Un salaire de 300.000 DA, les frais du téléphone, les frais d’hébergement, du véhicule avec bons d’essence et autres commodités sont assurés par l’état à nos vaillants députés.

 

Le Parlement ferme ses portes aujourd’hui. Il ne s’agit pas d’un événement puisqu’en session ouverte ou en vacances, cela ne change pas grand-chose? Les députés seront contents de partir enfin en congé après «une année de travail». En réalité, l’action de cette institution devient de plus en plus inefficace. Le bilan parle de lui-même. Au total, six projets de loi adoptés sur proposition du gouvernement. Les observateurs estiment que le Parlement est devenu une chambre d’enregistrement sans plus. Vu le budget financier qui lui est alloué, cette l’APN apparaît comme un véritable fardeau pour l’Etat en ce sens que les charges des deux chambres reviennent très cher. Rien que pour l’Assemblée nationale, le budget de l’année 2010 a presque atteint 5 milliards de dinars. Son budget est évalué plus exactement à 4,755 MDA. Près de 70% de cette enveloppe, soit 3,76 MDA, sont destinés aux députés. Les indemnités mensuelles de responsabilité, de véhicule personnel, de téléphone, d’hébergement et les frais de déplacement, tout est pris en charge par l’Etat pour que nos vaillants députés fassent convenablement leur travail. Ce budget est en hausse par rapport à celui de l’année précédente. Le montant des indemnités allouées aux élus de la chambre basse est de l’ordre de 1,965 MDA. Il faut savoir qu’au cours de son mandat, le député bénéficie d’une indemnité mensuelle, appelée aussi indemnité principale, revue à la hausse par décret présidentiel en 2008. Elle avoisine les 27 millions de centimes, à laquelle s’ajoutent diverses autres indemnités liées notamment, au poste de responsabilité et à l’utilisation du véhicule personnel. Un tel budget pour un rendement médiocre. La députation est devenue un moyen de faire fortune et de renforcer ses contacts. Un véritable commerce aux frais de la princesse.

La corruption: évitez-nous ce sujet!
Deuxième institution de l’Etat, le Parlement, avec ses deux chambres, refuse de jouer son rôle. Il se contente de celui de spectateur. Avec tous les scandales de la Sonatrach et l’autoroute Est-Ouest où des millions de dollars sont partis en fumée, le Parlement n’a pas bougé le petit doigt. La commission d’enquête proposée par le député Ali Brahimi, n’a pas beaucoup de chance d’aboutir. Même si les députés évoquent dans les coulisses ce sujet, il n’en demeure pas moins que le courage manque. Pourtant, la Constitution explicite clairement les prérogatives du député et son devoir de contrôler le gouvernement. Le Parlement contrôle l’action du gouvernement dans les conditions fixées par les articles 80, 84, 133 et 134 de la Constitution indique le texte constitutionnel. L’article 133 donne le droit aux parlementaires d’interpeller le gouvernement sur une question d’actualité. Ainsi, les commissions du Parlement peuvent entendre les membres du gouvernement.

Des colonialistes criminels
Le Parlement ne clôture pas la session sans quelques ratages. La loi criminalisant le colonialisme n’a pu dépasser le stade de signature des députés après une proposition de ceux du FLN. L’opposition du Premier ministre au texte a eu raison des représentants du peuple. Mais cela n’a pas heurté Abdelaziz Belkhadem. Selon lui, il n’y a aucune urgence à adopter un tel texte. La Code de la famille a passé 17 ans dans les arcanes du pouvoir avant d’être voté, selon lui. Cet exemple illustre également un autre aspect du fonctionnement des institutions. Tout porte à croire que le gouvernement aura encore le dessus sur les représentants du peuple à l’Assemblée populaire nationale et au Sénat et pendant longtemps. Point de motion, peu d’action de contrôle et absence de menace sérieuse pour faire chuter un gouvernement. Est-ce pour autant qu’on revient à la définition donnée par un ancien président de l’APN qualifiant celle-ci de chambre d’enregistrement? Ce ne sera pas les députés de l’opposition qui diront le contraire.
D’ailleurs, les bilans des gouvernements successifs n’ont même pas été débattus. Députés et sénateurs ne pourront même pas organiser un débat sur la loi de finances complémentaire. Ils seront en congé tandis que le texte sera adopté par ordonnance. Après tout cela, allez redonner confiance aux électeurs. Comme semble vouloir le faire le ministre des Relations avec le Parlement. Il est bien placé pour mesurer la largeur du fossé qui sépare les élus de leurs électeurs.

