Mohamed Gahche vit depuis dix-huit ans aux Etats-Unis après un séjour bénéfique de deux ans en Allemagne. Originaire de Jijel, il est directeur d’opérations au Sheraton de Washington où il enseigne également le service à la clientèle. Il nous livre dans cet entretien les grandes idées qu’il compte défendre à l’APN en faveur de l’ensemble de la communauté immigrée.

Mohamed Gahche vit depuis dix-huit ans aux Etats-Unis après un séjour bénéfique de deux ans en Allemagne. Originaire de Jijel, il est directeur d’opérations au Sheraton de Washington où il enseigne également le service à la clientèle. Il nous livre dans cet entretien les grandes idées qu’il compte défendre à l’APN en faveur de l’ensemble de la communauté immigrée.

Entretien réalisé par Nouria Bourihane

Le Jour d’Algérie : L’Algérie a sollicité le retour des cadres immigrés dans le processus de développement en cours. Le lien de ces ressortissants avec le pays est fort car ils sont redevables à l’Algérie mais l’hésitation freine l’engouement ? Comment peut-on consolider ce lien ?
Mohamed Gahche : Justement, je suis en train de développer un plan dont je ne peux pas vous divulguer les axes et le contenu, mais je peux déjà vous dire qu’il est très important et consiste à trouver les formules adéquates pour convaincre les algériens installés à l’étranger de revenir pour travailler et pour faire profiter l’Algérie de leur expérience. J’ai commencé déjà par une série de rencontres où j’ai invité Rebreb Isâad, DG de Cévital, un grand industriel privé en quête de compétences avérées. Nous avons animé des conférences à Montréal où nous avons invité tous les cadres algériens avant de nous diriger aux Etats-Unis Houston, San Francisco, Washington, New York et Chicago.
Nous comptons poursuivre ce périple de recherche de l’élite algérienne au mois de février prochain pour aller à Boston, Miami, Las Vegas, et Los Angeles et autres.
Le seul problème qui se pose actuellement est celui de la rémunération. Ces cadres ne sont pas prêts à revenir travailler en Algérie pour un salaire très bas comparativement à leurs compétences. J’ai eu des discussions avec beaucoup d’algériens sont intéressés par l’idée de revenir pour aider l’Algérie c’es pour cela que je suis en train de finaliser un plan solide, en collaboration avec des collègues députés, pour traiter cette question et trouver des solutions adéquates. Pour cela, on va organiser un séminaire où on invitera tous les Algériens concernés pour prendre part à ce débat.

Ça reste votre initiative personnelle, mais quel rôle peuvent jouer les pouvoirs publics pour faciliter et surtout accélérer leurs déplacements ?
J’ai insisté dans mes interventions au cours la semaine écoulée à l’APN sur un certain nombre de questions ayant trait à cet aspect. Il y a d’abord le problème des salaires qui restent très bas et qui font que l’Algérie compte parmi les pays classés en dernier dans ce domaine comparativement, entre autres, aux pays voisins.
On peut faire appel à ces compétences installées à l’étranger comme consultants et non forcément à plein temps. On commence déjà par leur permettre de venir une ou deux fois par mois pour donner des cours ici en Algérie pour garder le lien déjà et on peut ainsi passer à une autre étape où on peut les convaincre de rester là.
Moi personnellement, j’encourage les algériens à garder un lien avec l’étranger car la science et le savoir avancent plus vite dans les pays développés.
On doit assurer à ces compétences le minimum de conditions, à savoir un logement, le payement de billet d’avion pour pouvoir se déplacer à l’aise en contre- partie d’un encadrement durant une période bien déterminée.
Le manque flagrant de centres de recherches chez nous rend la tâche difficile, c’est pour cela qu’il faut créer ce genre d’espaces dans tous les domaines. J’ai déjà débattu de cette question avec des amis de l’université de San Francisco sur la nécessité de développer la recherche en Algérie.
En plus de ça, je pense qu’il faut donner les moyens et surtout le pouvoir de décision et d’initiative aux savants, aux scientifiques et aux intellectuels de façon à les inciter à participer et surtout à s’impliquer dans le processus de développement de la science dans le monde.

Beaucoup d’Algériens dans tous les pays du monde ont sérieusement percé. Peut-on connaître le secret et la clef de la réussite ?
Premièrement, il y a le facteur sécurité. Je pense que si on peut développer une bonne sécurité et un bon salaire, l’algérien travaillera et s’impliquera davantage dans le développement du pays. Les algériens qui ont réussi ailleurs ont trouvé le terrain balisé : la sécurité, le choix, la liberté, l’encouragement par la société qui incite les gens intelligents par des systèmes de primes ; c’est pour cela qu’il y a une grande partie qui a bien réussi à l’étrangers.

Qu’est-ce qui distingue la communauté installée en Europe de celle installée en Amérique et dans toute la région que vous représentez ?
Pour moi, tout algérien qui quitte le pays a le même statut et sa situation est pareille partout où il s’installe. Ce qui différencie les deux communautés, c’est la langue. L’Algérie est un pays francophone, c’est pour cela qu’on voit d’ailleurs beaucoup de séminaires et de rencontres entre les algériens et la communauté européenne de manière générale.
Les échanges économique et même politiques sont plus intensifiés avec ces pays francophones et l’Algérie n’a pas, par conséquent, des liens aussi intensifiés avec les pays anglophones. Les étudiants, professeurs et universitaires dans les différentes universités américaines sont assoiffés d’avoir des informations sur l’Algérie pour la connaître davantage car, malheureusement, l’Algérie ne figure pas dans le MAP académique universitaire américain et ces chercheurs ont vraiment voulu faire des études sur l’Algérie, sur la culture et le peuple algérien. Il n’y a pas de communication et un lien entre la culture algérienne et américaine au niveau des universités. Je voudrais bien que des universitaires algériens se déplacent et assistent aux séminaires et conférences organisés en Amérique.
Il y a aussi le facteur de la distance, l’Europe est plus proche que l’Amérique ou l’Océanie mais j’avoue que la langue française joue un rôle important dans la société. Mais il ne faut pas oublier que toute la science et le savoir sont en anglais puisque même les français, les chinois, les japonais et bien d’autres peuples n’ont pas pu traduire tout ce qui a été fait en anglais. Les français parlent l’anglais pour maîtriser la science et suivre son développement.

