«Marre de ces émigrés qui débarquent chaque été dans les grandes villes du pays pour nous agacer avec leurs airs de supériorité, leur façon de nous montrer qu’ils vivent tellement mieux. Marre de les voir dépenser sans compter et afficher leur condescendance.» Combien de fois n’avons-nous écouté de pareils reproches lâchés avec spontanéité pour exprimer des réticences à l’égard des «beurs» qui viennent exhiber leur bien-être chaque été avec une implacable assiduité, créant un certain malaise dans la société. Il s’agit là de réticences partagées par de nombreux citoyens qui n’ont pas une image très positive de tous ces Algériens qui «ont préféré la fuite vers l’Europe à la ténacité sur sa propre terre !». Mais la donne semble quelque peu changer ces derniers temps et l’équipe nationale de football n’y est pas étrangère. Forcément, ils ont bouleversé tellement d’esprits et pas seulement les locaux ! les Algériens d’ici ou d’ailleurs ont vécu l’euphorie insufflée par les Verts durant des semaines avec la même forte intensité. Preuve en est, les Champs-Elysées envahis de supporteurs à chaque victoire, pour citer l’exemple le plus explicite. Et la vue de ces émigrés brandissant le drapeau national avec autant de fierté ne laisse pas les Algériens d’ici indifférents. Ils en sont fiers et ne s’en cachent pas. Il ne serait pas exagéré d’affirmer que l’euphorie footballistique qui a traversé le pays depuis quelques mois a aplani ces réticences. «Ça fait plaisir de voir les Algériens dispersés aux quatre coins du monde exprimer leur patriotisme ! A Londres, des bus recouverts d’affiches des Verts ont traversé la ville pendant des jours pour encourager l’EN lors des sélections pour la qualification en Coupe du monde ! A Paris, c’est la fête à chaque match… C’est tout de même merveilleux, il faut admettre qu’ils sont notre porte-voix à l’étranger !» explique une jeune Algéroise, fervente supportrice de l’EN. Et cette euphorie partagée ici et ailleurs n’est pas le seul élément susceptible de nous faire parler de réconciliation entre les locaux et les émigrés mais la composition même de l’EN : Anthar Yahia, Bougherra, Lemmouchia, Ziani, Megheni, Belhadj, Matmour, Ghezzal, Bezzaz, Djebbour, pour ne citer que ceux-là, montre que ce sont tous des Algériens issus de l’émigration algérienne en France. Fait qui n’a pas porté préjudice à leur popularité dans le pays. Finalement, les tribulations de l’EN ont peut-être permis aux Algériens d’ici et d’ailleurs de se réunir autour d’un  même idéal : une Algérie qui retrouve sa hargne et sa soif de gagner… 


Source: La Tribune - Edition du 6 février 2010