La télé algérienne obéit à des critères qui passent souvent à côté des préférences réelles du public.


Aimer ou ne pas aimer, telle est la question, relative certes, car qui dit aimer fait appel à sa subjectivité. Néanmoins, la question ne se pose plus quand il s’agit du programme télévisuel national. Un petit sondage vite fait auprès d’une dizaine de personnes, répond aussitôt à la question. La réponse tombe comme un couperet. Elle est sans appel. «Une catastrophe!» «C’est la plus grosse catastrophe depuis 10 ans», souligne cette jeune femme travaillant dans la communication. De nombreux avis se relaient pour dire leur mécontentement et indignation. Evoquer la Télévision algérienne et les langues se délient naturellement.

«Encore un gâchis....horribles Caméra cachée, télé aussi riche et programme des plus pauvres», affirme aussi ce jeune homme. Un constat amer qui résume bien le point de vue de nombreuses personnes interrogées. Médiocrité du programme, des feuilletons dans lesquels aucun Algérien ne peut s’identifier est le commentaire qui revient sans cesse. Cette année, en l’absence remarquée et flagrante, de nos humoristes tels Beyouna ou Salah Ougrout alias Souilah, et donc des séries comiques que le spectateur a pris le goût et l’habitude d’apprécier juste après l’Adhan, tel Djemaï Family, c’est à une autre forme de programme que le public est invité à apprécier...difficilement.
La Caméra cachée occupe la première place du podium, en première partie de la soirée. Wash Dani, signée Djaâfar Gacem, une production de 15 épisodes pour 30 pièges et animée par Hakim Zeloum, ne fait cependant pas l’unanimité. Si piéger une star comme la comédienne Mouna Wassef, a pu passer, celle regardée avant-hier, mettant en vedette la sportive Nouria Benida-Merah, nous a laissés sur notre faim. L’animateur, qui campait le rôle du journaliste au côté de la professionnelle Wassila Batouche, n’a fait que ridiculiser le statut de journaliste.

La sportive n’a, à aucun moment, douté de la crédibilité de ce journaliste incompétent qui posait des questions étranges et insensées, voire débiles. Elle restera tout au long de l’épisode stoïque et calme sans pour autant sortir de ses gonds comme le font beaucoup d’invités piégés.

La seconde Caméra cachée a plus l’air d’une émission bouche-trou qu’un divertissement approprié. Avant l’Adhan, les Algériens découvrent la nouvelle version du film Mostefa Benboulaïd de Ahmed Rachedi, décliné cette fois sous forme de feuilleton. L’épisode de mardi dernier relatait les préparatifs d’escapade de prison de Benboulaïd et ses acolytes.
Du coup, les longues séquences du film passent mieux ici et prennent même la tournure d’un autre feuilleton, américain celui-ci, qui a connu beaucoup de succès, à savoir Prison Break que les Algériens connaissent. La soirée de mardi fut marquée aussi par un bon documentaire. Une fois n’est pas coutume, la chaîne terrestre a mis le paquet pour nous faire découvrir un documentaire fort intéressant.

A travers une plongée dans l’univers musical de Ziriab, le père fondateur de la musique arabo-andalouse, au IXe siècle, la vie de nos artistes émigrés nous est contée. C’est le cas de Akim El Sikamaya, de Omar Heddab du groupe Speed Caravan ou encore Beihdja Rahal, qui habitent en France. Le documentaire intitulé Sur Les traces de Ziriab, nous montre ces artistes d’aujourd’hui qui ont su utiliser l’héritage de cette grande figure de la Nouba.
Ces artistes parlent de leur musique et leur passion dont les origines remontent à plusieurs siècles. Sans tomber dans le cliché ramadhanesque, ce documentaire, plus à caractère didactique conjugue avec harmonie patrimoine et modernité.
Si Benboulaïd de la terrestre passe après 21h sur Canal Algérie, c’est un autre feuilleton algérien qui prend le relais. Il s’agit de El Dikra El Akhira, un drame social pleurnichant comme la télé sait le faire.
Le clou de la soirée est sans doute l’adaptation du livre sulfureux de Ahlam Mostghanemi Dakiret El Djassad (Mémoires de la chair), réalisé par des Syriens, tourné en partie en France avec une actrice algérienne, tout en évoquant l’antique ville de Constantine.

Comme quoi, on perd un peu le nord. Bref, d’aucuns vous diront que cela ne les intéresse pas trop et hormis la caméra caché, ne regardent rien après le ftour car préférant se tourner vers les chaînes étrangères, sans changer leurs habitudes.
D’autres, soutiennent le fait qu’ils regardent le programme de la télé algérienne pendant le Ramadhan, fusse-t-il soporifique, juste pour être au diapason avec les us et coutumes.

Quoi qu’il en soit, la télé algérienne aura beau vouloir faire bien, elle ne pourra jamais faire mieux qu’ailleurs. Car elle répond à un cahier des charges fort conventionnel qui dicte à l’avance le choix du téléspectateur lambda et le limite, de facto, dans son imagination.

Le feuilleton tiré du film musical Essaha de Dahmane Ouzid, ne pourra pas passer durant le mois de Ramadhan, nous a-t-on dit. Raison invoquée? On voit des jeunes danser et chanter et ça parle d’amour... Des choses naturelles avant et après le Ramadhan et pas pendant! Esprit obtus qui n’est pas près de changer. C’est pourquoi la chorba de l’Eptv demeurera éternellement fade et sans saveur.

Source: L'EXPRESSIOn - Edition du 19 aout 2010