Le journaliste et écrivain Yves Courrière, décédé mardi à l'âge de 76 ans, avait levé les tabous sur la guerre d'Algérie à la fin des années 60 dans une chronique à chaud restée longtemps une référence, puis dans un documentaire, ouvrant la voie à des historiens. Pour l'historien Benjamin Stora, autre spécialiste de la colonisation française, «Yves Courrière était un grand personnage, un pionnier, qui m'a ouvert la voie avec son ouvrage sur la guerre d'Algérie, comme à bien d'autres chercheurs.
Il m'a donné le goût pour l'histoire de l'Algérie».


D'abord militaire, Yves Courrière, de son vrai nom Gérard Bon, a couvert le conflit algérien comme grand reporter pour RTL, de 1958 à 1962. Son travail sur le conflit lui a valu le Prix Albert Londres en 1966. Il sera condamné à mort par l'OAS, emprisonné et expulsé par Boumediene, le président algérien auteur d'un coup d'Etat contre Ben Bella. Intervenant à la télévision, il raconte aussi son expérience dans «La Guerre d'Algérie», un ouvrage en quatre volumes paru chez Fayard de 1967 à 1971.

«Courrière a écrit son livre à chaud, avec une restitution formidable de l'atmosphère de l'époque, une écriture puissante et un style romancé qui faisaient aussi la force de son témoignage et insupportera plus tard les historiens académiques», relève Stora qui a vécu jusqu'à l'âge de 12 ans, dans le Constantinois, en Algérie.

Il coréalise le tout-premier documentaire sur la guerre d'Algérie

Yves Courrière décrit dans son ouvrage les complots, les arrière-pensées, les discussions enflammées dans les bars, l'état d'esprit dans les villes, les campagnes. «Il a été longtemps la référence principale sur la guerre d'Algérie», rappelle Benjamin Stora. Si son récit comporte des erreurs factuelles, des problèmes de chronologie, on y trouve aussi beaucoup d'indications très précieuses. «Après, Yves Courrière a été décrié parce que ce n'était pas historien, qu'il ne faisait pas partie du sérail, mais il avait su regarder l'Histoire en face».

En 1972, Yves Courrière coréalise avec le cinéaste Philippe Monnier le tout premier documentaire sur la guerre d'Algérie afin de rendre compte de la nature fratricide de ce conflit. Ce documentaire a été édité par les Editions Montparnasse en DVD en janvier 2012, pour le 50e anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie.

Né le 12 octobre 1935 à Paris, Yves Courrière a également écrit plusieurs romans et biographies dont celles de Prévert, Roger Vailland ou Joseph Kessel, son maître à penser en journalisme, qu'il avait rencontré en couvrant le procès Eichmann à Jérusalem en 1961. Selon sa fille Caroline, son père avait «donné sa vie à l'information». Sous le titre «Éclats de vie», ce grand monsieur à la barbe blanche et à l'élégance parfaite, avait aussi publié ses Mémoires en 2003.

LeParisien.fr avec afp