MONTREAL, 22 nov 2006 (APS) - La communauté algérienne établie au Canada souligne vouloir se «rendre utile au pays d’origine» tout en «assumant sa pleine citoyenneté canadienne», a-t-on constaté auprès de nombreuses associations algériennes profondément impliquées dans la vie publique à Montréal.

MONTREAL, 22 nov 2006 (APS) - La communauté algérienne établie au Canada souligne vouloir se «rendre utile au pays d’origine» tout en «assumant sa pleine citoyenneté canadienne», a-t-on constaté auprès de nombreuses associations algériennes profondément impliquées dans la vie publique à Montréal.
    A Jean-Talon, un quartier de Montréal, la plus grande métropole du Québec, de nombreux commerçants algériens vaquent à leur besogne quotidienne à un rythme assez soutenu. On se croirait dans une rue commerçante d’Alger n’eût été cette configuration urbaine typique à l’Amérique du nord, avec ses larges voies, ses voitures à gros cylindres et cette culture du "time is money" et du «vite et bien" qui cadencent le rythme "non stop" des activités.
    Rencontré au "5 étoiles électroniques", un magasin du "tout numérique" de dernier cri appartenant à un Canadien d'origine algérienne, Mohamed Lamine, un jeune médecin de formation, installé depuis plusieurs années au Canada, explique que cette « prospérité apparente de la communauté algérienne au Canada est le fruit d’une prise de conscience que l’insertion et la réussite sociale dans ce pays d’adoption passent obligatoirement par la compétitivité sur le marché du travail ».
    « Si toi algérien tu n’as pas le savoir-faire suffisant pour entrer en compétition et donc être acteur dans la vie de tous les jours, tu ne pourras jamais t’intégrer », a-t-il ajouté, notant que «la mentalité d’assisté ne paie pas" dans un pays où , a-t-il dit « les règles de la réussite sociale sont heureusement libérées des comportements conflictuels tels que la xénophobie, le racisme ou la discrimination selon le faciès et le patronyme».
    Cette idée d’intégration par la compétence est la ligne de conduite d’une immigration algérienne, environ 50.000 personnes, qualifiée de "qualité" qui a apporté « un bagage de savoir-faire qu’il a fallu adapter ou recycler aux normes locales pour pouvoir se faire une place», souligne pour sa part une jeune femme native d'Oran et travaillant dans l'immobilier.
    Elle décrit toutefois « le parcours du combattant qu’il faut réaliser pour trouver la bonne alternative aux problèmes de reconnaissance des diplômes algériens». « La bonne alternative c’est souvent, hélas, la reprise à zéro de la formation universitaire d’origine pour sa mise en conformité aux normes locales, ou alors son abandon total pour partir à la recherche d’un créneau porteur, source de revenus».
    D'autres algériens, qui ont connu la réussite dans les radios et les télévisions communautaires grâce à des émissions comme "Taxi-Maghreb" ou "Caravane du Maghreb", ou dans le domaine de l'informatique pour avoir créer des sites, dont notamment "Algeroweb", ainsi que d'autres encore activant dans le monde associatif comme les animateurs de l'association REJA (Rencontre entre jeunes algériens), insistent pour leur part sur le fait que «la réussite sociale par la compétence n’est pas la seule condition d’intégration ».
    « L’intégration c’est aussi et surtout le devoir pour chaque immigré algérien d’assumer sa pleine responsabilité citoyenne» dans ce pays d’adoption, estiment les animateurs de ces associations. Et, elles sont nombreuses: le "Regroupement des algériens du Canada" (RAC), l’association des algériens de Calgary, l’Union des artistes algéro-canadiens, le Réseau des algériens universitaires au Canada (RAUC), ou encore le "Cercle des familles algériennes" pour ne citer que les plus actives.
    « Cela veut dire que nous nous sentons totalement impliqués dans la gestion de la vie publique au Québec, tant sur le plan politique, social et culturel », explique la présidente du "Cercle des familles algériennes" qui venait de contribuer à l’organisation de la cérémonie d’investiture d’une députée d’un important parti politique provincial.
    Cette association avait organisé un "Iftar" au mois de ramadhan dernier auquel ont pris part de nombreuses personnalités politiques dont la ministre de l’immigration, Mme Lise Theriault.
    L'ensemble des animateurs de vie associative affiche leur forte volonté à s'intégrer pleinement dans leur pays d'adoption sans pour autant renier leur spécificité culturelle.
    « Les règles du jeu sont clairs, il nous faut occuper le terrain en nous intégrant à fond, si nous voulons faire valoir notre place sociale, notre représentativité politique et notre spécificité culturelle», soulignent-ils.
    Ce qui par ailleurs distingue l’immigration algérienne au Canada c’est que dans ce pays les nouveaux immigrants accèdent à la citoyenneté canadienne après seulement trois années de résidence.
    C’est sur ce dernier point que Lamine, Naima, Abdelkader "et les autres",qui parlent de « +réseautage+ de toutes les potentialités algériennes pour être plus influents et plus efficaces», projettent « de faire glisser le débat public de la problématique du multiculturel à celle de l’interculturel dans la mesure où ce dernier concept connote à la fois la nécessité du vivre ensemble mais le vivre en toute citoyenneté canadienne et à part égale, dans le strict respect des spécificités de chacun, de ses attaches culturelles».
