Les fans de Takfarinas viennent de prouver encore une fois leur amour et leur attachement au chanteur kabyle. Des jeunes, des moins jeunes, des enfants, en famille ou seuls. Ils étaient près de 4 000 samedi soir au Centre Marie Vicrtorin de Montréal.

Un « score » que n’a pu réaliser, au sein de la communauté algérienne du Canada, aucun des partis en course lors des dernières élections législatives qui avaient lieu la semaine dernière – près de 1 000 Algériens sur les 14 000 inscrits ont voté.

Ces élections ont failli faire avorter la venue du créateur de la Yal musique au Canada. Son appel au vote à la télévision algérienne a provoqué un tollé au sein de la communauté algérienne au Canada et ailleurs et a enflammé les réseaux sociaux.

Au point où le chanteur a été obligé de s’adresser à ses fans à travers une vidéo diffusée sur Facebook. Et c’était sans compter sur la lucidité et le courage de Takfarinas. Mouloud Kacher de NCP spectacles, organisateur de la soirée, a reçu quelques appels de personnes qui voulaient annuler leurs billets. Mais au final, « j’ai reçu plus de soutien que de reproches. La preuve vous l’avez ce soir avec ce public », a-t-il affirmé à El Watan. Takfarinas est aussi intervenu sur les ondes de l’émission berbère de Mourad Mahamli et Madjid Benbelkacem à radio CFBM pour s’expliquer. Le message semble être bien passé.

Le lendemain du concert et lors d’une discussion avec un groupe de journalistes algériens de Montréal, Takfarinas est revenu sur son appel au vote. Tout en l’assumant, il a dénoncé la manipulation de la télévision algérienne lors du montage. « J’ai parlé pendant un quart d’heure. J’ai parlé de ceux qui ont libéré l’Algérie, de la gravité de ce moment précis de l’histoire. J’ai même fini sur un vive l’Algérie, vive Tamazight », a souligné celui qui rappelle que même les arabophones d’Algérie sont des Amazighs si ce n’est les ravages de l’Education nationale qui doit être « repensée à zéro ».

Il justifie son appel par le fait que l’Algérie a déjà payé le prix fort avec les dix années de guerre et 200 000 morts. « Je suis sincère. Je ne cautionne pas le système. J’ai lancé un appel pour mon pays, pour mon peuple », a ajouté celui qui vit en France mais qui reste attaché à l’Algérie. Il y revient plusieurs fois par année. Pour rappel, le chanteur a même été de l’expédition de Oum Dormane en 2009, lors de « l’épopée » du match Algérie Egypte au Soudan.

Djamila Addar, journaliste du site montréalais berberes.com et militante de longue date de la cause berbère, estime qu’« un artiste a le droit à ses opinions en tant que citoyen. Mais il doit faire attention et rester au-dessus de la politique car ses fans viennent de toutes les tendances ». Elle dénonce toutefois ceux qui « ont remis en cause son amazighité et sa façon d‘aimer l’Algérie ». « Il faut que certains membres de la communauté kabyle arrêtent de donner des leçons aux autres kabyles en imposant leur façon d’aimer la Kabylie », a-t-elle soutenu.

Imazighen, Imazighen…

21 h15. Après le passage réussi de la Troupe de danse Tafsut, c’est aux cris de Imazighen, Imazighen qu’a été accueilli Takfarinas à son entrée sur scène qu’il n’a quittée que vers 1 :00 du matin. Il est resté avec ses fans jusqu’à 3h00 du matin pour satisfaire tout le monde en autographes et photos. Du haut de ses 52 ans, Takfarinas est resté jeune et demeure une bête de scène. Il a profité de la soirée pour rappeler son attachement à tamazight et a rendu hommage à Matoub.

De mémoire de Montréalais, les cinq concerts donnés par le chanteur algérien ont toujours été un succès. Il faudra peut-être penser à un stade au prochain concert que donnera celui dont le dernier album Lwaldine est sorti il y a une année. Il prépare un autre qui devrait sortir dans une année et demie.

Avec Takfarinas, le public n’est pas en face d’un chanteur de fêtes de mariage, avec tout le respect pour ce type de chanson. Il peut être considéré, sans contredit, comme le porte-drapeau actuel de la chanson kabyle en Algérie et dans le monde. Ce rôle a été souligné par la Coordination canadienne pour tamazight qui lui a décerné un trophée en hommage à ses 32 ans ce carrière.

Takfarinas, malgré tout

Ludmila et Manel, deux étudiantes de Montréal venues écouter le chanteur qui a accompagné leurs parents dans leur jeuness, disent qu’elles n’ont même pas entendu parler de la polémique qui a entouré la venue de Takfarinas. Manel aurait aimé que le concert ait lieu dans une salle, comme l’Olympia de Montréal par exemple.

Rabah, un informaticien, affirme qu’il a failli rembourser son billet avant de changer d’avis. Il est venu avec sa femme. « Takfarinas aurait dû faire attention », a-t-il soutenu. « Personnellement, cela ne m’a pas dérangé qu’il appelle au vote », a affirmé, de son côté, Amina, une jeune maman de deux garçons. Le concert de Takfarinas a été aussi l’occasion pour l’artiste-peintre Kamel Benidjer d’exposer ses toiles sur la femme berbère.

Mouloud Kacher, l’organisateur, est déjà sur un autre projet : le concert du chanteur kabyle Allaoua en septembre prochain. Espérons que, pour ce concert, Allaoua fasse attention à ce qu’il pourra dire ! Quoique d’ici septembre, le calendrier politique algérien ne prévoit aucune élection !

Source: El Watan