Il est rare que les affaires de violence familiale soient jugées devant jury. C'est pourtant la forme de procès qu'un homme d'origine algérienne a choisie, à Montréal, récemment. L'exercice, haut en pleurs et en émotions, s'est conclu samedi: le mari violent a été déclaré coupable de toutes les accusations.

À la demande de la Couronne, l'homme de 46 ans a été incarcéré immédiatement, samedi matin. Il est retourné hier devant le juge Claude Champagne pour qu'on discute de la peine à lui infliger. Manifestement encore abasourdi, il s'est adressé au juge dès le début de l'audience: «Moi, je n'ai rien fait de mal à ma femme. Les jurés ne savent pas la vérité», a-t-il dit. Le magistrat l'a fait taire puisque le verdict avait déjà été rendu.

L'homme a été déclaré coupable de voies de fait ayant causé des lésions, de menaces de mort et d'agression sexuelle contre son ex-femme, ainsi que de voies de fait contre deux de ses enfants. Il n'a pas témoigné à son procès et, de toute évidence, le jury a accordé foi aux propos de la plaignante. L'homme, qui réside au Canada depuis une vingtaine d'années, était allé épouser sa femme en Algérie en l'an 2000. Ils ne s'étaient jamais vus auparavant. Il s'agissait d'un mariage arrangé par leurs parents respectifs. La jeune femme y avait consenti parce que, à 19 ans, elle était en «âge de se marier», a-t-elle expliqué au procès. Elle est venue rejoindre son mari au Canada en 2003. Ils ont d'abord vécu en Alberta, puis sont venus s'installer à Montréal avec leurs trois enfants en 2006.

Le mariage était un cauchemar et la violence était constante, selon la jeune femme. Il la battait quotidiennement, la faisait se sentir comme une moins que rien, refusait qu'elle prenne des cours de français et l'obligeait à avoir des relations sexuelles contre son gré. Il était aussi violent avec l'aîné des enfants (qui a maintenant 9 ans), et l'a été une fois avec un des plus jeunes.

Ils se voyaient en cachette

La jeune femme a porté plainte en mars 2008 et a été prise en charge avec ses enfants par une maison pour femmes en difficulté. Quelques mois plus tard, elle a toutefois revu son mari à l'insu des intervenantes de la ressource qui l'hébergeait et de la Direction de la protection de la jeunesse. Il était question de reprendre la vie commune, mais cela ne s'est pas concrétisé. Elle a appris qu'il faisait filmer leurs rencontres. Elle en a été choquée et n'a pas retiré sa plainte comme il l'aurait voulu.

Alors qu'elle était contre-interrogée par l'avocat de la défense, vers la fin du procès, la jeune femme s'est sentie mal à quelques reprises. Le jury n'a pas été témoin de cela mais, la première fois, elle est sortie de la salle d'audience sur une civière et a été hospitalisée durant quelques heures. Selon la procureure de la Couronne Geneviève Côté, elle a fait un épisode de «dissociation» et ne répondait plus à rien. Elle a repris son témoignage le surlendemain. À la fin du contre-interrogatoire, elle s'est de nouveau sentie mal et, cette fois, c'est en fauteuil roulant qu'elle est sortie de la salle d'audience.

Hier, Me Côté a recommandé au juge de condamner l'accusé à sept ans de pénitencier avec l'obligation d'en purger la moitié avant d'être admissible à une libération conditionnelle. Il n'y a selon elle aucun facteur atténuant, et l'homme est un danger tant pour la société que pour sa femme et ses enfants.

Me Denis Poitras, en défense, a plutôt recommandé une peine de quatre à cinq ans. Il a fait valoir que son client n'a pas de remords, car il ne reconnaît pas les faits, et qu'il se considère comme victime d'une injustice.

Rendu perplexe par le fait qu'il ne connaît rien de l'accusé, le juge Champagne a demandé un rapport de personnalité. Les plaidoiries se poursuivront le 29 novembre.


Source: CYBERPRESSE.CA