L’ex-champion d’Afrique avec les Verts en 1990, Rabah Madjer dont la «talonnade» de 1987 est une marque déposée, a bien voulu répondre aux questions de L’Expression pour évoquer le parcours des Verts dans ce Mondial 2010 tout en soulignant ce qu’il considère comme une manipulation quant à une éventuelle proposition de retour chez les Verts en qualité d’entraîneur.

 



L’Expression: En votre qualité d’ancien joueur international et d’ancien entraîneur de l’Equipe nationale algérienne, comment évaluez-vous les prestations des Verts dans ce Mondial 2010?
Rabah Madjer: A travers les matchs disputés par les Verts dans cette Coupe du Monde, je dirais que les joueurs algériens ont donné le meilleur d’eux-mêmes. Ils ont fourni beaucoup d’efforts et c’est un point positif à retenir. Mais, il ne faut pas oublier que chez nous, on est très exigeants et on veut toujours plus. On voulait aller à la CAN puis suivant les résultats, on voulait la gagner, puis, qualifiés au Mondial, on voulait une bonne participation et honorable, mais au vu des prestations des joueurs, on voulait passer au second tour et je suis sûr que si on avait été au second tour, on aurait exigé de passer aux quarts de finale. C’est des réactions dans un état normal chez nous. Et il faut dire que l’Equipe nationale a joué avec les moyens de bord. On pouvait faire mieux malgré tous les efforts des joueurs et leur rigueur ainsi que leur volonté farouche de passer au second tour. Mais, le manque d’expérience de certains joueurs n’a pu permettre d’aller plus loin. Surtout lors de ce dernier match face aux Etats-Unis. On pouvait bien gagner et passer au second tour.

C’est justement cet éternel problème de l’inefficacité qui ressort?
Beaucoup parlent de cette inefficacité, mais il faut savoir que l’inefficacité ne vient pas juste de l’absence d’un buteur de métier. Le problème n’est donc pas là, mais c’est la manière d’attaquer des Verts qui n’a pas été adéquate. Et puis, les joueurs avaient l’impression d’avoir peur de mal faire et se cantonnent en défense alors qu’il fallait opter par l’attaque directe.

C’est-à-dire?
C’est simple, il fallait que la défense pousse le milieu de terrain à aller de l’avant et ce milieu de terrain pousse de son côté la ligne adéquate à bousculer la défense adverse. De cette manière, on crée un surnombre dans l’entre-jeu et ça donne donc plus de possibilités d’atteindre le but. Par contre, durant les matchs, on retrouve Yebda tout seul au milieu et en plus, il y a un gouffre entre la défense et l’attaque. C’est pour cela, qu’il y a eu beaucoup d’essais au niveau de l’attaque avec d’abord Djebbour, puis Ghezzal, puis Matmour puis la combinaison des deux. En résumé, il faut juste comprendre que trouver des solutions à un système offensif demande et surtout, nécessite beaucoup de temps. Car avant de parler de l’attaque, il faut être intelligent pour assurer ses arrières. La preuve, regardez l’Angleterre face à l’Allemagne, les Anglais se sont rués vers la défense adverse négligeant l’aspect défensif et ils ont donc encaissé deux autres buts. En football, c’est tout un travail collectif et non individuel. On a perdu notre chance de passer au premier tour lors du premier match contre la Slovénie.

Quelles seront donc les solutions pour les Verts?
Alors là, je dirais que nos responsables ont dû certainement faire le bilan et noter toutes les carences et erreurs à rectifier et à éviter dans le futur. Il faut donc éviter de tomber dans les erreurs commises durant la CAN et ce Mondial 2010.

On évoque votre probable retour en qualité de sélectionneur de l’Equipe nationale d’Algérie, qu’en est-il au juste?
Ecoutez, il y a un sondage où des techniciens veulent bien me voir revenir au sein de la sélection nationale algérienne, mais je ne comprends pas pourquoi, chez certains, il y a une certaine méchanceté. C’est une méchanceté telle que cela m’incite à penser que c’est une vraie manipulation dont il s’agit.
Pouvez-vous être plus explicite sur le sujet?
On a rapporté des mensonges à mon sujet et on a même parlé de mes deux passages en Equipe nationale comme étant des fiascos. Eh bien, si vous me permettez, je reviendrais d’abord sur mes deux passages en Equipe nationale pour éclaircir ces deux parcours aux supporters algéri

