Un Algérien de Montréal a créé une association dont le seul et unique objectif est d’organiser des colonies de vacances au pays pour des enfants issus de l’émigration. En sollicitant de l’argent public, la diplomatie algérienne a mis son veto en arguant d’un problème de représentativité.
Djamel Ould Abbès, le ministre en charge de la Communauté nationale à l’étranger, en avait fait la promesse aux Algériens du Canada en octobre 2008 à l’occasion d’une rencontre à Montréal. Un Algérien vivant au Canada depuis 1991, Kamel Attalaoui en l’occurrence, en rêvait depuis l’arrivée d’Air Algérie au Canada en 2007. Le rêve : organiser une colonie de vacances au pays pour les enfants algériens vivant au Canada. Si Djamel Ould Abbès n’a pas joint l’acte à la parole, Kamel Attalaoui a vite fait de commencer à monter une opération qui devait bénéficier, selon lui, à 21 enfants défavorisés issus de la communauté. Il précise toutefois la notion de défavorisé.
« Quand un Algérien du Canada ne peut envoyer ses enfants en Algérie qu’une fois tous les 4 à 5 ans, je les considère comme défavorisés. Cela me fait mal de voir que certains enfants nés ici sont arrivés à l’adolescence sans avoir vu une seule fois leur pays d’origine », explique l’ancien employé du secteur du tourisme en Algérie. Il crée en avril 2009 une association qu’il dénomme la Fondation Rêves d’enfants algériens sans en faire la publicité auprès des Algériens de Montréal, ce qui a été pour beaucoup dans la décision des diplomates algériens à Ottawa de ne pas le suivre dans son projet. Il s’en défend en affirmant qu’il a recruté les parents « là ou ils sont censés être : dans les garderies et les écoles pas dans les cafés ». Il ne bronche pas aussi quand on lui fait remarquer que les membres fondateurs portent le même nom. Il affirme qu’il a réuni une trentaine de familles pour l’assemblée constitutive. Pour se prémunir contre toute suspicion, il brandit le document d’enregistrement de son association où on peut comprendre en substance, qu’en cas de dissolution, les fondateurs ne pourront pas récupérer l’argent qu’ils ont mis dans la fondation ; une précaution appliquée à la plupart des associations de droit canadien.
Ce père de famille semble avoir appris de son passage dans l’association Aurès de Montréal dans les années 1990 du temps où elle était dirigée par Tarek Mihoubi puis par Reda Briksi ainsi que de son activité dans le mouvement des sans-papiers algériens au Canada. Il envoie des lettres à l’ambassade d’Algérie à Ottawa et au consulat d’Algérie à Montréal qui restent sans suite. Puis, sans trop de bruit, et lors d’un déplacement en Algérie, Kamel Attalaoui convainc Abderrahmane Abdedaim, président du Touring Club d’Algérie (TCA) de prendre en charge 21 enfants dans un centre de vacances géré par le Touring Voyages Algérie (TVA), ce qui lui permet de faire une économie de plusieurs milliers de dollars. Il contacte aussi la direction générale d’Air Algérie qui lui signifie qu’elle pourrait éventuellement l’aider en dehors de la haute saison. Il contacte alors le département d’Ould Abbès pour la prise en charge du transport des enfants, là on lui assure que le ministre est au courant, mais rien de concret ne vient de ce côté.
L’ambassade d’Algérie, certainement alertée par le TCA et Air Algérie, le contacte pour s’informer sur son association dont elle met en doute la crédibilité et la représentativité. La représentation algérienne veut aussi s’enquérir du processus de sélection des enfants ; Kamel Attalaoui propose un tirage au sort au consulat. L’action de l’ambassade est tout à fait normale quand des compagnies algériennes sont sollicitées d’aussi loin. Entre temps, il commence à lancer l’information dans les médias communautaires algériens de Montréal, notamment dans l’émission Montréal Labess qu’anime Aïssa Lamri sur les ondes de Radio centre-ville et sur le journal Alfa que dirige Mustapha Chelfi, ancien journaliste à Algérie Actualité. Peu après, Kamel Attalaoui reçoit un courrier du TCA l’informant du désistement de ce dernier pour « manque de structures d’accueil ». Tout s’écroule autour de lui et son projet tombe à l’eau. Contactée par El Watan, l’ambassade d’Algérie à Ottawa, à travers son service de communication, reconnaît implicitement être derrière ce revirement.
« L’ambassade a accueilli avec beaucoup d’intérêt cette proposition formulée par une nouvelle association créée récemment à Montréal. Toutefois, et s’agissant d’une demande de financement sur fonds publics, il a été suggéré de s’assurer du respect de certains préalables en matière d’information, et de représentativité de notre importante communauté au Canada et de conforter la légitimité de la demande vis-à-vis des organismes sollicités pour ce financement », a-ton affirmé. Elle laisse la porte ouverte à ce projet pour les années prochaines. Kamel Attalaoui, qui trouve « injuste de faire pareille chose aux enfants », aura appris, à 52 ans, une nouvelle leçon qu’il a peut-être oublié au Canada : en Algérie, l’initiative ne vient jamais d’en bas, même dans les rêves, et qu’un minimum de transparence sauve parfois son homme !