Vous aspirez à ce que les relations entre l’Algérie et le continent américain soient plus élargies et dépassnte le stade de la lutte contre le terrorisme ?
Oui, j’espère que la politique va changer bientôt, et c’est pour cela que j’ai demandé la mise en place d’une ligne aérienne directe entre l’Algérie et les Etats-Unis. Cela facilitera les déplacements des deux communautés, des responsables et chercheurs américains, des hommes d’affaires, des touristes enfin tout ce qui peut contribuer à élargir les relations et être bénéfiques pour les deux pays.

Quelles répercussions ont eu les événements du 11 septembre 2001 sur la communauté algérienne établie aux USA ?
Tout à fait, d’ailleurs j’ai relevé dans l’une de mes interventions sur la loi des banques certains points sur les transactions monétaires. L’équation, après le 11 septembre, a complètement changé pour les arabes et les musulmans ; pour preuve, ces communautés ne peuvent pas transférer leur argent vers leurs pays d’origine à cause des suspicions qui peuvent être faites autour de cela. Les américains se demandent pourquoi telle ou telle personne transfère toutes ces sommes. C’est pour cela que les algériens ont refusé de prendre avec eux l’argent même avec la limitation du seuil maximal des sommes. Ça devient un peu difficile pour eux.

Mis à part le problème du financement ?
Je crois que la législation américaine protège les citoyens qu’ils soient d’origine américaine ou étrangère de toute forme de discrimination. Mais il y a toujours un risque là-bas. Un arabe reste un arabe et un musulman reste un musulman. Le racisme aux Etats-Unis est invisible, il n’est pas manifeste comme dans les autres pays du monde.

Quelles sont les préoccupations de la communauté que vous représentez et que vous avez évoquées dans vos interventions ?
Elle demande une relation bancaire entre l’Algérie, le Canada et les USA. J’espère que les réformes en vigueur porteront leurs fruits de façon à lui permettre mettre leur argent dans une institution bancaire sur place et les transférer en toute sérénité. Créer une banque ou un partenariat avec une banque américaine ou canadienne est important; compte tenu de l’importance de cette communauté qui dépasse 20 000 aux USA et 50 000 au Canada. J’ai mis l’accent, dans ce contexte, sur la nécessité d’éliminer le marché informel de change et son remplacement par des bureaux agréés afin de lutter contre le blanchiment d’argent. La communauté en Amérique demande l’ouverture d’un consulat à New York pour couvrir les régions alentour et diminuer la pression sur l’ambassade de Washington, seul établissement qui reçoit toute la communauté. Ce consulat va également permettre le développement des relations économiques, culturelles, politique, et touristique. La satisfaction de cette demande est possible puisque l’édifice existe et il est inexploité. Cela va permettre aussi d’intégrer l’Algérie dans la carte académique américaine tout comme les autres pays qui n’ont pas le même potentiel que notre pays. Une ligne directe, comme celle liant Montréal à Alger, une grande réalisation de l’Algérie qui n’a pas pu se concrétiser sans l’intervention du président de la République. La communauté de la région six (6) demande de bénéficier des mêmes privilèges que ceux de l’Europe à l’exemple de la diminution appliquée pour l’achat de billet. La diminution de la durée du transfert des dépouilles mortelles.
Pour la loi de finances, je propose la révision immédiate des salaires appliqués en Algérie et aux fonctionnaires des consulats et ambassadeur d’Algérie à l’étranger. Actuellement, il y a un problème énorme. Il se trouve que les fonctionnaires au sein des consulats et ambassades n’ayant pas la résidence du pays où ils travaillent n’ont pas payé de taxes depuis plus de vingt ans. La majorité des recrutés durant cette période sont des contractuels qui circulent avec la «green card» sans être au courant des procédures et du payement de cette taxe. Cette fois-ci, les autorités américaines ont opéré des contrôles au sein de ces résidences et ont exigé des fonctionnaires le payement de cette taxe cumulée. Il y a un minimum 15 000 à 20 000 dollars à payer ce qui n’est pas abordable pour eux tous. Je propose de les aider dans le payement comme ça a été le cas dans certains consulats installés dans des pays arabes qui ont accepté d’aider les fonctionnaires. Cela peut être très possible grâce à une augmentation des salaires.
La revalorisation des rémunérations motivera les travailleurs et les ressortissants installés à l’étranger. Il y a lieu également la révision ou la suppression de la TVA sur les produits de consommation. J’ai aussi proposé le renforcement de la sécurité en augmentant le budget des collectivités locales et des éléments de police. J’ai évoqué l’importance de revaloriser le travail et le salaire du personnel de l’éducation et la promotion des investissements pour lutter contre le chômage.

Format pdf

Source: http://www.lejourdalgerie.com/Editions/111107/Rubriques/evenement.htm