Allez-y.
Lors de mon premier passage en qualité d’entraîneur de la sélection algérienne, on avait fait match nul (1-1) au stade du 5-Juillet face à l’Ouganda et on a saisi cette occasion pour m’écarter de l’équipe algérienne sous prétexte de mauvais résultats alors qu’il ne restait plus qu’un seul point pour décrocher le billet de la CAN 1996 en Afrique du Sud.
Ali Fergani prend en charge l’équipe algérienne. Il ramène ce point et part avec les Verts en Afrique du Sud. J’ai donné le meilleur de moi-même à notre équipe nationale. J’ai commis des erreurs, certes, car nul n’est parfait et aucune Equipe nationale n’est parfaite aussi. J’ai effectué un grand travail afin de réunir les joueurs locaux avec les joueurs évoluant à l’étranger et monter cette Equipe nationale qui a participé à la CAN 96. Seulement, certaines personnes à la Fédération algérienne de football n’ont pas accepté le fait que je refuse leur ingérence dans les affaires techniques. Et ils ont cherché la moindre occasion (négative) et ce fut ce match nul. Et ils ont donc réussi à m’écarter de l’Equipe nationale lors de mon premier passage.

Et pour le second?
Pour le second passage en sélection algérienne, j’ai donc logiquement demandé des garanties aux responsables de l’époque. J’ai bien discuté avec le ministre de la Jeunesse et des Sports d’alors, M.Sellal ainsi que le président de la FAF, M.Omar Kezzal. Et on s’est entendu sur l’objectif qui était la Coupe du Monde 2006. J’ai donc pris en main l’équipe pour la CAN 2002 au Mali. J’ai effectué un changement radical dans l’Equipe nationale algérienne et ce fut vraiment difficile de montrer presque une nouvelle sélection. J’ai toujours composé l’équipe avec des joueurs algériens évoluant à l’étranger et en Algérie. Il fallait aussi vivre les conditions qu’on avait vécues en ces moments-là: J’avais par exemple un Tasfaout qui a failli mourir et Belbey qu’on a failli perdre. N’empêche que j’ai ramené de nouvelles têtes et j’ai bien travaillé avec l’expérience des nos joueurs et non avec l’expérience de Madjer. Nous avons donc réussi à imposer le nul à cette formidable équipe nationale belge, chez elle. Cette même Equipe qui est allé battre quelques jours plus tard l’équipe championne du monde, la France (2-1). Ce qui prouve que notre Equipe nationale était bien solide. Et puis ce fut le problème qui a surgi chez de la presse. Je ne veux pas trop évoquer les cas de la presse, car mes principaux soucis sont d’établir la vérité, sans polémique, mais sur un plan plus technique et donc du domaine du coaching. C’est alors que je fus persuadé que ce n’est point Rabah Madjer l’entraîneur qui dérange, mais la personnalité de l’homme et ses propres convictions et principes qui dérangent. Je dérangeais car je n’acceptai jamais que l’administratif se mêle du travail du technicien. D’ailleurs, je dois préciser que ce n’est pas de ma faute si les responsables de toutes les équipes que j’ai entraînées (sauf une que je citerai après) n’ont toujours pas accepté que je refuse leur l’ingérence dans mes affaires techniques de la part des administratifs. C’est la raison qui les a poussés à me limoger.
Pour revenir à la sélection nationale, j’aurais pourtant bien aimé travailler avec les membres de la Fédération algérienne pour le bien commun, soit celui de l’Equipe nationale. J’ai toujours tenu mes promesses. De plus, je le redis encore une fois, l’objectif n’était point la CAN, mais le Mondial 2006. Et je vous assure que si on m’avait laissé poursuivre mon travail, j’aurais bel et bien assuré la qualification de l’équipe nationale au Mondial 2006 et non celui de 2014. Et puis, je me permets cette petite remarque: pourquoi on me limoge juste pour un nul alors que certains entraîneurs après mon passage perdaient par des 3-0 sans être limogés? A la réponse de savoir pourquoi ils ne sont pas remercies, vous aurez la réponse à cette campagne menée contre moi et qui ne veut pas dire son nom.

