MM. Foura et Raffa en commission parlementaire (Le mardi 26 septembre 2006, 17h30)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux. Et je demanderais à MM. Foura et Raffa de bien vouloir s'intaller ici, devant nous. Bienvenue en commission parlementaire. Donc, je vous explique brièvement les règles de la commission, que vous connaissez peut-être. Vous avez un temps maximal de 10 minutes pour présenter votre mémoire – c'est très court, oui – et ce sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous demanderais tout d'abord de vous identifier pour le bénéfice du Journal des débats , puisque vous êtes plus qu'un, et ensuite de prendre la parole, et présenter immédiatement votre mémoire. La parole est à vous.

M. Raffa (Rachid): <VD>Salam aleikum, mesdames et messieurs. M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, merci de nous accueillir alors dans cette enceinte. Mon nom est Rachid Raffa, je suis Algéro-Québécois, au Québec depuis bientôt 32 hivers, et je travaille au ministère des Transports du Québec, et je suis impliqué dans la communauté musulmane de Québec ainsi que dans d'autres organismes. Je siège au conseil d'administration de la Ligue des droits et libertés du Québec, à la Table Maghreb. Vous avez déjà eu un mémoire de cette table auquel on a collaboré. Et je tiens à vous remercier de nous recevoir. Parce qu'il y a deux ans, je pense, sur les niveaux d'immigration, on ne m'a pas permis de m'exprimer ici, et je tiens à le souligner et à le déplorer. Alors, j'en suis d'autant plus content.

D'abord, je préfère vous avertir que... Bon, je pense que vous avez lu notre mémoire. Je pense que vos travaux, les travaux de la commission, ne seront utiles que dans la mesure où il y aura une volonté réelle politique de régler le problème de la discrimination, du <racisme et de l'exclusion. Si cette...



M. Raffa (Rachid): ...ne seront utiles que dans la mesure où il y aura une volonté réelle politique de régler le problème de la discrimination, du >
racisme et de l'exclusion. Si cette question n'est pas réglée avec une volonté politique réelle, on aura peut-être fait une consultation de trop parce que les études existent, des données existent, et on attend toujours la manifestation d'une réelle volonté de l'État québécois.

Ce qui est dévastateur pour les victimes du racisme, de l'exclusion et de la discrimination, particulièrement en emploi, peut s'avérer d'autant plus destructeur que ça peut être légué comme héritage aux enfants de ces propres victimes. Imaginez le Québec que l'on se prépare, avec plusieurs solitudes, plusieurs vitesses, avec des fractures ethniques, socioéconomiques et religieuses, voire des affrontements intercommunautaires.

D'ailleurs, je voudrais soulever un point qui ne figure pas dans notre mémoire, le phénomène des gangs de rue, pour lequel on vient d'annoncer des fonds pour lutter contre ce symptôme. Je dis bien «symptôme» parce qu'une des raisons de l'éclatement de ce phénomène, c'est justement l'exclusion et le racisme contre lequel on ne lutte pas. On ne s'attaque pas aux causes du problème, aux racines du problème, mais aux symptômes. Le tout répressif ne va pas servir à grand-chose. Il peut même être contre-productif.

Vous avez vu à la lecture de notre mémoire que nous nous en tenons peut-être un peu trop à la responsabilité de l'État. C'est un mémoire qui essaie de faire ressortir une perception qui existe dans les groupes les plus vulnérables de la société québécoise, à savoir les Noirs, les Arabes et les musulmans, une perception tenace qui fait que des gens croient qu'il existe un racisme institutionnel. Et c'est la raison pour laquelle vous avez dans notre mémoire, en première partie, toute une liste de problèmes dont je me limiterai à citer quelques-uns, notamment sur le plan religieux.

Il est inadmissible qu'un État démocratique et laïque, c'est-à-dire neutre vis-à-vis de toutes les religions, commette de graves erreurs comme celle qui a failli avantager les écoles privées juives en matière de financement, tout comme la sous-traitance de la sélection d'immigrants par certaines communautés influentes, les Juifs et les Ismaéliens par exemple.

Toujours sur le plan religieux, notre Assemblée nationale a, dans un geste d'une rare unanimité, passé une motion sur l'arbitrage familial islamique sans se soucier <de son utilité... > de son inutilité au regard de l'interdiction formelle contenue dans notre Code civil et encore moins du fait qu'un tel vote ostracisait la seule communauté musulmane. Si motion il devait y avoir, il aurait fallu une motion qui condamne tout arbitrage religieux en matière familiale, qui de toute façon est interdit par le Code civil.

