En effet, pour la majorité de ces associations, certes à but non lucratif, franchir le cap des discordes politiques et régionalistes n’a pas été sans fracas.

Frappées par les mêmes affres des extrêmes conflits qu’a générés la décennie noire au pays, plusieurs de ces associations, pourtant apolitiques et dont le rôle était de réunir les Algériens pour mieux défendre leurs intérêts, s’étaient, au terme de quelques mois, complètement dissipées en querelles. Les raisons étaient nombreuses mais aucune n’a été liée au financement de ces associations.

Les cotisations n’ont jamais été un problème majeur ! La lutte pour le leadership profitant des tensions qui s’étaient incrustées au sein des communautés avait, à elle seule, suffi à défaire les bonnes volontés. Pour la plupart des Algériens d’Amérique qui avaient vécu ce cauchemar, créer une association n’est plus une option.

La plupart des familles se retrouvent durant le Ramadhan ou les jours fériés et ceux qui organisent les rencontres font de leur mieux pour ne pas sombrer en amalgames. Les messages d’invitation sont généralement envoyés par email à l’ensemble des membres de la communauté : “On sera dimanche au parc, si vous voulez venir, vous serez les bienvenus !”, contiendra le message avec des indications sur les directions à prendre pour se rendre au lieu de rencontre, sans plus. Le nombre de participants est en augmentation depuis 2008. Pour l’ “Aïd-el-Séghir” de cette année 2010, à Dallas, plus d’une centaine de personnes ont participé au repas de l’AÏd organisé au parc Oak Grove à Grapevine, au nord-ouest de la ville.
Venues de toutes les villes des alentours, les familles ont toutes participé avec des gâteaux et des plats faits maison. “Les enfants se sont amusés comme des fous”, nous dit Farid Hadj Hamou, un Algérien résidant aux États-Unis depuis 15 ans, aujourd’hui ingénieur chez HP, qui avait su faire aboutir cette initiative de rencontre de l’Aïd sans créer de récalcitrants.

Cette même communauté a su, aussi, créer une équipe de football, tenir des rencontres hebdomadaires et organiser des matchs de football contre les équipes des autres communautés, notamment contre la communauté mexicaine.
Un Algérie-Mexique se joue pratiquement tous les samedis de l’année ! Ainsi, les Algériens, au nombre approximatif de 13 500, selon les chiffres de l’ambassade d’Algérie aux USA, font aussi partie d’une des plus importantes communautés aux États-Unis, la communauté musulmane, qui compte plus de 7 millions de membres, d’après les chiffres de l’American Muslim Council, AMC, mais moins de 3 millions selon d’autres organisations universitaires ou selon des études sponsorisées par le Comité juif américain.

Les supérettes et boucheries hallal, qu’elles soient gérées par un Pakistanais ou un Palestinien, ne manquent pas. Et selon l’American Muslim perspective, un journal indépendant en ligne, le nombre de mosquées était de plus de 1 209 en 2001 aux États-Unis, une statistique qui serait en nette progression ces deux dernières années. Pour ce qui est des chaînes de télévision, presque toutes les familles algériennes ont eu à installer une antenne satellite orientée 97 degrés ouest, pour suivre le programme de l’ENTV ! Les sites internet de musique de tous les genres algériens dont certains proposent des liens avec les chaînes de radio algériennes (Bahdja, chaîne I, II, III..), comblent ainsi les lacunes des décennies précédentes qui ajoutaient à l’exil une sorte de coma culturel.
Sinon, les Algériens restent ceux qui s’intègrent le mieux à la société américaine. Dans le monde du travail, la plupart des Algériens sont reconnus grâce à leurs excellentes performances. Les écoles américaines, quant à elles, considèrent la majorité des enfants de parents algériens comme “Gifted”, c’est à dire des enfants surdoués, et leurs donnent ainsi l’opportunité de suivre des programmes spéciaux qui leur permettent de faire avancer leurs instructions à une cadence plus soutenue, au rythme de l’épanouissement de l’enfant. Ceci étant, pour les Algériens de Denver, aussi, il n’est pas question pour le moment de recréer une association.

Les discordes, notamment politiques, qui avaient fait voler en éclats la toute première organisation créée puis présidée par Mr. Abdelwahab Baouchi en 1998, se sont certes aplaties depuis, mais à présent, aucune initiative de réorganisation n’a encore été prise. Certes, l’on regrette encore le méchoui annuel qui réunissait les familles algériennes, y compris celles issues de mariages mixtes, où les femmes venaient avec leurs tenues traditionnelles représentant les différentes régions d’Algérie, où les enfants étaient fiers de montrer leurs dessins relatifs aux paysages d’Algérie, et où l’on y célébrait tout simplement l’Algérie.
Mais les anciens membres semblent se contenter de retrouvailles de 4 à 5 familles, en cercle restreint, loin de toute idée d’association désormais perçue comme un cadre de débâcle d’opinions politiques dont la résultante serait, irrémédiablement, conflits et ruptures.

Abdelwahab Baouchi, professeur à l’université de Boulder, réside aux États-Unis depuis 1974, où il s’est investi corps et âme pour créer la toute première association d’Algériens au Colorado puis à la sauver de la dissolution, ne rate jamais l’occasion de citer les réalisations de l’Algerian-American Association of the Rocky Mountains, dont il fut le fondateur avec d’autres Algériens, “des amis, des frères”. L’association avait permis à de nombreuses familles algériennes de trouver le support nécessaire pour une intégration réussie.

Abdelwahab Baouchi continue toujours, mais en dehors du cadre associatif cette fois-ci, à œuvrer pour résoudre les problèmes auxquels sont confrontés les Algériens durant leur parcours américain, contacter l’ambassade d’Algérie pour tel ou tel cas d’état civil ou de passeport, faire des appels aux cotisations quand le besoin se fait sentir pour, par exemple, rapatrier le corps d’un membre de la communauté vers le pays, ou aider les nouveaux venus à trouver une formation “qui les éloignera des petits métiers”. Un rôle de consul sans consulat, qui lui vaut le respect de toute la communauté algérienne de Denver.

Source: Liberté