    L’enjeu est ainsi cadré pour ces migrants et les responsables d'une vingtaine d'associations activant dans différentes villes canadiennes comme Calgary, Beaconsfield, Bizard, Saint-Leonard, Saint laurent ou encore Ottawa, mais en grande majorité à Montréal, qui soutiennent le principe que «l’intégration réussie au Canada par une pleine citoyenneté permettrait de mieux être utiles au pays d’origine».
    « Nous voulons être utiles à l’Algérie » assure Wahid Maref, un des fondateurs du "Regroupement des chercheurs et universitaires algéro-canadiens", expliquant « qu’en étant bien intégrés dans notre pays d’adoption, nous, chercheurs et scientifiques, pouvons mieux contribuer au transfert du savoir-faire et de la technologie vers notre pays d’origine », notamment par le biais « de conférences, de séminaires » et autres forums à caractère pédagogique et scientifiques.
    Pour l'ensemble de ces bénévoles, l’exercice de la citoyenneté devrait aussi s’exprimer sur le terrain du social et du culturel où ils estiment « qu’ils ont quelque chose à donner, un plus à apporter, une contribution à la cohésion de la société canadienne ».
    Dans ce contexte, l'on a cité l’exemple des « milliers de plats de couscous» préparés et offerts par des associations au cours d’opérations à caractère humanitaire, ou des projets à réaliser comme celui de contribuer à l’opération "Nez Rouge" qui permettra «à des bénévoles de confession musulmane d’éviter à des citoyens qui viendraient à consommer de l’alcool de prendre le volant, particulièrement durant les prochaines fêtes chrétiennes de Noël ».
    « C’est à la fois un message de tolérance, d’amitié, et de civisme responsable, traduisant les valeurs pérennes de notre islamité », précise un responsable d'une association.
    C’est dans cet esprit du « vouloir faire partie intégrante» de la société canadienne, de ce pays qualifié de «tous les possibles », selon une expression de Mme la Gouverneure Générale du Canada, M. Michaelle Jean, que le Centre Culturel Algérien (CCA) a multiplié ses activités de proximité.
    « Il ne s’agit pas simplement de prendre à la société canadienne mais aussi de lui donner», a souligné M. Mahidjiba, le président de cette association citant moult exemples dont l’organisation chaque année d’opérations "repas chauds" (couscous de la fraternité algéro-québecoise), au profit des sans domicile fixe (SDF) de Montréal.
    Il a également évoqué les "sorties sur sites", dans des institutions publiques comme le Parlement ou des sites historiques, au profit de la communauté algérienne pour qu’elle puisse « s’imprégner de l’histoire du Canada, des lois de ce pays d’adoption, de ses règles sociales », à tel point que, fait-il valoir, des acteurs de la société civile canadienne ont souligné que « la communauté algérienne est depuis 1948 la première communauté étrangère à prendre ce genre d’initiatives » citoyennes.
    Dans une déclaration à l’APS, lors de son investiture à la députation au comté de Crémazie, Mme Lisette Lapointe a salué «l’apport visible de la communauté d’origine algérienne» à la société québécoise. Elle a déclaré faire de cette procédure «d’intégration par l’acte citoyen » un des « axes majeurs » de son programme d’action sur le dossier de l’immigration.
    « C’est précisément cette conscience d’être canadiens à part entière qui nous permet de renforcer nos liens avec notre pays d’origine», poursuit M. Mahidjiba, évoquant de nombreuses actions ciblées dont la «collecte de 40.000 dollars au profit des enfants victimes du séisme de Boumerdes», ou encore l’opération «de parrainage par des familles québécoises d’enfants victimes du terrorisme».
    « Nous voulons aller plus loin dans le renforcement de nos attaches avec notre Algérie renaissante », a-t-il ajouté, citant nombre de "projets palpables, concrets » comme par exemple celui « de transférer de la connaissance et du savoir-faire par des formations à distance (téléconférences vers l’Algérie) sur des thèmes scientifiques précis ».
    Ces attaches se concrétisent également par diverses autres manifestations culturelles dont les expositions périodiques "Vues d’Algérie" ciblant l’opinion canadienne pour « l’aider à mieux comprendre ce qu’est l’Algérie réelle, non pas l’Algérie des clichés réducteurs, mais celle qui fait œuvre de paix dans le monde avec son riche patrimoine culturel et historique, ses richesses humaines, naturelles et touristiques», a ajouté le président du CCA.
    « Nous assurons aussi des cours d’arabe pour une soixantaine de jeunes écoliers et collégiens algériens», a-t-il indiqué, notant que «la préservation de ces ancrages culturels » leur permet en retour de mieux s’affirmer «en tant que force vive», actrice de terrain sur la scène politique, économique et sociale canadienne.
    L’autre grande particularité de ces associations, a-t-on constaté, est qu’elles s’affichent assurées «de faire bien, de faire juste, comptant sur elles-mêmes, sur leurs propres ressources humaines et financières».
    C’est dans cet esprit, par exemple, que l’association "Enfants d’Algérie", organise le 24 novembre prochain une soirée-bénéfice au profit de l’enfance algérienne en difficultés.

Source: http://www.aps.dz