Autre chose, les communautés musulmanes sont déjà victimes de la montée des imams, et les institutions publiques, tant fédérales que provinciales, y donnent une importance démesurée au détriment des leaders des différentes communautés. On est en train d'instituer des interlocuteurs avec les imams, et le ministère de l'Immigration n'échappe malheureusement pas à cette tendance.

De la même manière, je n'insisterai pas sur le fait que le gouvernement a toujours failli à atteindre son propre objectif de recrutement, dans la fonction publique et le secteur parapublic, d'un certain nombre de gens d'origine dite étrangère. Il y a un malaise. Il y a un malaise chez les Noirs, il y a un malaise chez les Arabo-Berbères québécois et chez les Québécois de religion musulmane, qui se sentent parfois non acceptés par leurs propres institutions. On a beau dire qu'il s'agit là d'incidents regrettables, que l'intention n'était pas d'exclure, que la loi est la même pour tous, la perception contraire peut être tenace et renforcer un appel du ghetto dans un contexte qui, vous le savez, après le 11 septembre 2001, a aggravé les difficultés d'être citoyen de plein droit et de plein exercice.

L'État québécois est interpellé en tant que tel, en soi, mais aussi du fait qu'il a le devoir de veiller à la paix sociale, à préserver et à promouvoir l'égalité des chances, et à donner l'exemple à l'ensemble du corps social, et notamment au secteur privé, en matière d'emploi parce qu'il a les moyens d'agir sur ce corps social. Encore faut-il qu'il affiche une volonté politique claire et la traduise dans la réalité.Je céderai la parole à mon ami Lamine Foura pour la partie recommandations.

M. Foura (Lamine): M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, donc merci de nous avoir donné l'occasion d'exprimer notre point de vue sur cette consultation. Je me présente, mon nom, c'est Lamine Foura. Je suis <ingénieur de formation, ingénieur après...



M. Foura (Lamine): ...M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, donc merci de nous avoir donné l'occasion d'exprimer notre point de vue sur cette consultation. Je me présente, mon nom, c'est Lamine Foura. Je suis >
ingénieur de formation, ingénieur après avoir parcouru le parcours du combattant parce qu'on ne peut pas être facilement ingénieur au Québec, si on a un diplôme à l'étranger. Je travaille dans une compagnie en aéronautique et je suis animateur d'émissions de télé et de radio communautaire à Montréal.

En guise de contribution positive à la réflexion globale sur les pistes de solution, nous allons présenter trois pistes de solution. Vous allez voir qu'on focusse surtout sur la responsabilité du gouvernement parce qu'on considère que le gouvernement a failli à plusieurs reprises pour contrer la question du racisme au Québec.

La première piste, c'est une piste de prévention et une piste de la pédagogie à travers un premier point qui consiste à élargir et à rendre durables les programmes de sensibilisation à la diversité culturelle au Québec. À titre d'exemple, suite à notre mémoire, <j'ai reçu beaucoup de... > dans tous les courriers que j'ai reçus, c'était «Mme Lamine Foura». Parce qu'on doit être conscients que des noms qui se terminent avec «e» peuvent être masculins dans d'autres cultures, juste à titre d'exemple où il faudra renforcer cette diversité multiculturelle pour que, premièrement, les institutions de l'État soient sensibilisées à cette diversité et la société québécoise, d'une façon générale, soit de plus en plus sensibilisée.

D'autre part, il faudra mettre en place des programmes efficaces à l'accès à l'emploi. À ce niveau-là, on peut rentrer dans un débat théorique en parlant des entreprises privées, mais pour nous, déjà si l'État s'engage à mettre en place des programmes concrets < au niveau...>, avec imputabilité, au niveau des institutions, donc de la fonction publique provinciale et municipale, et aussi au niveau du parapublic, je pense que la question de l'emploi au sein des communautés culturelles pourra être énormément résolue.

Un troisième point, c'est sensibiliser les nouveaux arrivants par rapport à leurs droits en organisant des cycles de formation pour leur montrer leurs droits. Parce que, si les textes et les lois existent et que les gens concernés, les victimes du racisme, ne sont pas sensibilisés, on ne pense pas que ces lois vont servir à quelque chose.

