Un hommage a été rendu dimanche à Paris à Adolfo Kaminsky, militant anticolonialiste et faussaire attitré du FLN lors de la guerre de Libération nationale, par la projection de Faux et usage de faux, un film retraçant l’action clandestine de celui qui aida des années durant des milliers de personnes à fuir les persécutions.


C’est vers la fin des années cinquante que ce Russe d’origine juive fût contacté par le FLN pour la confection de faux-papiers devant permettre à ses militants, dont des membres du réseau Francis Jeanson au départ et celui de Henri Curiel par la suite, de sillonner l’Europe, dont la France notamment, à la recherche de fonds pour aider la Révolution ou assurer le passage de militants à travers les frontières.

Dans ce film de 52 minutes, les caméras du réalisateur Jacques Falck pénètrent les laboratoires parisien et bruxellois du chimiste qui confectionnait toutes sortes de faux documents (cachets humides, cartes d’identité, passeports etc) ayant permis à des militants algériens ou à des membres de réseaux de soutien au FLN de franchir les frontières européennes et porter la voix du combat libérateur du joug colonial.

"Le "suicide" de l’avocat Ali Boumendjel et la "disparition" de Maurice Audin confirmaient qu’en Algérie on torturait et on tuait impunément. La torture, institutionnalisée, faisait craindre le retour des méthodes de la Gestapo, c’est ce qui explique mon engagement aux côtés des Algériens", a témoigné l’ex-faussaire, aujourd’hui âgé de 87 ans, lors du débat ayant suivi la projection. Cet engagement était tel qu’il a choisi l’Algérie pour y vivre une fois acquise l’indépendance nationale. "Je suis parti vivre en Algérie pour mettre fin à mes activités de "faussaire" et gagner ma vie en concourant à la mise sur pied de l’Ecole des Beaux-arts pour former de jeunes Algériens dans ce domaine", a-t-il dit, regrettant avoir "précipitamment" quitté le pays à la fin des années 1980, pour fuir la "menace islamiste et assurer la sécurité de maa petite famille".

" Tout ce que j’ai fait pour l’Algérie a été dicté par ma conscience refusant tout joug colonial. Et si c’était à refaire, je le referais sans hésitation, bien que j’aurais aimé que ça se passe mieux par la suite mais l’espoir y est toujours permis", a confié l’ancien moudjahid à l’APS. Pour l’historien Gilles Manceron, le concours d’Adolfo à la guerre de Libération nationale était "important en ce sens qu’il a permis à beaucoup de personnes d’échapper aux persécutions". "Sa tâche a été encore rendue difficile par la décision du comité fédéral de la Fédération de France du FLN de quitter la France pour s’installer en Belgique et en Allemagne. D’où ce besoin de liaisons très fréquentes entre tous ceux qui transportaient qui des documents, qui des fonds, en faveur de la Révolution algérienne", a-t-il indiqué.

L’historien cite, entre autres risques majeurs pris par le faussaire convaincu, l’évacuation d’une chambre d’hôtel parisien de documents confidentiels de la Fédération de France du FLN suite à l’arrestation de ses occupants par la police française.

"Ce "cambriolage" a permis non seulement de récupérer des documents confidentiels et d’abréger les souffrances d’un couple au nom duquel une chambre pas comme les autres a été louée", se souvient l’octogénaire.

Faux et usage de faux : l’histoire vécue dans l’ombre a été projeté à l’initiative du Maghreb des films, organisateur cette année d’un cycle de rencontres cinématographiques sur la guerre d’indépendance nationale.

Il a été également programmé dans le cadre du rendez-vous du 17, des rencontres mensuelles devant prolonger, jusqu’à octobre 2012, la mémoire et le débat sur les massacres des Algériens le 17 octobre 1961 à Paris et aller dans le sens d’une reconnaissance officielle par la France de ces faits de l’histoire.

Source: Midi Libre



Adolfo Kaminsky ou Adolphe Kaminsky (né en Argentine le 1er octobre 1925 de parents juifs russes) est un résistant, spécialisé dans la fabrication de faux papiers d’identité pendant trente ans en s'interdisant toujours d'être pay1.
La famille de Kaminsky s´installe en France en 1932 à Paris puis, en 1939 à Vire dans le Calvados. Il travaille alors dans une teinturerie. Passionné de chimie des colorants, il crée son propre laboratoire puis se fait embaucher dans une laiterie comme assistant d’un ingénieur chimiste.
Après l´invasion de la France de 1940, sa mère est tuée par les allemands et sa famille est internée en 1943 dans le camp de Drancy dont ils sont libérés grâce à l´intervention du consulat argentin le 22 décembre. Âgé alors de 17 ans, il rentre dans la résistance dans un laboratoire clandestin à Paris où il passe le reste de la guerre à fabriquer des faux papiers d’identité permettant ainsi à des milliers de juifs d’échapper aux persécutions. Il avait fait un calcul simple, "Rester éveillé. Le plus longtemps possible. Lutter contre le sommeil. Le calcul est simple. En une heure, je fabrique trente faux papiers. Si je dors une heure, trente personnes mourront...". À la libération de Paris, il est engagé par les services secrets militaires français, mais il démissionne au moment des prémisses de la guerre d'Indochine, par refus de collaborer à la guerre coloniale.
La particularité de "faussaire politique" est d’avoir continué après la Libération cette activité clandestine. Adolfo Kaminsky enchaîne plusieurs combats pour la liberté de peuples différents, voire opposés. Après la résistance, il aide l’émigration juive vers la Palestine de 1946 à 1948.
À la fin des années 1950, il s’engage en faveur de la décolonisation de l´Algérie et rejoint le réseau Jeanson et Curiel, qui soutiennent le FLN en France. Enfin, à partir de 1963, il vient en aide aux mouvements de libération des pays d’Amérique du Sud, du Brésil, de l'Argentine, du Venezuela, du Salvador, du Nicaragua, de Colombie, du Pérou, l'Uruguay, le Chili, le Mexique Saint-Domingue et d'Haïti, d’Afrique ; la Guinée-Bissau, l'Angola, l'Afrique du Sud pendant l'Apartheid et du Portugal sous le régime de Salazar, des dissidents de Franco en Espagne. Il soutient également les anti-franquistes espagnols et les Grecs en lutte contre la dictature militaire « des colonels ». Il fait aussi des faux papiers pour les déserteurs américains qui ne voulaient pas faire la guerre du Viêt Nam. Il accepte aussi de faire des faux papiers en France, en 1968 pour Daniel Cohn Bendit afin de lui permettre de prendre la parole à un meeting. Adolfo Kaminsky dit aussi que ce furent les faux papiers les plus médiatiques et les moins utiles qu'il eut à faire de toute sa vie. Mais que c'était une bonne occasion de faire un pied de nez aux autorités et qu'il n'y avait rien de plus poreux qu'une frontière et que les idées, elles n'en avaient pas.
En 1971, il fabrique son dernier faux papier, et met un terme définitif à son activité de faussaire.
Un documentaire intitulé Foreign Identity a été réalisé par Jacques Falck sur sa vie.
Son fils José Kaminsky est un rappeur français connu sous le nom de Rocé.
En 2009, sa fille Sarah Kaminsky, écrivain et comédienne, retrace la vie de son père dans un livre intitulé Adolfo Kaminsky, une vie de faussaire, publié aux éditions Calmann-Lévy.