El Mahroussa, «la Bien gardée», El Bahdja, Alger la Blanche...les qualificatifs fleurissaient jadis pour vanter la beauté et la majesté de la capitale algérienne.

 

Dire qu’Alger a perdu son lustre d’antan ressemblerait à un doux euphémisme. Les trottoirs de l’ensemble des quartiers de la capitale même ceux qui ont la réputation d’être les plus huppés à l’instar de ceux d’ Hydra, Sidi Yahia...et des hauteurs d’Alger, croulent sous les amas d’ordures qui en plus d’être amoncelées et tassées dans des poubelles pleines à craquer dégagent une odeur pestilentielle. La saleté dont s’est drapée Alger, une des capitales les plus en vue de la Méditerranée, est loin de représenter une fatalité. Si l’incivisme de ceux qui la peuplent représente une des raisons essentielles de l’état de dégradation avancé dans lequel se trouve «El Mahroussa», les séquelles profondes d’un certain type de comportement sont révélatrices de l’inadaptation d’une certaine catégorie de la population à leur nouvel environnement. A ce titre, les responsabilités des pouvoirs publics, celle de l’école, institution dévouée par excellence à la dispense de l’éducation des enfants, ainsi que celle des parents à qui revient le devoir d’inculquer les bases les plus élémentaires du respect de l’environnement et d’autrui à leur progéniture, sont engagées. La pollution de l’environnement donne la nette impression qu’il est loin de représenter une des priorités du paysage urbain des grandes villes algériennes en général et de la capitale en particulier qui en principe doit être une fenêtre sur le monde. Hélas, mille fois hélas! l’image que renvoie Alger a changé de couleur. Le blanc dont elle s’est drapée voilà des millénaires a viré au gris. Ses rues et ses ruelles en plus d’être insalubres sont défoncées. Les trottoirs sont devenus des dépotoirs. Les horaires de ramassage d’ordures sont irréguliers. Entassées dans des poubelles ou jonchant le sol, elles y séjournent parfois plusieurs jours avant d’être évacuées favorisant par conséquent la naissance de foyers de microbes. Les ordures ménagères déposées n’importe comment et n’importe où constituent des cibles privilégiées pour les chiens et les chats errants. Certains parents n’hésitent pas à confier cette corvée à leurs jeunes enfants pas plus hauts que trois pommes. Par crainte de ces animaux, ensauvagés, et en plus de ne pouvoir atteindre l’ouverture des poubelles trop hautes pour eux, ils les abandonnent à même le sol.

Les sachets ainsi déposés deviennent des nids autour desquels foisonnent et prolifèrent toutes sortes de bestioles. Comble de l’histoire, ces espaces sont aussi partagés par ces rongeurs nocturnes que sont les rats et que l’on peut même apercevoir le jour. Une cohabitation qui défie toutes les lois de la nature.

Comme quoi et surtout dans notre beau et cher pays, rien n’est impossible. L’espace est partagé par les chats et les chiens dont la légendaire agressivité est pourtant identifiée comme étant héréditaire. Si l’on ajoute à ce triste décor les crachats quotidiens, un réflexe héréditaire aussi que la chaîne de générations de parents aurait dû interrompre et qui a tout naturellement continué à transmettre. Avec la proportion prise par le phénomène de la consommation, sont apparus les sachets et les gobelets en plastique qui sont instinctivement jetés après usage. Ils constituent des foyers de pollutions terribles pour la planète. La durée de vie d’une bouteille en plastique jetée dans la nature est de 100 à 1000 ans. Celle d’une boîte de conserve est de 50 ans, celle d’un filtre à cigarette de 1 à 5 ans, le chewing-gum 5 ans, celle des pneus en caoutchouc plus de 100 ans...

La liste est longue alors que tous ces objets peuplent et rendent hideux le visage offert par Alger et sa périphérie. L’une des causes essentielles de ce type de comportement ne trouve t-il pas sa réponse dans l’exode massif de la population qui n’a pas trouvé ses repères dans un certain type d’occupation de l’espace? Occuper un logement rural et se retrouver du jour au lendemain dans un appartement doit provoquer un changement radical. D’autres repères sont nécessaires. Près d’un demi- siècle après l’indépendance, les Algérois semblent ne pas les avoir encore trouvés.

Source: L'EXPRESSION - Edition du 29 juillet 2010