« (…)ce peuple n’est pas de la merde. Et moi dans tout ça… »?

Cette citation est de Kateb Yacine. On pourrait l’écouter et la réécouter dans l’excellent documentaire de Kamel Dehane ‘’Amour et Révolution’’. Un documentaire qui a été rediffusé ce mardi au Centre Afrika lors de la Semaine amazighe de Montréal qui a consacré sa quatrième journée à une conférence sur la poésie kabyle. Une conférence magistralement animée par les deux poètes Akli Iabadene et Lhacène Ziani en présence du groupe Idurar ( Kaci et Loualia Boussad fraîchement arrivés de Kabylie pour marquer avec la communauté amazighe de Montréal le 23ème anniversaire du printemps amazigh.

Le début de la soirée a commencé par l’agréable attaque poétique de Akli Iabadene avec son assefru ‘’Afghur N Kayen’’ ( Le déporté de Caen) en guise d’hommage à Nana Talaazibt. Cette vielle femme de Kabylie qui a gardé en mémoire la douleur d’une mère martyre poétesse qui pleurait en proses son fils déporté en Nouvelle Calédonie du temps de l’insurrection d’ El Mokrani. Le deuxième poème de Iabadene ‘’Tafsut’ retrace avec élégance le combat du printemps berbère de 1980 et le processus qui s’en est suivi. Quant au troisième poème ‘’ Banu Hilal inspiré de la Muqadima de Ibn Khaldoun, il revient sur la mémoire, l’invasion arabe et les ravages qu’elle a provoqués en Afrique du Nord.

Lhacène Ziani de son côté a dressé un tableau historique et chronologique de la poésie comme forme de ‘’Résistance identitaire et culturelle’’. Pour M. Ziani, la poésie est perçue comme arme de combat amazighe dans son meilleur. Après cette intervention académique, Ziani a procédé à la lecture de quelques poème récemment écrits ‘’Laarac’’, ‘’Arrac’’, ‘’Nhati’’ inspirés notamment du tragique printemps noir de Kabylie. Nhati nous renvoie à la douleur intérieure du Berbère qui ne cesse de subir toute sorte de répressions dans sa chair, sa mémoire et son identité, mais, qui doit résister encore et encore!

Par la suite le débat et les interventions de l’assistance ont porté sur la force et le rôle de la poésie dans le combat et le maintien de la mémoire amazighe à travers les siècles. Pour Akli Iabadene, cette forme d’expression s’explique par le fait que Tamazight n’était pas enseignée. Ce qui a rendu, selon lui, la poésie comme une sorte de ‘’chaîne de transmission, et la femme kabyle a été et demeure son meilleur disque dur. ‘’Toutes les femmes kabyles sont poétesses’’ dira Akli. Lahcène Ziani a développé quant à lui l’apport de l’élite des années soixante-dix et quatre-vingts dans la production de la poésie militante de qualité tout en insistant sur l’importance de distinguer le poète du parolier. Ce dernier, selon lui, a tendance à « embellir ses textes pour plaire » alors que le premier écrit « sans aucune complaisance ou autocensure » sa perception de la société, du monde qui l’entoure.

La conclusion de l’activité fût la projection du documentaire sur Kateb Yacine le poète, l’écrivain public, « le militant de toutes les causes perdues mais justes » comme l’a qualifié l’écrivain Rachid Mimouni. Kateb Yacine dira « avant de devenir un écrivain tout court, j’ai été d’abord un écrivain public. J’ai porté la conscience de la Rue ». Il est temps pour cette Rue de rendre hommage à ses enfants, « de rendre l’âme sans la perdre ». Mais, le combat intelligent serait peut-être de préserver l’âme du peuple et surtout celle du poète car seul lui est capable d’exprimer les informulables!

Source: http://www.algeroweb.com