Plus de 2000 Kabyles se sont déplacés au centre sportif Marie-Victorin de Montréal pour rendre hommage à Matoub Lounès. Un hommage grandiose organisé par l’association des Berbères du Canada en collaboration avec la Fondation Matoub Lounès. Une fourchette d’artistes a chanté ses chants et l’âme du rebelle a bel et bien plané dans la salle, le cœur du public et le ciel  bleu de Montréal en ce 15 juin 2013.

15 ans depuis que les forces du mal ont arraché l’un des meilleurs artistes engagés que l’Algérie ait enfantés : Matoub Lounès. Cet artiste a été assassiné un 25 juin 1998 en plein cœur de Kabylie. Les commanditaires de son assassinat ont frappé fort non seulement pour faire taire le rebelle, mais également pour faire plier la Kabylie, cette région qui s’est toujours opposée à tous les desseins diaboliques d’un pouvoir jacobin anti-kabyle, anti-amazigh et anti-liberté tout court. Matoub Lounès savait que sa vie était menacée au quotidien. Sa mère, lors de son passage à l’émission de CFMB de Mourad Mahamli le 14 juin l’a confirmé : «  Je lui ai dit que son discours engagé allait lui causer des ennuis. D’ailleurs, vu l’intensité de ses messages et de ses positions politiques, ils ont tardé à  l’éliminer. » Un autre artiste de renom l’a aussi confirmé: « J’ai rencontré Matoub Lounès à Paris, quelques jours avant son assassinat. J’ignorais qu’il avait fait une parodie de l’hymne national. Si je le savais, je lui aurais déconseillé d’aller en Algérie. Ce qu’il a fait lui a été fatal. » Il faut souligner que Matoub Lounès n’avait pas terni Qasaman. Il l’a surtout amélioré et actualisé. Ceux et celles qui ont donné leur vie pour une Algérie libre ont fait leur part. Leurs enfants n’ont pas profité des fruits de cette légendaire révolution. Ils ont été brimés, humiliés et étouffés par le groupe de Oudjda. Un groupe qui a confisqué la noble mission des martyrs de l’Algérie du 20ème siècle. Ses détracteurs continuent à entretenir l’intox et le mensonge à son égard même après sa mort. Tout cela pour justifier leur crime. Les autres compatriotes, pour éviter de tomber dans le piège de ces monstres moyenâgeux, devraient écouter Matoub.  Que pourrait-on dire à un homme qui ne respire que par ses montagnes et sa Kabylie? Il est rentré chez lui. C’est son droit le plus légitime. Et ceux qui l’ont tué le savaient. Ils ont tout planifié. Pourrait-on assassiné Lounès en Kabylie sans la complicité de certains Kabyles? La réponse est non, mais l’histoire finira par révéler les secrets bien gardés des complots et des crimes politiques qui font saigner l’Algérie depuis plus d’un demi-siècle.

 

Excellente prestation des artistes

Ce samedi 15 juin, des artistes extraordinaires ont donné leur meilleur lors de l’hommage au lion du Djurdjura. Certains étaient des habitués de Montréal comme Djamel Allam, Boudjema Agraw, Yasmina, Guerbas, Igman, Hamid Matoub et Ali Ideflawen. D’autres, comme Kamal Hamadi, Ali Ferhati, Rabah Ouferhat et Kamel Bouyakoub, découvrent la communauté kabyle du Canada pour la première fois. La soirée a commencé par les interventions de la mère et de la sœur de l’artiste devant un public nombreux venu pratiquement de tous les coins de l’Amérique du Nord. Composé de toutes les générations, ce public voue un amour infini à Matoub Lounès. Il connaît toutes ses chansons et ses combats.

