Ce n’est pas encore le tapis rouge. Mais depuis sa victoire à la 8e édition des Francouvertes, Syncop est sur un petit nuage. Le groupe montréalais constitué d’Algériens, de Marocains et de Québécois vient de sortir son premier album, Les Gens du voyage. Un album aux accents raï, hip hop et reggae où le patrimoine maghrébin se conjugue avec la musique urbaine Nord- Américaine. Entretien avec le chanteur et compositeur du groupe, Karim Benzaïd.

Que revêt le nom de ton groupe, Syncop ?

Syncope est un mot qui reflète bien l’euphorie qui s’empare du monde en ce moment. Musicalement, la syncope est l’unification de deux tons différents et cela, on le fait à travers les nuances maghrébines, en l’occurrence le Raï et le Chaâbi, d’une part et les nouvelles tendances comme le Reggae, Hip Hop et l’Afro beat d’autre part. C’est donc une syncope musicale et verbale.

Pourquoi justement combines-tu ces différents genres musicaux ?

Je suis à l’origine de Syncop et ce sont des genres musicaux qui m’ont beaucoup influencé. Ce sont des styles que j’aime beaucoup, que j’ai toujours voulu faire et que j’ai combinés. J’ai fait un peu ma pizza à moi.

La tendance pour la plupart des jeunes artistes maghrébins est à la fusion de la musique Maghrébo-orientale et occidentale. Penses-tu que sans ce mélange, la musique maghrébine n’aurait pu trouver son chemin vers l’occident ?

Assurément oui, ici au Québec. Je connais des chanteurs de raï qui sont là depuis treize ans et qui continuent à chanter dans des petits coins perdus. Pour attirer les mélomanes, il faut tout simplement leur parler dans leur langue. Et avec Syncop, c’est venu spontanément. Nous sommes francophones, nous essayons de nous amuser, nous faisons de la musique festive et en même temps engagée. Le métissage en fin de compte est très important.

Syncop regroupe des musiciens marocains, algériens et québécois, qu’apporte cette diversité culturelle au groupe ?

C’est drôle ! Eux commencent à manger du couscous et du lahrira et nous, nous mangeons de la poutine. En fait, il y a seulement quelques années qu’on s’est rencontrés mais j’ai l’impression qu’on se connaît depuis toujours. Je pense que s’il n’y avait pas la musique, il n’y aurait aucune raison pour que ces gens-là se retrouvent, d’autant que les membres du groupe appartiennent à différentes tranches d’âge : le claviériste a 35 ans et la violoniste en a 25. Elle est Québécoise et lui Algérien. Toutes les données faisaient en sorte que ces personnes n’auraient pas dû se rencontrer mais ils sont ensemble et s’entendent très bien. Ne dit-on pas que la musique adoucit les mœurs ?

Que chante ton groupe et quel est votre public ?

Je chante ma réalité. Celle de tous les jours. Je chante le passé et j’essaie de regarder l’avenir pour mieux construire. Je rencontre de nombreuses personnes. Ce sont des gens qui ont beaucoup d’amour à donner et beaucoup d’amour à recevoir. On est ensemble dans un esprit de fête et de partage. Avec Syncop, le public s’évade pour oublier la réalité et le quotidien. Puisque le public qui vient nous voir est très cosmopolite, on lui sert un spectacle dansant et très coloré.

Voilà 5 ans que tu es sur la scène artistique et ce n’est qu’en novembre dernier que ton groupe a sorti son premier album. Est-il à ce point difficile de percer dans le domaine de la chanson ?

C’est très difficile, non pas de percer mais de produire un album de qualité, de s’assurer d’une couverture médiatique et d’un soutien financier. Un musicien ici ne roule pas sur l’or. Je t’assure on ne se tape pas lahrira royale tous les jours (rires). Il y a beaucoup d’obstacles quand on veut faire de la musique. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pu produire un album rapidement. C’est facile par contre de produire des démos : des CD de 3 ou 4 chansons qui te permettent, entre autres, de participer aux festivals et de te faire connaître. Mais pour faire un album de qualité, cela prend du temps et surtout de la maturité musicale. Car avec le style de Syncop, pour que le métissage soit réussi, il faut faire de la pratique et il faut se roder au quart de tour sur la scène. Il faut également avoir des échecs pour pouvoir repartir et avoir une meilleure lancée. La musique est un travail de longue haleine, c’est pour cette raison que nous avons mis du temps avant de sortir notre album.

Parlons justement de l’album. Il s’intitule Les Gens du voyage. A quelles gens et à quel voyage fais-tu allusion ?

L’idée est inspirée d’une photo des Touaregs qui viennent du sud de l’Algérie. Les Touaregs sont des gens du voyage. Ce sont des gens qui n’ont pas de domicile, qui n’ont pas vraiment de terre et le Sahara leur appartient. Ils sont tout le temps à dos de chameau, ils voyagent et se déplacent d’un souk à l’autre. Ils achètent et revendent, c’est ça leur vie. C’est le parallèle que je fais avec la vie des musiciens. On ne sait pas de quoi sera fait demain, en même temps on est tout le temps parti sur scène, dans des festivals, et c’est toujours dans cet esprit de partage. On est très proche de l’extérieur, c'est-à-dire qu’on n’est pas souvent chez nous. Les Touaregs aussi. On appartient au public, on appartient à la nature et à la scène et c’est exactement ça Les Gens du voyage.

Quant au voyage, il prend une trajectoire identitaire dans le patrimoine maghrébin et il se recompose à travers la réalité québécoise, autant musicale que sociale. Donc, c’est un voyage qui n’a pas de frontière, un voyage des citoyens du monde. On peut naviguer sans avoir besoin ni de passeport, ni de visa et encore moins de devises.


Quels sont tes projets à court et moyen terme ?

Mon premier projet, mon but ultime, est de faire vibrer un maximum de personnes. C’est de combler les cases : s’il y a un vide dans la vie des gens, j’aimerais qu’ils viennent nous voir en spectacle et qu’ils puissent s’amuser ne seraient-ce que deux heures de temps. Et ce moment d’oubli est très important pour nous. Notre projet, c’est de faire la promotion de Syncop tout en ramenant la joie aux gens et à nous-mêmes. Nous allons essayer de faire connaître notre musique encore plus en participant davantage aux festivals et spectacles.



Source: http://www.mozaikmedia.com/publicentre/anmviewer.asp?a=15