Un dernier point qui est très, très important, c'est l'élimination de toute initiative étatique inéquitable. On ne peut pas, et l'État ne peut pas demander au privé, par exemple, de recruter, d'être équitable envers les immigrants et en même temps cet État <elle>lui -même n'est pas équitable envers les communautés culturelles. Et on a un exemple flagrant. C'est la tentative du gouvernement actuel de financer des écoles d'une certaine communauté à 100 % au moment où les écoles musulmanes, à titre d'exemple, ne sont même pas financées. Il y a une seule école primaire, sur toutes les écoles musulmanes, qui est financée et on parle du financement de 60 % qui est donné à toutes les écoles privées. En même temps, toutes les écoles musulmanes <se... > font des efforts pour avoir un financement. Le gouvernement a tenté de financer une communauté à 100 %.

Dans la deuxième piste, qui concerne la vigilance et la répression, on demande un renforcement de la vigilance à l'égard des propos, des comportements et des gestes raciaux, surtout au niveau des médias. Aujourd'hui, comment demander à un immigrant qui, lui, est un contribuable et qui paie ses impôts qu'un média qui est financé par l'État puisse insulter sa religion? Comment peut-on demander à cette personne-là de se sentir faisant partie de la société québécoise?

Un deuxième point, il faudra revaloriser par des ressources humaines et financières, dans la mesure du possible, la mission et le rôle de la Commission des droits de la personne, qui devrait être dissociée, pour être plus efficace, de la Commission des droits de la jeunesse, vu que les problèmes de la jeunesse sont donc plus ou moins différents sur la question droits de la personne.

Par rapport au dernier point qui concerne l'adhésion à la culture commune, on trouve qu'aujourd'hui un des problèmes qui peut se poser, c'est le retour du comportement de l'immigration d'une façon générale sur le racisme. Donc, le comportement qui peut différencier certaines cultures de la culture québécoise peut créer le racisme. À travers ce point, je pense que l'État a l'obligation de prendre des positions claires entre la question entre le multiculturalisme canadien et l'interculturalisme québécois. Cette ambiguïté renforce un comportement qui peut générer un racisme au sein de la société.

Et à la fin il faudra insister sur une chose. C'est que seul un engagement clair de l'État <qui > va aider à faire reculer le racisme au Québec. Et merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. M. Foura, M. Raffa, merci d'être avec nous aujourd'hui. J'ai bien lu votre mémoire. Je comprends votre scepticisme aussi, Je comprends votre scepticisme. Je comprends que vous soyez désillusionnés. Je comprends à travers les propos que vous tenez dans votre mémoire, qui est à la fois dur et peut-être avec un parti pris, mais je comprends, je comprends. Il est évident que, lorsque vous soulevez une consultation de plus, vous vous demandez ce que ça va apporter et si une politique va réellement changer les choses. Et vous vous le demandez avec raison. Il y a beaucoup de consultations qui ont été faites par le passé. Je voudrais peut-être juste vous <mentionner...



Mme Thériault: ...une consultation de plus, vous vous demandez ce que ça va apporter et si une politique va réellement changer les choses. Et vous vous le demandez avec raison. Il y a beaucoup de consultations qui ont été faites par le passé. Je voudrais peut-être juste vous >
mentionner qu'il y a eu deux consultations qui ont été menées par rapport à la reconnaissance des diplômes étrangers et les métiers régis non réglementés, puis 70 % des recommandations à l'intérieur du document qui a été produit par M. Bazergui sont présentement en application. 70 %. Le rapport a été déposé en décembre 2005. Ça ne fait pas un an encore.

Je comprends que vous êtes sceptiques, mais je me dois absolument de vous dire que, lorsque le gouvernement décide qu'un dossier est prioritaire et qu'il a à coeur la réussite d'un dossier, il y a une question <de > aussi de volonté politique. Et je peux vous assurer que, de ce côté-ci de la Chambre et évidemment de l'autre côté, puisque nous sommes réunis et qu'on ne fait pas de partisanerie, il y a une volonté politique d'aller de l'avant avec une politique pour lutter contre le racisme et la discrimination.