L’effet surprise est une denrée rare
«Même du temps du parti unique nous n’avons assisté à ce coma», déplore un ancien cadre et responsable du FLN. A part, soi-disant, l’opposition qui essaie de se distinguer lors des débats, les interventions obéissent toujours à la langue de bois. La critique est complètement effacée du jargon des députés. «A l’ère du parti unique, on assistait à une rude confrontation, ce qui n’est plus le cas malheureusement», regrette-t-il. Les députés oublient complètement qu’ils représentent le peuple et qu’ils ne sont pas soumis à la casquette du parti. «Cette coalition n’a fait qu’empirer les choses au niveau du Parlement», affirme un membre fervent du RND. Selon lui, ce facteur n’est pas une raison pour ne pas critiquer le gouvernement. «Nous devons être les yeux du peuple et si l’on critique, c’est pour permettre une bonne gestion des deniers publics», soutient-il. Cautionner toute démarche du gouvernement, reconnaît ce député, nuit à l’image de l’institution qui risque de perdre toute sa crédibilité.

Oui monsieur, Anaâm Sidi...
Lever la main est devenu un réflexe pavlovien pour les parlementaires. Ces derniers font bien leur travail pour mériter les 30 millions de centimes. «Je vote même si je ne suis pas convaincu, car j’applique les consignes du parti», lâche un député du FLN. Ce dernier n’est pas le seul à en témoigner. Entre ce qui se dit à l’intérieur et à l’extérieur, tout est contraire. Les représentants de l’Alliance présidentielle s’amusent à faire avorter toute tentative de blocage de projet de loi. D’ailleurs, les résultats du vote sont connus d’avance.
Les positions sont figées et ne changent jamais. Les carrés des partisans et des opposants et même de neutres sont bien délimités. L’opposition, qui représente une poignée, se retrouve écrasée par l’Alliance. Aucun texte n’a été rejeté depuis des années. Même les amendements se font de plus en plus rares.
Les députés votent juste pour voter en ignorant complètement l’intérêt de leurs élus. La taxe sur les véhicules imposée dans la loi de finances 2008 en est la preuve concrète. L’histoire témoigne parfaitement que les députés ont voté pour l’amendement d’une loi qui a été adoptée par eux-mêmes. La loi sur les hydrocarbures, proposée par Chakib Khelil, est passée comme une lettre à la poste en 2005, avant qu’elle ne soit amendée en 2006.

Le syndrome de l’absentéisme
«On informe tous les députés par SMS du programme des séances de plénières, mais on se retrouve avec à peine une cinquantaine», regrette un responsable au niveau de l’APN. Le jeu est clair. Le député prend la peine de se déplacer juste quand il sait que sa question est programmée dans la session. Cet exercice est devenu beaucoup plus un moyen de se faire connaître du public et de paraître sur l’écran. Certains n’attendent même pas la réponse du ministre pour quitter l’hémicycle. Pris par leurs propres affaires, les députés ont bien compris les règles du jeu. D’ailleurs, les gradins de l’hémicycle sont toujours vides.
Les députés apparaissent juste quand il s’agit de voter une loi. Quorum oblige! L’absence d’un système de sanction, met le Parlement en difficulté. «Le député peut s’absenter durant tout le mandat sans qu’il soit signalé», affirme notre source, qui précise qu’en Allemagne un député qui s’absente sans justification, est immédiatement dénoncé à la presse et les élus ne lui renouvellent plus son mandat. Or, il faut reconnaître que les parlementaires font preuve de discipline lors de la clôture ou de l’ouverture de la session. Ayant tout le staff gouvernemental à leur portée, les parlementaires bravent tous les obstacles pour assister.
L’événement en vaut bien la chandelle! Pour eux, c’est le moment ou jamais de régler leurs affaires. Les députés se bousculent avec les journalistes pour croiser un membre du gouvernement.
Aujourd’hui, ils seront nombreux à faire le déplacement au Sénat et à l’APN.

Source : L'EXPRESSION - Edition du 22 juillet 2010