Après les interventions de la famille, les chanteurs ont commencé le spectacle. C’est Rabah Ouferhat, camarade de collège de Lounès, qui a inauguré le showavec sa chanson "Eker amis Umazigh" ( Amazigh). Cet artiste force l’admiration par son talent et sa simplicité.  Ali Ideflawen, l’artiste à la voix d’or, a percé les cœurs des gens par son passage : «  Ils nous l’ont arraché. » dira-t-il au public. Boudjemaa Agraw, le chanteur engagé de tous les combats a crevé la scène par la reprise de ‘’Aghuru’’de Lounès.  Ces trois artistes ont hautement honoré la mémoire de Lounès, mais la douleur se sentait dans l’immense salle : «  On dirait qu’il est parmi nous. », dira un fan. L’entrée sur scène de Ali Ferhati ramène une autre dynamique. Habillé d’une chemise rouge vif, sa voix a imposé un silence religieux dans la salle : «  Il est beau et il chante très bien. », cria un homme visiblement impressionné par la prestation de Ferhati. Djamel Allam enchaine dans le même sens avec ses classiques connus de tous. La salle chante en chœur avec lui. Des jeunes lui scandaient un drapeau amazigh pour tester ses positions politiques. Il a fini par déposer le drapeau amazigh sur le micro en chantant.

Après Djamel Allam, c’est Na Aldjia qui a livré sa poésie et sa douleur au public : «  Le chemin de Tala Bounab m’est amer. C’est là-bas qu’on a tué mon fils. », Dira-t-elle. Elle sera relayée par le grand maître de la chanson algérienne Kamal Hamadi. C’était vraiment la belle surprise de la soirée. Voir Kamal Hamadi chanter et jouer à la mandoline sur scène étaient sans contredit le délice de cet hommage. Il a  rendu un petit discours en guise d’hommage à Lounès : «  …que tous les sacrifices vaillent la peine pour que Tamazight demeure debout. » avant de chanter Tamurt (La patrie a besoin de ses enfants). Une femme Kabyle commente : « Ça c’est un message poignant pour nous tous » Allaoua Bahlouli, ce musicien qui a accompagné la plupart des artistes algériens et kabyles en particulier a chanté ‘’Serhas  ayadhu’’ avant d’être suivi par la seule femme artiste de la soirée, en l’occurrence Yasmina. Habillée d’une superbe robe kabyle, Yasmina a fait exploser la scène par son talent, sa colère et tout l’amour qu’elle porte pour le rebelle : « Point de pardon pour ceux qui ont tué Lounès. », affirme-t-elle tout en scandant le seul portrait de Lounès Matoub qu’on ait vu sur scène. Elle a été géniale et déterminée dans ses convictions. Hamid Matoub a chanté ‘’Assagi lligh’’ ainsi qu’une chanson hommage qu’il lui a dédiée. La soirée avance à grands pas. Le programme aussi. Kamel Igman et Mourad Guerbas ont enflammé la salle par leurs chansons rythmées. Les jeunes filles chantaient simultanément avec ces deux jeunes artistes. Un adulte qui observait la nouvelle génération dira : «  Ils chantent quelque chose de différent, mais ils ont le mérite de détrôner le rai en Kabylie. »

Hacene Ahres entre sur scène avec son instrument. Ses gestes ressemblaient étrangement à ceux de Lounès. La douleur du vide que le rebelle a laissé se sentait dans ses mouvements et le timbre de sa voix. Il a chanté ‘’Tahacat boubrid’’. Son choix en dit long sur la colère qui habite son âme : «  Pour moi, Matoub a été assassiné tous les jours depuis 15 ans. » Le dernier artiste à passer sur scène est le magnifique Kamel Bouyakoub. Il a de la prestance et du génie : «  Il a la même voix que Matoub. », dira un journaliste qui le voit sur scène pour la première fois. Il chante Matoub avec des yeux pleins de larmes. Ce n’était pas un jeu. C’était la rage et le cri de l’âme que ce jeune artiste dégageait.

La soirée a pris fin vers 1h du matin. Tous les artistes ou presque étaient sur scène à côté de la famille de Lounès. Ils ont tous chanté en chœur ‘’ Amlaayoun’’. Et la mère de Lounès de conclure : «  Vous êtres tous les frères et les enfants de Lounès. »

En somme, l’initiative de l’association des Berbères du Canada est très appréciée par le public. L’engouement de ce dernier est on ne peut plus impressionnant. L’orchestre dirigé par le fils du maître Chérif Kortbi a assuré le spectacle avec brio. L’organisation, quant à elle, mérite d’être améliorée ou carrément revue : «Même l’organisation a besoin d’un réalisateur», soulignera un journaliste.

Source: Taghamsa - 17 juin 2013