J'aimerais aussi vous réitérer que cette recommandation-là émane d'une autre consultation, il est vrai. Lorsque ma collègue la députée de Nelligan ici présente s'est penchée sur la pleine participation des communautés noires à la société québécoise, les statistiques étaient déjà effrayantes et alarmantes. Elle a remis un rapport dans lequel il y a 35 recommandations. Au dépôt du rapport, on a annoncé qu'on allait de l'avant avec trois des recommandations sans prendre le temps de les analyser, parce qu'elles nous apparaissaient importantes, dont la première recommandation que le Québec se dote d'une politique pour lutter contre le racisme et la discrimination. C'est pour ça qu'on est ensemble ici, aujourd'hui.

Là, la deuxième recommandation que nous avons annoncée, avec laquelle on allait de l'avant, le ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation va mettre sur pied un chantier économique pour voir de quelle façon les minorités visibles pourront être mises à contribution dans le développement économique, l'entrepreneurship. On l'a annoncé.

On a annoncé aussi qu'on irait de l'avant avec nos entreprises <qui pratiquent... > qui sont exemplaires, si vous voulez, <dans leur... > de par leur intégration, dans leurs équipes de travail, de la gestion de la diversité culturelle. À l'automne, on annoncera quelque chose aussi là-dessus.

Le rapport a été déposé au mois d'avril, on est au mois de septembre et on est en commission ici. Fallait-il toujours préparer un document avant de se rencontrer, que les gens puissent se faire une tête sur le document. Je crois que la volonté politique, elle y est. Il faut se rappeler que, si on est en commission, bien c'est parce qu'on a fait le tour déjà, ailleurs, dans les autres instances. Mes collègues savent que je suis ici et sont conscients que c'est une politique gouvernementale.

Donc, quant à la volonté politique, une consultation de plus, je pense que, là, ce qu'on est en train de faire, c'est de se dire: Plutôt que nous, au ministère, on fasse une politique, qu'on la dépose puis qu'on vous demande vous en pensez quoi, on a pensé demander aux gens: On va faire une politique. Vous voulez quoi dans votre politique? Quels moyens on peut se donner dans un plan d'action pour s'assurer que la politique fonctionne? À mon avis, c'est la meilleure façon de pouvoir procéder. Ça permet également à tous les gens de se sentir interpellés, l'opposition, le gouvernement, les syndicats, les entreprises, les groupes communautaires et les citoyens aussi, puisqu'ils sont interpellés.

Je comprends que peut-être il y a certaines décisions qui ont peut-être pu vous choquer dans le passé, qui vous font réagir fortement. Vous êtes très critiques envers la fonction publique. Vous savez comme moi que, la fonction publique, la présidente du Conseil du trésor peut avoir une portion de contrôle, je dirais, sur l'embauche que nous faisons présentement comme membres du gouvernement, mais elle n'a absolument aucune prise sur les commissions scolaires, aucune prise sur les cégeps, les universités, les centres d'hébergement de soins de longue durée, les hôpitaux, les CLSC. Donc, la consultation qu'on fait présentement va permettre de se donner des outils pour avoir des prises. Parce que, moi, je suis fière de dire comme membre du <gouvernement: Présentement... le > gouvernement libéral: Quand on est arrivés au pouvoir, le taux d'embauche était à peu près 4 %. Présentement, le taux d'embauche est à <14,4... > 14,3 %, et ça, c'est grâce à la complicité de la présidente du Conseil du trésor, qui autorise les embauches.

Donc, il y a des progrès qui se font. Il y a encore beaucoup à faire probablement, j'en conviens. Je ne suis pas responsable des frustrations qui ont été cumulées pendant des années, et des années, et des années, tous gouvernements confondus. La seule chose que je peux vous dire, c'est que, si on est ici aujourd'hui, c'est parce que les choses changent et qu'il y a une réelle volonté d'aller de l'avant.

Je m'excuse, j'ai probablement pris tout le temps, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Non, il reste quelques minutes encore, seulement.

Mme Thériault: Il va rester quelques minutes, donc je vais vous laisser le temps de répondre. Mais je voudrais que vous soyez convaincus que de notre côté il ne fait aucun doute que le gouvernement est très <sérieux dans...



Mme Thériault: ...je m'excuse, j'ai probablement pris tout le temps, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Non, il vous reste quelques minutes encore, seulement.

Mme Thériault: Il va rester quelques minutes, donc je vais vous laisser le temps de répondre. Mais je voudrais que vous soyez convaincus que de notre côté il ne fait aucun doute que le gouvernement est très > sérieux dans sa démarche qu'il a entreprise.

