Rencontre avec la chanteuse algérienne Lynda Thalie
Alger Alger et le jardin de Manina

LNR : Lynda, pourquoi partir en France en ce mois de février 2004 ?

Lynda Thalie : Parce que la France est un peu la porte de l'Europe pour tout artiste d'expression française. Parce que beaucoup de gens déjà demandent mon passage de l'autre côté de l'Atlantique et surtout parce que : C'est Le Moment!

Le 24 janvier 2004, vous avez réservé à votre public une soirée acoustique intime mémorable au studio théâtre de la Place des Arts; est-ce la première fois que vous lui proposez de tels spectacles? Racontez-nous comment vous en est venue l'idée?

Pour ce qui est de l'organisation d'un concert intime et acoustique, c'est vraiment une première. Nous avons eu une demande des Souverains Anonymes dans le cadre d'un rassemblement de détenus de la prison de Bordeaux (Montréal) appelés "les souverains anonymes". Mon gérant, Patrick Cameron, voulait que je donne un spectacle à Bordeaux et m'y avait fortement suggéré. Même de savoir que tous les grands artistes étaient passés par là ne me consolait pas, j'avais réellement peur comme toute personne le serait en allant dans un monde inconnu mais qui a beaucoup inspiré les réalisateurs de films. Nous n'étions que quatre : mon gérant, mon guitariste, mon percussionniste et moi-même. Nous avons eu un plaisir fou! Ils nous ont accueillis avec beaucoup de respect, m'ont écrit des poèmes, et ils avaient même étudié chacune des chansons de mon album, un moment extraordinaire. Il y avait là de futurs déportés de diverses nationalités et j'en étais bouleversée. Nous avons aimé le son , l'intimité et la fluidité spécifique à l' acoustique, toute une autre facette de l'album "Sablier". L'idée est donc née en prison et a été remodelée et concrétisée, avec succès, à la place des Arts de Montréal . En fait, la réponse et la réaction des spectateurs étaient tellement positives et vives que je serai de retour à la place des Arts de Montréal pour une série de supplémentaires, les 30 et 31 mars prochain. Les gens ont aimé le spectacle, en redemandent et je serai plus qu 'heureuse de me retrouver sur cette belle scène pour un "intime et acoustique" mémorable!

Lors de cette soirée intime, le public a découvert le côté «fou» de vos collaborateurs. Parlez-nous de leur implication dans le succès de vos spectacles?

Beaucoup me disent à quel point la complicité entre mes musiciens et moi-même transparaît sur scène. Il faut savoir que ces hommes qui sont là sur scène avec moi sont comme une autre famille. Les moments vécus sur une scène peuvent être très intenses. Il y a beaucoup d'émotion, on rit, on pleure. Ils m'entourent, m'encouragent. Ils sont toujours très ouverts et s' inspirent de la musique qu'ils découvrent à travers moi. Mon succès est le leur, leur implication est grande. Ils pensent toujours à de nouvelles façons d'améliorer les spectacles et les performances. Grâce à eux, le spectacle évolue et nous aussi!

L'un des éléments clés de votre groupe, en l'occurrence Nicolas Maranda, se rendra bientôt en Afrique du Sud. Comment avez-vous réagi à l'annonce de cette nouvelle?

En fait, je n'ai pas encore réagi. J'ai entendu cette nouvelle, j'en parle mais je ne réalise pas encore. J'ai l'impression qu'il va me manquer un bras ou une jambe (baïd el char!). Mais, je compte aller un mois en Afrique du Sud pour le rejoindre et travailler sur le prochain album. En attendant, un autre excellent guitariste du nom d'Alex Dumas reprendra le flambeau. Il a bien hâte de faire partie du groupe.

Toujours lors de la soirée intime, vos musiciens étaient non seulement professionnels mais profondément épris des musiques et chants d'Algérie. Comment s'est fait leur premier contact avec vos choix musicaux?

Comme je vous l'ai dit plus tôt, ils sont plus que des musiciens: Ils sont des Artistes! Ils ont cette envie et ce besoin de s'ouvrir et de perfectionner leur art. L'évolution ne se fait pas en se refermant sur soi mais en s'ouvrant aux autres et aux différences. Ils sont envoûtés par la musique orientale, comme beaucoup d'Occidentaux d'ailleurs. Ils travaillent donc leur jeu de derbouka et l'apprentissage des rythmes «arabiques» . Mon percussionniste a même étudié avec un maître au Maroc et en Tunisie.

D'autres moments étaient importants dans votre jeune carrière artistique comme vos passages, avec Souad Massi, au Festival des francofolies de Montréal, au Festival du jazz, au Festival du monde arabe en compagnie de grands artistes québécois. Comment avez-vous vécu tous ces moments?

Annoncés comme ça de suite...ouf! C'est vraiment une belle liste, je suis fière. Mais j'ai toujours tout pris un jour à la fois, un spectacle à la fois. Ça diminue le stress.

Avant ces festivals de l'été 2003, il y a eu un autre événement qu'on peut qualifier de tournant décisif dans votre vie, à savoir votre participation au grand spectacle de «Le petit Prince» inspiré de l'ouvre de Saint-Exupéry version québécoise. Vous avez incarné le personnage de la Rose. Avant d' auditionner, croyiez-vous pouvoir décrocher le rôle?

Je me disais que ce rôle était pour moi, je le voulais coûte que coûte, dans ma tête j'étais déjà la Rose du Petit Prince. Richard Cocciante qui en est le compositeur - il a été le compositeur de Notre-Dame de Paris, aussi - a dû le voir aussi, vu qu'il m'a choisie pour cet unique rôle féminin. Ça a pris quand même 4 auditions mais ça a fini par ce beau prix.

Et si on revenait en arrière, Lynda comment avez-vous eu le déclic de chanter ?

Le concours Cegep (Collège post- secondaire) en spectacle m'a donné le goût de la performance scénique et ma première place des Arts a confirmé mon désir d'en faire mon métier!

Est-ce que c'est suffisant d'être auteur compositrice interprète pour avoir une place au Québec pour une immigrante algérienne ?

Non, le travail et le dévouement sont une nécessité. Le professionnalisme de mon équipe et de ma compagnie de disques est primordial. C'est le cas de tout artiste en devenir, qu'il soit québécois ou immigrant. Mais, comme mon album «Sablier» ne tombe pas dans la catégorie de musique pop québécoise habituelle et que je ne fais pas de la musique pour être dans le même moule que les autres et être la saveur du mois alors, je dois travailler doublement !!

Racontez-nous vos débuts, votre rencontre avec votre manager Patrick Cameron.

Je l'ai rencontré à la SOCAN (Société Canadienne des Auteurs-Compositeurs et Éditeurs de Musique). À l'époque, en 1998, il y travaillait. Il m'a renseignée sur les droits d'auteur, je voyais l'étincelle dans ses yeux. Il m'a donné des conseils et des objectifs, et un an plus tard, je retournai le voir pour lui remettre un démo de 3 chansons. Cet homme, je le savais, allait changer ma vie.

Entretien réalisé à Montréal par Djamila Addar (A suivre)
Pour plus d'informations
sur Lynda Thalie : www.lyndathalie.com 15-02-2004 - Djamila Addar

Source: http://www.lyndathalie.com