Un groupe d’intellectuels algériens a lancé un appel pour protester contre la décision de Smaïn Ameziane, commissaire du Sila, d’exclure l’Egypte de la prochaine édition de cette manifestation culturelle.

 

Un appel signé par des écrivains, des journalistes, des universitaires et des intellectuels algériens, vient d’être lancé contre la décision unilatérale de Smaïn Ameziane, commissaire du Salon international du livre d’Alger portant sur l’interdiction du livre égyptien au plus grand rendez-vous de l’édition en Algérie, le Salon international du livre d’Alger Sila. Le patron de Casbah édition l’a, en effet, annoncé il y a quelques jours. La demande formulée par les éditeurs égyptiens en vue de participer à la 15e édition du sila, qui se tiendra en octobre prochain, a été refusée. Pour expliquer cette décision, tant décriée par les éditeurs égyptiens, le premier responsable de cette manifestation culturelle avait déclaré au cours d’un point de presse tenu à la Bibliothèque nationale d’Algérie: «Je n’ai pas répondu au courrier de l’Union des éditeurs égyptiens! Ma conscience ne me permet pas d’inviter les Egyptiens, aujourd’hui, bien que parmi eux, il y a des amis. C’est par respect au peuple algérien et aux gens qui ont été maltraités au Caire que cette décision a été prise, le contraire aurait été de la pure provocation...»

Dès lors, certains intellectuels algériens n’ont pas lésiné sur les mots pour exprimer leur colère contre la «sentence» rendue par le commissaire du Sila. Ces derniers n’hésiteront pas à la qualifier d’irresponsable, d’irréfléchie et même de calamiteuse. «Il dit défendre la dignité du pays et de son Histoire. Comme si cette dignité pouvait être mise en parallèle avec une exposition de livres. Comme si nos valeureux martyrs pouvaient être satisfaits d’une telle dérive, qui se traduit par un mépris arrogant vis-à-vis de la culture de nos peuples. Comme si on pouvait unilatéralement punir la littérature égyptienne et le lectorat algérien alors qu’on continue à jouer au football, source initiale de tout ce scandale, avec des équipes égyptiennes», s’interroge-t-on dans l’appel lancé samedi dernier en faisant référence aux matchs qui ont été disputés entre des clubs de football algérien et égyptien. Des matchs qui ont été programmés quelques mois après les querelles suscitées par les deux matchs de qualification à la Coupe du Monde des nations, en novembre 2009, qui ont eu lieu en Egypte et au Soudan. «Il s’agit bien d’un chauvinisme délirant qui révèle, en fait, le peu d’égard que le livre, en particulier et la culture, en général ont toujours eu dans notre pays et une propension de certains de nos responsables à dénoncer au lieu d’éduquer», pouvait-on lire dans le communiqué. Qualifiant cette décision de honteuse, les initiateurs expliquent que l’objectif premier de cet appel signé entre autres, par Wassyla Tamzali, Daho Djerbel, Abderrhamane Zakad, est de «dénoncer le chauvinisme dont font preuve certains responsables du secteur de la culture, tant ce sentiment exprime des dérives politiques en complète contradiction avec les intérêts supérieurs de notre peuple dont le seul ennemi doit être le sous-développement sous toutes ses formes.».

Ils demanderont également «aux autorités concernées par ce scandale à y mettre un terme en levant l’interdiction faite aux livres égyptiens afin de leur permettre d’être découverts, lus et appréciés par les lecteurs algériens». Le choix de Smaïn Ameziane, commissaire du Salon international du livre d’Alger, quant à l’interdiction faite aux éditeurs égyptiens de participer à cette grande manifestation culturelle, a fait couler beaucoup d’encre dans la presse nationale. Des écrivains et des universitaires se sont empressés de se démarquer de cette décision dont la seule victime serait, selon eux, le lecteur et la culture en Algérie. «L’avenir du livre en Algérie, et plus généralement la liberté des idées qui y est attachée, ne peut-il se ressentir que de ces portes continuellement fermées dans une étrange farandole de censeurs?», écrira Abdelali Merdaci, écrivain et universitaire dans une contribution publiée dans le Soir d’Algérie intitulée: Interdiction du livre égyptien au Sila, une décision irréfléchie et calamiteuse.


Source: L'EXPRESSION - Edition du 23 aout 2010