M. Raffa (Rachid): Mme la ministre, en ce qui concerne les ordres professionnels, on s'attendait à beaucoup plus. Ce qui se dit dans les paroisses, c'est que la montagne a accouché d'une souris. Nous connaissons M. Bazergui. Nous avons travaillé avec lui d'ailleurs à la Table Maghreb. Il y a plus grave: des immigrants diplômés d'ici qui ne trouvent pas de travail. Montréal et Québec détiennent le record fabuleux des plus grands diplômés comme chauffeurs de taxi peut-être de la planète. En ce qui concerne la fonction publique, je sais de quoi je parle. Je suis un professionnel de la fonction publique et j'ai eu à voir des choses dans les concours. Donc, vous avez des jurys qui n'ont aucune, mais aucune, aucune, absolument aucune notion d'interculturalité, ou de multiculturalité, ou d'ouverture, au contraire. Il y a de quoi être choqué. Il n'y a pas de programme de sensibilisation à la diversité dans la fonction publique.

Mme Thériault: ...vous proposez pour augmenter la représentation des membres des communautés culturelles? Mais...

M. Raffa (Rachid): Il faut sensibiliser. Il faut sensibiliser les gens dans les appareils d'État.

Mme Thériault: Mais plutôt que de dénoncer, il faudrait le proposer parce que présentement on est en mode solution.

M. Raffa (Rachid): C'est proposé. C'est proposé.

Mme Thériault: C'est ça.

M. Raffa (Rachid): Moi, j'ai eu l'odieux, comme je le dis, de faire un peu le procès de ce qui se passe. Mon ami Foura, nous avons fait l'effort de faire des propositions précises.

Autre chose, pour la motion dont on ne parle pas, la motion de l'Assemblée nationale unanime qui n'ostracise que les Musulmans a fait des dégâts épouvantables. Vous n'avez jamais répondu à mes lettres. Le premier ministre non plus. Tous les chefs de parti n'ont jamais répondu. Il a fallu que je me batte pour avoir le moindre accusé de réception. Dans ma communauté, les gens me disent: As-tu eu une réponse? Je leur dis non, et ça renforce la perception de racisme institutionnel contre lequel je lutte.

M. Foura (Lamine): Moi, je veux revenir sur la question de la reconnaissance des diplômes. Je suis ingénieur au Québec. Donc, j'ai parcouru... <On me disait... > Je suis très impliqué dans la communauté. On me disait au début au ministère, même partout, on me disait: C'est l'ordre. Il est indépendant. Je passe toutes les étapes, puis je passe mon examen de déontologie. J'apprends – je dois apprendre les lois – non, que l'ordre n'est pas indépendant. C'est le gouvernement qui décide. Donc, aujourd'hui, le projet de loi, si <c'est... > vraiment ça correspond à 70 %, j'ai vraiment des réserves sur la recommandation parce qu'il y a un problème de base: on traite des immigrants permanents pour faciliter les diplômes temporaires. Au fond, la seule facilité que le projet de loi a apportée, c'est les projets temporaires, c'est les diplômes... c'est les permis temporaires. Il a un petit peu attaqué des problèmes superficiels, mais par contre, le fond des problèmes, je pense qu'il est encore là.

Un autre problème par rapport à notre frustration par rapport au racisme, on sait très bien que la communauté maghrébine a atteint un taux de chômage de 25 %, et ça, on le connaît depuis trois, quatre ans. La réaction du gouvernement, c'est quoi? C'est limiter l'immigration à travers le projet n° 53 qui s'est basé sur des faux chiffres. Parce qu'aujourd'hui il s'avère que c'étaient des faux chiffres sur lesquels le projet de loi n° 53... <qui autorisait... > qui va limiter l'immigration par bassin géographique parce qu'il y avait beaucoup de Maghrébins. Donc, au lieu de résoudre le problème du racisme ici et la discrimination, on élimine... on ramène moins de Maghrébins malgré qu'eux permettent au Québec d'atteindre le taux d'immigrants francophones que le Québec vise. Et merci.

Le Président (M. Brodeur): Il vous reste quelques secondes, Mme la ministre.

Mme Thériault: Oui. Merci, M. le Président. J'entends bien ce que vous dites. Je pense que le projet de loi n° 53, c'est une malinterprétation. Le Québec a décidé de diversifier son immigration, et c'est tout à fait correct, et je crois que c'était normal de le faire.

