En quelques mois, Radil Hebrich est passé d’architecte de renom, en Algérie, à sans-abri, dans les rues de Montréal. Cet homme, que rien ne prédestinait à vivre dans la rue, est décédé tragiquement il y a deux semaines, après avoir été happé par un wagon de métro.

La mort de M. Hebrich n’est pas sans rappeler celle d’Alain Magloire, abattu tragiquement par les policiers, lundi. Rien ne semblait prédestiner ce chercheur, père de deux enfants, à devenir sans-abri.

Les circonstances de sa mort sont très différentes, puisqu’il s’agit d’un bête accident. Mais l’homme d’origine algérienne faisait aussi partie de ces êtres qui ont échappé au système, bien qu’ils aient tout pour réussir.

« Il ne voulait pas partir »

Radil Hebrich, 59 ans, est décédé le 16 janvier, au métro Langelier. Il marchait près de la rame de métro, quand il aurait trébuché, la tête au-dessus des rails.

Selon la police, il était en état d’ébriété. C’est à ce moment qu’un wagon serait arrivé et lui aurait heurté la tête de plein fouet. L’homme laisse derrière lui une bien triste histoire, lui qui était sur la bonne voie pour se sortir de son malheur.

«On est tous sous le choc… Tout le monde l’adorait», a confié sa sœur Djanet Zahia Hebrih, jointe par le Journal à Annaba, en Algérie, quelques jours après le décès de son frère.

M. Hebrich venait de commencer à reprendre sa vie en main, après des années plutôt difficiles. Il était arrivé au Québec en 2010 avec sa femme et ses enfants.

«Il ne voulait pas partir, affirme sa sœur, Djanet. Mais sa femme partait avec les enfants, alors…»

M. Hebrich était un architecte reconnu en Algérie­­ et âgé dans la mi-cinquantaine, il n’avait nulle envie de quitter le pays pour repar­tir à zéro. Mais il ne voulait pas vivre loin de ses enfants, selon sa sœur. Arrivé au Canada, le couple aurait divorcé. «Sa femme l’a jeté dehors», raconte Djanet.

De fil en aiguille, il se serait retrouvé à la rue. Avec l’organisme Mission Old Brewery, il a suivi un programme de réinsertion sociale.

Un homme travaillant

«C’était une personne très travaillante, raconte Teodor Vidam, le conseiller du refuge pour hommes qui s’est occupé de Radil. Il essayait de rebâtir sa vie. Il essayait tellement! Il était très calme et il prenait toutes les ressources que je lui donnais.»

Mais Radil semblait avoir beaucoup de difficulté à se trouver un emploi. M. Vidam se souvient qu’il a quitté le refuge il y a près d’un an, après qu’il l’eut aidé à se trouver un logement.

«Je n’ai plus eu de nouvelles de lui après, se souvient M. Vidam. Il s’était trouvé un logement, alors j’espérais que tout allait bien. Je l’ai croisé quelque temps après, au Salon de l’emploi. Il était venu déposer des CV.»

Selon Djanet Zahia Hebrih, son frère s’était finalement trouvé un emploi, mais elle ne sait pas dans quelle branche. Il était d’ail­leurs allé rendre visite à sa famille, en Algérie, en novembre. «Il est resté un mois, c’était fantastique. Il allait très bien. Quand j’y repense, j’ai l’impression qu’il nous a fait ses adieux, au moins… C’est fou, la vie!», lance-t-elle d’une voix émue, à l’autre bout du fil.

Teodor Vidam a été terrassé d’apprendre la mort accidentelle et bête de l’homme qu’il avait aidé à se remettre sur pied. «Je n’ai pas de mots pour le décrire, dit-il doucement, réprimant un sanglot. C’était tellement un homme bon! Il était très respectueux et reconnaissant envers moi. Je me souviendrai toujours de sa moustache!» ajoute-t-il, un sourire dans la voix.

La dépouille de Radil Hebrich a été envoyée à Annaba, où sa famille a procédé à l’enterrement.

Source: Journal de Montréal - 5 fev 2014