Sadek Lazzouzi a tenté de se justifier, mais sa version pas crédible lui a valu d’être déclaré coupable
Un chef de division de la Ville de Montréal qui avait magouillé en faveur d’un promoteur immobilier qui ne respectait pas les règles vient d’être déclaré coupable de corruption, malgré des excuses préfabriquées pour s’en sortir.
«Sadek [Lazzouzi], ça fait 10 ans qu’on travaille ensemble, il est capable de tout faire pour de l’argent», avait déjà confié l’entrepreneur Tinel Timu en parlant de son «ami» qui était alors chef de la division des permis et des inspections de l'arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve.
Ce dernier avait alors nié ces propos, jetant le tout sur le compte d’un promoteur qui inventait des choses pour se vanter et bien paraître. Sauf que de toute évidence, cela était vrai, a tranché le juge Salvatore Mascia en déclarant le fonctionnaire déchu coupable d’abus de confiance, ce mercredi, au palais de justice de Montréal.
Lazzouzi, 54 ans, avait commis son crime à la fin de 2021, en lien avec la rénovation d’un immeuble de la rue Bourbonnière par le promoteur immobilier Tinel Timu. Le permis indiquait que l’immeuble devait comporter huit logements, mais le constructeur en avait construit le double, sans obtenir de dérogation.
Appel à «son gars»
«Malgré le fait que l’immeuble était achevé, la non-conformité devait être traitée et réglée, a expliqué le juge. À toutes fins pratiques, cela signifierait de reconvertir l’immeuble en huit appartements.»
Sauf que le promoteur immobilier, qui a depuis été assassiné à Laval, avait une autre option: contacter Lazzouzi, qu’il présentait comme «son gars» en se vantant de «travailler ensemble».
Et peu après, le chef de division ordonnait à un de ses employés de clore le dossier de Timu en indiquant qu’il s’agissait d’une «fermeture technique».
«Un dossier avec la mention "Fermé" tombera dans l’oubliette, il passe sous le radar des centaines de dossiers traités par un inspecteur en bâtiment», a expliqué le magistrat.
L’affaire avait été révélée en primeur par notre Bureau d’enquête, qui avait découvert qu’une employée de Timu aurait tenté de corrompre un fonctionnaire intègre, qui avait dénoncé.
Il joue sur les mots
Lazzouzi avait pour sa part fait l’objet d’une enquête, si bien que son petit jeu a été éventé. Accusé au criminel, il s’est toutefois défendu dans l’espoir d’être acquitté.
Ainsi, il s’est mis à jouer sur les mots en affirmant n’avoir jamais «fermé le dossier» mais plutôt «fermé le permis de construction». Sans succès, puisqu’il ne s’agissait que de «pure sémantique», selon le juge.
Puis, confronté aux discussions et rencontres entre le promoteur et l’accusé à des moments clés du dossier, ce dernier a balayé le tout sous le tapis en parlant de «coïncidences».
«Bien que ce soit possible, il y en a simplement trop pour que le témoignage de l’accusé fournisse une explication plausible de sa conduite, a rétorqué le juge. La coïncidence ou le hasard a ses limites.»
Par contre, ce qui était clair, c’était que Lazzouzi n’avait pas agi dans l’intérêt public en aidant le promoteur, et qu’il l’avait fait sciemment. Si bien que malgré toutes ses dénégations, Lazzouzi a été reconnu coupable.
Le fonctionnaire déchu reviendra à la cour dans les prochaines semaines, pour les plaidoiries sur la peine à lui imposer.