Tant qu'au projet de loi... pas le projet de loi, mais la motion qui a été votée à l'unanimité, je la rappellerai ici et je vais vous dire ce que j'ai déjà eu l'occasion de dire à la communauté musulmane, tous les parlementaires, femmes, hommes, les trois partis politiques confondus, ce que nous avions en tête, lorsque la motion a été votée à l'unanimité, c'était la protection des femmes et des enfants parce qu'ici, au Québec, une femme et un enfant est égal à un homme. Donc, vous pouvez certainement peut-être ne pas être d'accord avec la façon que ça a été fait, peut-être que ça vous a choqués, mais n'empêche que tous les parlementaires – et vous voyez les hochements de tête de l'autre côté; tous les parlementaires – ce qu'ils avaient en tête, c'était de protéger les femmes et les enfants parce qu'ici une femme et un enfant est égal à un homme.

M. Raffa (Rachid): ...regrette infiniment.

M. Foura (Lamine): Attends, attends, attends. Juste une mention très importante, les deux personnes que vous avez en face de vous, c'est des personnes qui, publiquement... on s'est opposés aux tribunaux islamiques. Ce qui est problématique, Mme la ministre, vu que vous aurez le <débat sur ce sujet, c'est que votre cabinet, après la motion, a...



M. Foura (Lamine): ...très importante, les deux personnes que vous avez en face de vous, c'est des personnes qui, publiquement... on s'est opposés aux tribunaux islamiques. Ce qui est problématique, Mme la ministre, vu que vous aurez le >
débat sur ce sujet, c'est que votre cabinet, après la motion, a convoqué des personnes qui, <eux>elles , ont demandé les tribunaux. Et vous avez écarté toutes les associations laïques de la communauté musulmane en convoquant les religieux parce qu'ils vous ont envoyé une lettre. Merci.

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Laurier-Dorion...

M. Foura (Lamine): Et on s'oppose clairement. Nous, on s'oppose clairement aux tribunaux islamiques au Québec. Et on l'a dit clairement avant la motion et on le dit après la motion. Le problème, c'est que le gouvernement a poussé pour la motion et après il est allé rencontrer des gens qui ont demandé les tribunaux islamiques au Québec.

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. M. Foura et M. Raffa, merci de vous être présentés et du dépôt de votre mémoire que nous avons lu avec beaucoup d'attention.

C'est évident que ce que vous écrivez dans votre mémoire puis les faits que vous relatez sur certaines situations que vous considérez injustes portent à réflexion parce que dans le fond, que vous l'ayez écrit ou encore que vous soyez devant nous, aujourd'hui, pour nous en faire mention, ça montre, je pense, que personne ne peut rester indifférent à ça, puisque ça montre un degré d'impatience sur des résultats que nous devons atteindre collectivement.

Tout à l'heure, la ministre a mentionné qu'elle n'était pas responsable de toutes ces années où l'État québécois a pris un retard face, par exemple – elle n'a pas dit ça, mais, moi, je le dis; par exemple – à la représentativité dans la fonction publique. C'est bien évident que la ministre devant nous n'est pas responsable de cette situation, à elle seule, et, je veux dire, la situation que l'on vit aujourd'hui, c'est basé sur 400 ans d'histoire puis, d'une certaine façon, sur 50 ans de politiques plus récentes où il y a eu des grandes transformations dans l'État québécois, et d'ailleurs d'une situation aussi plus récente encore où les niveaux d'immigration ont augmenté d'année en année. Puis c'est sûr que la communauté arabo-musulmane maghrébine, qui est une immigration plus récente puis qu'on a été recruter à l'étranger, notamment pour ses grandes compétences et puis sa scolarisation, peut vivre une frustration importante du fait que dans le fond l'idéal rêvé à l'étranger ne se retrouve pas nécessairement à l'arrivée ici, puis je pense que tout le monde est très sensible à ça. C'est d'ailleurs pour cette raison-là que nous sommes réunis aujourd'hui, pour tenter de lutter contre la discrimination et le racisme.

