Le professeur en management aux Hautes études commerciales (HEC) Montréal, Omar Aktouf, ne mâche pas ses mots quand il parle des Journées scientifiques et culturelles des Algériens du Canada qui se déroulent cette semaine à Alger à l’occasion de la Journée nationale de l’émigration. Son nom ne figure pas sur la liste de la cinquantaine de membres de la diaspora, entre scientifiques, artistes et autres, invités par le ministère des Affaires étrangères.

«Je dois avouer que je suis profondément attristé et atteint par tant de dédain immérité, tant de haine et de hogra. Je n’en reviens pas ! Comment peuvent-ils avoir ce culot de me considérer comme une “non-compétence” ?», explique celui qui a quitté l’Algérie il y a une trentaine d’années, mais qui a maintenu un contact constant avec le pays.



«Je vois bien que je suis considéré comme un gros zéro par mon pays (via les initiateurs de la diaspora d’ici ? ndlr) pendant que je saute ces jours-ci d’un avion à l’autre pour la Colombie, le Pérou, l’Équateur…, pour lancer mes écrits traduits, prononcer conférences, – programmes et leçons inaugurales… Pas étonné ! C’est de la censure fasciste pure et simple», rajoute ce professeur pourfendeur de la “croissance infinie” et du libéralisme.

Ce nouvel épisode d’une relation en dents de scie avec les autorités de son pays lui rappelle la cabale montée contre lui vers la fin des années 90. Les autorités avaient mis en doute son patriotisme quand il s’est levé contre les accords de l’Algérie avec le FMI et la Banque mondiale. Du coup, le gouvernement l’avait écarté de la liste TOKTEN du PNUD (le Programmes des Nations Unies pour le développement) qui permet aux compétences des diasporas du Sud d’aider leurs pays d’origine.

Plus récemment, il a participé à une rencontre du Conseil national économique et social (CNES) à Alger. Mais apparemment, la lune de miel a été de courte durée puisque le gouvernement est revenu à ses vieilles habitudes. Le professeur Omar Aktouf croit que son discours anti-libéral dérange toujours.

Omar Aktouf n’est pas le seul à avoir été évincé de la participation à ces journées. Un autre intellectuel, Aziz Farès, ancien animateur et producteur radio en Algérie et qui continue la production et l’animation au Canada avec une émission à Radio VM de Montréal, a, quant à lui, été contacté avant d’être écarté. «Ils prennent qui ils veulent. Ça m’est égal. Je n’attends rien de personne. Je constate simplement que les critères sont fondés sur le beni âamisme et le chtih. Les écrivains ne les intéressent pas. Je ne critique pas ceux et celles qui sont partis : ce sont des gens très bien», écrit sur Facebook celui qui vient de publier un essai sur l’islamisme, L’encre des savants est plus sacrée que le sang des martyrs (*).

En 2009, sa maison d’édition de l’époque, les Éditions du terroir, avait édité le livre Notre ami Bouteflika, de l’État rêvé à l’État scélérat, un ouvrage collectif sous la direction de Mohamed Benchicou. C’est probablement le livre qui l’a «perdu».

Farid Salem, un autre membre de la diaspora algérienne au Canada qui vient de réactiver son association Solidarité Québec Algérie, ne demande qu’une seule chose : «Que ceux qui ont été choisis ne parlent pas au nom des Algériens du Canada.»

Pour Youcef Bendada, économiste à la retraite qui avait travaillé un temps au Consulat d’Algérie à Montréal, «l’événement en lui-même mérite d’être souligné, mais c’est le manque de transparence dans le choix de la cinquantaine de personnes qui me pose problème.»

Il est vrai que la culture de la dissimulation a encore de beaux jours devant elle puisqu’il a été impossible de connaître qui participe à ces Journées et selon quels critères de choix. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé : les «heureux élus» auraient même reçu consigne de ne pas trop ébruiter l’événement avant de prendre l’avion.

Source: 19 Octobre 2016

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