Le chanteur d’origine algérienne, Karim Saada, aurait pu appeler son nouvel album Carpe Diem, mais il lui a préféré Aïch El Youm (Vis aujourd’hui).  La nuance est de taille.



Loin d’appeler à l’insouciance et à l’irresponsabilité que peut suggérer le sens donné à la célèbre locution latine, ce fils de La Casbah d’Alger qui  vit au Canada depuis une vingtaine d’années appelle «à ne rien reporter au lendemain, à saisir le moment et à le vivre intensément car il n’y a pas plus pénible que le regret de ce qu’on a pu laisser nous filer entre les doigts». «Quand on vit à l’étranger, on a toujours un pied ici et un autre au pays d’origine. Mais un risque nous guette. C’est celui de sublimer ce qu’on a laissé et d’oublier de vivre tout simplement», explique en entrevue avec El Watan l’auteur-compositeur-interrprète qui vit au nord-est de Montréal. «Il est vrai qu’avec l’arrivée des enfants, on peut ramener l’autre pied. Là, le déclic se fait parfois et on se dit qu’on est ici, donc on vit ici». «Il faut en finir avec le mythe du retour qui a, parfois, un côté inhibiteur», souligne celui  qui a émigré au Canada en 1989.

Les parents et l’importance d’en prendre soin même à des milliers de kilomètres ont une bonne place dans la chanson phare du deuxième opus de Karim Saada. «Je ne comprendrais jamais, sans les juger, ceux qui mettent des années pour rendre visite à leurs proches restés au pays», explique de sa voix chaâbie l’enfant de Soustara qui jure qu’il ne rate aucune occasion pour rendre visite aux siens, histoire d’être cohérent avec ses convictions. Encore moins, avec les moyens de transport modernes et l’ouverture d’une ligne aérienne directe qui relie l’Algérie au Canada.

La preuve par deux… albums

Karim Saada a lancé au Canada voilà un mois son deuxième album Aïch El Youm (Vis aujourd’hui). Suite logique du précédent, La danse de l’exilé, le nouveau produit de l’Algéro-Canadien dégage une maturité et une sagesse acquises le long de son exil canadien. Pour la petite histoire, Aïch El Youm a été lancé le même soir du passage «mémorable» du Ballet national algérien au Théâtre Maisonneuve de Montréal. Un avant-goût de l’album a été donné aux invités du gala d’excellence du Club Avenir qui a eu lieu au début du mois de novembre. Karim Saada a charmé le public avec ses productions. Le summum a été atteint lorsque le public a exigé un rappel qui a clos la soirée avec Ya Errayah de Dahmane El Harrachi.

Son premier album, La danse de l’exilé, a remporté le prix 2009 de la musique folk canadienne dans la catégorie musique du monde. En 2010, ce même album a été nominé dans la catégorie du meilleur album de musique du monde au prix Juno, le plus prestigieux des prix musicaux au Canada. Pour Aïch El Youm, Karim Saada a composé huit chansons originales et une autre tirée du répertoire andalou algérien. La seule chanson en français, Montréal, est un hymne à la métropole québécoise où pour la première on chante Le Petit Maghreb, le quartier montréalais. Une valse qui laissera ses traces dans le cœur des amoureux de ce quartier.

L’album ne laisse pas indifférent. Une connaissance du chanteur qui est restée une vingtaine d’années sans retourner en Algérie a pris l’avion sur Alger pour rendre visite à ses proches après avoir écouté l’album. Qui a dit que la musique ne servait à rien ? Certainement pas Karim Saada qui conclut que même s’il a les deux pieds au Canada, il a laissé quelques orteils en Algérie.

Source: El Watan