Ceci étant dit, je suis d'accord avec vous que par moments il peut être très, très frustrant... Puis <vous commencez... > les premiers mots qui sont inscrits sur votre mémoire, c'est: «Une consultation de plus?» Mais je dois vous dire que ça a été ma première réflexion, dans le sens où on a fait beaucoup de consultations, on connaît la situation. Je pense qu'on ne peut jamais trop consulter parce que c'est important de pouvoir entendre la voix de tous et chacun, Mais en même temps il y a des actions concrètes qui peuvent être prises. Puis, si on regarde depuis trois ans, le budget du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles a été coupé de façon importante. Je pense que les besoins sont là.

Quand on parlait de la consultation sur les communautés noires, à l'étude des crédits, le gouvernement nous a dit que des sommes n'allaient pas être débloquées pour répondre aux recommandations très directes de ce comité-là. Nous sommes ici aujourd'hui parce que c'était une des recommandations du rapport sur les communautés noires, mais ce n'est pas des ressources de plus qui ont été investies sur le terrain pour les personnes immigrantes ou minorités visibles, puis ça, je pense que c'est urgent qu'il y en ait. La ministre nous a assuré qu'il y aurait un plan d'action qui serait déposé suite à cette politique, puis on l'attend avec beaucoup, beaucoup, beaucoup d'intérêt. Je suis sûre que c'est la même chose de votre côté.

Donc, juste pour vous dire que nous comprenons en fait ce sentiment, puis je pense qu'il faut agir assez rapidement parce que, oui, si on fait le choix de l'immigration, il faut aussi faire le choix de s'assurer que chacun des citoyens qui vit ici puisse vivre de façon à s'épanouir pleinement au sein de cette société.

Je voulais juste ajouter un petit bémol. Dans votre mémoire, vous dites que tous les chefs des partis politiques siégeant à l'Assemblée nationale ne vous ont pas répondu concernant la motion. J'ai ici deux communications du bureau du chef... bien de la chef de l'opposition officielle par intérim, Louise Harel, qui a répondu en date du 29 novembre 2005, et une deuxième... pardon?

M. Raffa (Rachid): Qui a accusé réception, on n'a pas répondu sur le fond.

Mme Lefebvre: Accusé réception pour la première le 29 novembre 2005, mais ici j'ai une communication du 16 décembre 2005, écrite de sa main, qui n'est pas...

M. Raffa (Rachid): Personnel, ça.

Mme Lefebvre: Bien, je veux dire, c'est signé quand même...

M. Raffa (Rachid): Oui, mais elle me l'a envoyée à titre personnel.

Mme Lefebvre: <Donc... m>M ais quand même...

M. Raffa (Rachid): J'ai des députés qui m'ont fait part de...

M. Dion: M. le Président, est-ce que ce serait possible qu'on comprenne ce qui se passe? Parce que, là, on s'interrompt, et là, moi, je ne sais plus où est-ce qu'on est rendus. Est-ce qu'on pourrait permettre à la députée de dire ce qu'elle a à dire?

Le Président (M. Brodeur): Parfait. D'ailleurs, est-ce que vous voulez déposer ce document-là?

Une voix: Non, c'est personnel.

Le Président (M. Brodeur): C'est personnel? Donc, passons à une autre étape. Continuez, Mme la députée.

Mme Lefebvre: Alors donc, voilà. Puis c'est mentionné, dans ce document, qu'il aurait été plus judicieux d'affirmer, comme vous le dites, notre opposition à toute forme d'arbitrage religieux. Donc, voilà pour cette question.

Maintenant, vous faites référence, dans votre document, bon, à plusieurs situations. Vous avez parlé de la reconnaissance des diplômes. Je suis d'accord avec vous que c'est un pas dans la bonne direction, mais, encore là, on s'attendait à beaucoup plus. Je pense que des actions devront être mises en oeuvre rapidement, plus d'actions. Je ne sais pas si vous avez en tête des suggestions pour ce qui est de cette question de reconnaissance des diplômes puis d'insertion en emploi.

M. Foura (Lamine): Sur la question de reconnaissance de diplôme, c'est qu'aujourd'hui l'État québécois se retrouve incohérent. C'est que, je donne à titre d'exemple, j'arrive avec un diplôme d'ingénieur à Montréal, je m'inscris à l'École polytechnique; pour pouvoir s'inscrire en maîtrise, il y a des conditions, on m'accepte; quelqu'un qui a un diplôme de l'École polytechnique ne sera pas accepté parce qu'il n'a pas la note nécessaire. Je termine mon doctorat à l'École polytechnique, je vais commencer à enseigner une matière, j'enseigne à des ingénieurs qui, eux, seront dans l'ordre, mais, moi, je ne peux pas être dans l'ordre et, si je veux être dans l'ordre, je vais passer un examen sur le module que j'enseigne. Il y a quelque chose qui ne va pas. On peut mettre 1 000 commissions, mais, si, à la fin de la journée, on garde cette incohérence, je dis...

