Deux Français boivent l’anisette à une terrasse de café. Un Algérien passe. L’un des deux se lève, sort un pistolet, abat ce passant, et revient finir son verre avec son copain. Pendant ce temps, l’homme se vide de son sang dans le caniveau. C’était en 1962. La France et l’Algérie étaient en guerre. Aujourd’hui, 50 ans plus tard, Algériens et Français se remémorent le passé.


Beaucoup de choses se sont passées en un demi-siècle, en Algérie : un coup d’État, la montée du djihadisme, un président tué d’une balle dans le dos, des milliers de morts, des internés, des torturés et des exilés.
Les Algériens, malgré tout, restent fiers d’avoir gagné leur indépendance. « En comparaison de l’époque où les Français étaient en Algérie, aujourd’hui nous
sommes au paradis », témoigne Ali BenSaada, un ancien combattant algérien de passage à Montréal.
À l’époque, il était professeur de Coran, un des rares qui pouvait lire les messages envoyés par l’armée française au Front de libération nationale (FLN). « Je lisais cela à la population pour la tenir au courant des instructions données par les Français », explique cet homme de 78ans. Un jour, l’armée française s’en est aperçue et l’a emprisonné. Il passa trois ans en cellule dans des conditions difficiles. « Ils m’ont torturé à l’électricité », précise-t-il.

Radouane Hamza n’a pas combattu pendant la guerre, mais il vivait en Algérie à cette époque. Il reste nostalgique et fier de cette période. «Ça ravive beaucoup de souvenirs. Ça a pris beaucoup de sacrifices pour que l’Algérie devienne indépendante, affranchie des colons qui ont traité les Algériens de sous-hommes », indique Radouane Hamza, installé en Amérique du Nord depuis 1976. Il est cependant inquiet. « Il reste du chemin pour que l’Algérie retrouve toutes les libertés individuelles et collectives. Elles ne sont malheureusement pas encore tout à fait là », rappelle-t-il.

 

Recherche de consensus

M. Hamza participera aux événements organisés par le consulat d’Algérie à Montréal durant toute l’année dans le cadre du 50e anniversaire de l’indépendance. « Nous devons nous parler entre Algériens exilés. Il n’y a jamais eu de consensus au lendemain del’indépendance. Les Algériens doivent se rapprocher, se raconter leur histoire pour faire comprendre au régime actuel qu’il faut faire un pas vers la liberté, explique-t-il.
Nous vivons au Canada, un pays de liberté. Je veux croire que les Algériens peuvent suivre ce modèle», poursuit-il.

Le son de cloche est différent du côté des combattants français. Albert Goldberg a fait cette guerre pendant quatre ans. Aujourd’hui âgé de 80 ans, il préfère oublier cette période de sa vie. « Je l’ai très mal vécu. Je ne me souviens de rien. »
Puis il confie: « ou plutôt, je ne veux plus m’en souvenir».
Cet ancien combattant réside au Canada depuis 20ans et préfère ne plus penser à cette période de sa vie. « Je ne m’intéresse plus à ce qui se passe en Algérie depuis longtemps.»
Albert Goldberg avoue tout de même qu’il ira faire un tour durant les événements commémoratifs. Il voudrait échanger avec les personnes présentes.

Source: 24H Montreal - PDF