leurs commanditaires. Cette année, nous souhaitons être encore plus nombreux à faire de cette soirée un moment de communion et de recueillement partagés, mais aussi un moment de prise de parole citoyenne et républicaine.

REJOIGNEZ-NOUS et, ENSEMBLE, RÉAFFIRMONS … Notre refus de cautionner le silence (volontairement entretenu) autour de cette page sanglante de notre histoire récente. Notre conviction selon laquelle un peuple amnésique est un peuple sans avenir et un État qui accorde l’impunité à des assassins est un État sans justice et sans honneur ! Notre volonté de poursuivre ce combat mémoriel, essentiel pour que l’Algérie puisse se donner un avenir dans lequel la violence sera délégitimée et l’intégrisme religieux