Pardonnez-nous d’être direct, mais on dit que vous ne possédez pas une grande expérience dans le domaine technique et que vous n’avez, peut-être, pas de diplôme de coaching?
Ceux qui pensent ainsi veulent certainement mettre un voile au peuple algérien pour me dénigrer et dénigrer mes compétences. Eh bien, je vous assure que j’ai eu le privilège de travailler avec des techniciens et coachs de renom. Je vous informe donc que j’ai bien travaillé avec Arthur Georges, Ivic, Di Stéfano, et De Martigny du Racing. Je citerais également, les compétences algériennes avec lesquels j’ai travaillé et je nomme Kermali, Mekhloufi et Soukhane. Avec ces grandes personnalités du football, j’ai beaucoup appris. Et je suis toujours disponible pour inculquer ce que j’ai appris aux nouvelles générations.

Mais sur le plan du coaching, quelles sont vos références?
J’ai bien géré la sélection africaine avec à sa tête l’indiscutable Roger Milla à Lisbonne en 1997. On avait disputé un match contre la sélection d’Europe drivée par Berti Vogts et Gus Hiddings et on avait remporté le match (2-1). Par la suite, j’ai été élu par la Confédération africaine de football (CAF) pour prendre en charge la sélection africaine au Maroc où on avait gagné 3-2 face à une équipe drivée par Jean Fernandez.
Tenez! vous me rappelez l’équipe dont je voulais évoquer la liberté totale que m’ont laissée ses responsables pour effectuer mon travail et qui, à la fin a bien donné ses fruits. Je citerais donc les responsables du club qatari El Wakra.
Ces personnalités ont bien compris mes principes et m’ont donc donné carte blanche sans s’immiscer dans mes affaires. Résultats: alors que l’équipe n’avait pas goûté au moindre titre après 50 ans, j’ai réussi avec les joueurs à offrir au club trois titres durant la même année (la Coupe du Cheikh Zayed, la Coupe du Prince et le championnat du Qatar). J’ai été élu meilleur entraîneur étranger au Qatar devant bien des coachs anglais, brésiliens et italiens...C’est vous dire que lorsqu’on me fait confiance, les résultats suivent. Car, je connais bien mes compétences et je suis un véritable professionnel.

Et en matière de diplômes que diriez-vous?
Je tiens juste à vous informer que je suis diplômé par la FAF et le MJS et je suis titulaire d’un diplôme de Clair-fontaine où j’ai eu la possibilité d’y effectuer mon stage et ce, sans bien évidemment, parler de ma modeste carrière de joueur.

Et sur le plan des sollicitations avez-vous reçu des offres?
Je ne suis pas le technicien qui court derrière les clubs pour un éventuel engagement. Je vous épargne tous les sms que j’ai reçu d’un peu partout. Mais, je vous cite juste le dernier qui m’est parvenu d’un grand club en Arabie Saoudite. Et comme je voue un grand respect au dirigeant de ce club, je me suis abstenu d’y répondre pour le moment.

On vous donne donc carte blanche pour conclure.
Là, permettez-moi d’évoquer deux cas pour clarifier certaines vérités: d’abord, on avait rapporté que mon absence à la CAN 1988 était due à un problème d’assurance avec mon club, Valence. Or, c’est totalement faux. J’ai été blessé à l’époque. J’ai été victime d’une déchirure musculaire qui a nécessité 4 mois d’indisponibilité. Je vous informe d’ailleurs, que j’ai même perdu un contrat de trois années avec l’Inter de Milan à cause de cette méchante blessure. La preuve, c’est que deux années plus tard, je suis à nouveau avec mon pays pour lui offrir la Coupe d’Afrique des nations. Ensuite, je me permets d’évoquer ma position vis-à-vis du consulting avec la chaîne Al Jazeera Sport. Je précise d’emblée que je suis un des fondateurs d’Al Jazeera Sport où on a travaillé durement pour arriver là où on est.
De plus, et comme pour chacun joueur, entraîneur ou autre, il y a ceux à qui on plait et ceux à qui on ne plait pas. Je devais aller en Angola pour le compte d’Al Jazeera pour la CAN-2010, mais finalement, j’ai opté pour la chaîne Al Arabiya. Il n’y a pas plus clair et plus simple que ça..

 

Source: L'EXPRESSION - Edition du 30 juin 2010