Il y a trois niveaux d'équivalence: il y a le ministère de l'Immigration qui présente une comparaison des diplômes; il y a l'ordre qui décide sur une base qui est propre à l'ordre; et il y a les universités qui, eux, délivrent des diplômes qui sont acceptés par l'ordre. Il y a une incohérence dans le système. Et toutes ces propositions-là ont été discutées avec la commission, une fois qu'elle est passée à la Table du Maghreb, on n'a rien retrouvé, en tout cas au niveau du projet de loi qui a été déposé au début de l'été.

Le Président (M. Brodeur): Il reste quelques secondes pour une dernière question.

Mme Lefebvre: Bien, M. le Président, je ne crois pas qu'on ait eu le même temps que...

Le Président (M. Brodeur): Non, il vous reste justement, là, une minute et quelques.

M. Foura (Lamine): Si je peux dire un mot?

Le Président (M. Brodeur): Oui?

M. Foura (Lamine): Des frustrations peuvent apparaître dans notre mémoire et notre expression. Ce qu'on veut dire, c'est: à titre personnel, on est bien intégrés, mais on essaie d'exprimer ce que les gens pensent à Jean-Talon, à Côte-des-Neiges. Et, pour éviter d'avoir ce qui est arrivé à l'automne passé, en France, je pense qu'il y a du travail à faire. Je pense qu'on peut écouter beaucoup de bonnes choses d'associations subventionnées, parce qu'elles sont subventionnées, mais la réalité des choses sur le terrain se passe dans les quartiers où il y a beaucoup d'immigrants qui sont très frustrés.

Le Président (M. Brodeur): Oui, monsieur, en complément de réponse.

M. Raffa (Rachid): S'il vous plaît, je voudrais une petite réplique tout à fait gentille. «Une consultation de plus», il y a un point d'interrogation. Ça, vous ne l'avez pas signalé, personne ne l'a signalé, c'est dommage. Et, si nous croyions que c'était une consultation de plus, nous ne serions pas devant vous. Vous avez devant vous deux personnes qui, de l'intérieur de la communauté, travaillent contre les ghettos. De grâce, donnez-nous de l'aide pour contrer le ghetto, pour dire aux gens qu'il n'y a pas un racisme institutionnel.

Alors, chaque fois qu'il y a un phénomène comme le financement des écoles juives, comme la motion, c'est des reculs. C'est très difficile pour nous, depuis le 11 septembre, de continuer à travailler, c'est le mythe de Sisyphe, et chaque fois c'est détruit par des événements internationaux comme le 11 septembre, les attentats de Londres, de Madrid. Mais, de l'intérieur de nos institutions, c'est inacceptable. C'est pour ça qu'il y a un cri du coeur là-dedans. Il n'y a pas qu'un cri du coeur, il y a des recommandations. S'il vous plaît, aidez-nous parce que nous ne voulons pas que nos enfants vivent dans des ghettos, nous ne voulons pas qu'il y ait une deuxième France des banlieues dans ce pays. De grâce, travaillons sur les raisons et non sur les symptômes. Sur les symptômes aussi, les gangs de rue, il faut lutter, il faut être intraitables, mais il faut aller au-delà et en deçà, et lutter contre la frustration des parents qui est transmise aux enfants.

Mme Lefebvre: Je vous remercie infiniment. Je pense que... bien, Je pense que votre message a été entendu puis je pense que c'est la volonté de tous ici de créer une société <harmonieuse où chacun pourrait trouver sa place...



Mme Lefebvre: ...je vous remercie infiniment. Je pense que... bien, je pense que votre message a été entendu puis je pense que c'est la volonté de tous ici de créer une société >
harmonieuse où chacun pourra trouver sa place. Donc, merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Je vous remercie tous les deux et je vais suspendre... c'est-à-dire ajourner nos travaux à demain matin, 9 h 30.

(Fin de la séance à 18 h 5)



Source: http://www.assnat.qc.ca/fra/37Legislature2/DEBATS/epreuve/cc/060926/1730.htm