Achour Ferhat est un artiste qui vous marque à vie. Bâti comme un tronc, ses yeux pétillent de joie et sa bouche débite des blagues hilarantes.

Ce musicien kabyle est le guitariste du groupe Berbanya, que j’ai découvert il y a cinq ans. À l’époque, je dirigeais la rédaction d’un magazine qui lui avait consacré un reportage.

On se croisait à l’occasion et c’était toujours des rencontres hallucinantes. Nous étions toujours heureux de partager les différentes histoires de nos origines: sa Kabylie et mon Moyen Atlas.

Puis la vie a fait qu’on s’est perdu de vue. Fin octobre, en faisant mon jogging au parc Jarry, deux silhouettes sous les arbres me faisaient des signes et criaient mon nom dans de grands éclats de rire. L’une d’elles était celle d’Achour. À chaque passage, j’avais droit aux cris d’encouragement.

Le temps de prendre ma douche, j’ai rejoint le groupe pour partager un barbecue berbère. Deux familles berbères algéro-marocaines se prélassaient lors d’un dernier pique-nique nocturne avant l’hiver. On a ri comme des enfants. Avant de partir, Achour m’a offert fièrement le premier album de Berbanya qui allait sortir à la mi-novembre.

Les premières notes de L’autre rive m’ont vite replongé dans mon passé. Gamin, en fin d’après-midi, je rentrais en courant de l’école. Dès le patio, les arômes de café au lait et de meloui, sorte de crêpe marocaine traditionnelle fraîchement préparée par ma mère, éblouissaient mes sens.

Je rejoignais le salon pour goûter à la hâte et aussitôt ressortir m’amuser avec mes copains. Comme à l’accoutumée, ma mère sirotait son café en écoutant religieusement des classiques berbères diffusés par la radio nationale. Parfois, emportée par la nostalgie, je surprenais ma mère entonner des chants lyriques les larmes aux yeux.

Pour Berbanya, comme pour tous les Berbères de ce monde, chanter la musique de ses racines est d’abord une quête d’apaisement afin d’oublier ses malheurs. Comme Achour aime à le répéter: «Le poids de l’immigration n’est plus aussi lourd à porter une fois qu’il est extériorisé.»

Si la musique des origines est une façon d’extirper toutes ses angoisses liées au déchirement de la séparation de sa terre natale, avec le temps, elle s’est transformée pour Berbanya «en une volonté de faire connaître cette culture et d’enrichir le paysage culturel québécois.»

Après un long voyage artistique, Berbanya a fini par sortir L’autre rive, son premier album studio. Des compositions originales et des textes qui enchantent l’oreille. Mon coup de cœur est Tamtout, qui veut dire femme en berbère. Elle me rappelle ma mère et toutes les femmes qui ont fait de moi ce que je suis!

Ce samedi 16 novembre aura lieu le lancement officiel de ce nouvel album au Club Lambi au 4465, boulevard Saint-Laurent, à Montréal. L’entrée est gratuite.
www.berbanya.com

Journal Metro - 15 nov 2013