Je ne connais ni d’Ève ni d’Adam Lwenes Matoub.
Dans mon exil canadien, lui, le démiurge en compagnie d’autres artistes fait partie de ceux qui m’aident à le supporter. À avoir plus mal aussi. L’exil est ce moment bref, lancinant où vous voulez voir les vôtres, embrasser votre mère avant qu’elle ne parte; l’exil c’est juste une fraction infinitésimalement petite du temps où vous voulez marcher sur votre terre. L’exil c’est juste des larmes. C’est tout. Pas c’est tout; c’est tout!
Lwenes Matoub, son art, ses chants et ses chansons
Ses chansons, les premières, celles dans lesquelles il cite des noms sont toutes passées à la trappe. À cause du dégout, des nausées du silence de ceux qu’il a cités. Lwenes Matoub dit dans l’une des ses chansons : « à Akbou, j’ai un ami » et d’autres…
Ses chants, le spécimen est Hommage à Boudiaf. Une entrée à la flute-guesba, un avendir, les gémissements d’un violon et la voix; la double voix avec Nouara pour chanter les hommes sans valeur. Sans valeur c’est comme c’est tout ci-dessus, le dernier.
À voix basse, lisez : avec des doses différentes de balles, la plus grosse pour lui, Mohamed Boudiaf et Lwenes Matoub; maintenant criez, ont été assassinées le même mois, juin, et la vérité a été damnée.
Pas de justice, rien à attendre de la justice! Seule une rédemption des assassins soulagera les cœurs et mettra la patrie sur le sentier de la paix, de l’amour. En se « rédemptant », les assassins, eux aussi, entreront dans l’histoire. C’est énorme ce qu’ils ont fait : assassiner Boudiaf et Matoub! Et ils solderont leurs comptes avec Dieu.
Son art. Il a été dans la musique, une vraie révolution dans le chaâbi. Une révolution qui a fait taire ou dire des reconnaissances ad-vitam-aeternam. Que les détenteurs des bandes ou films de Lwenes Matoub chantant en arabe les rendent publiques. Si cette information est vraie!
Lwenes Matoub, l’amour et la patrie
Il a aimé beaucoup de femmes. Passionnément. Follement. Avec entièreté. Dans un feu. Dans une pudeur et retenue infinies. Il a chanté la patrie. Sans ses femmes, sans l’amour qu’il leur a donné, l’aurait-il fait?
Sa vérité est un divin mensonge
Il savait qu’il allait mourir parce qu’il aimait. Sa vérité a été un divin mensonge. C’est son chant Beyond the grave qui le rapproche de Dieu. En kabyle, ce divin mensonge c’est «Ddaw Uzzeka thighriw».
Pas d’inquiétudes pour lui, il sera accompagné par des Anges qui par jalousie vont l’aimer. Comme ceux qui aiment les anges qui sont sur terre. Chacun son ange svp.
À toutes les femmes de Lwenes Matoub, vous qui saignez, soyez heureuses. Il le sera lui aussi. Tant qu’elle sera tue, triste sera la vérité, la vérité damnée.
Cherif Aissat