La revendication de l'assassinat de M.Kasdi Merbah par le groupe armé (El Djamaâ El Islamiya El-Moussalaha) annoncé par fax à partir de Paris à El Watan n'a pas cessé de soulever la polémique entre les islamistes mêmes.

Les membres de la commission politique et des relations extérieures du FIS dissous accusent dans un communiqué remis à l'AFP à Bonn (Allemagne), le gouvernement algérien d'être responsable de la mort de l'ancien premier ministre).
Les accusations émises publiquement par la famille du défunt et une partie de la classe politique vont à l'encontre du "syndicat du crime", soutenu, selon Mme Merbah, par l'ex-Président de la République, Chadli et l'ex-chef du gouvernement, Hamrouche.
Le communiqué remis par la commission du FIS dissous sous forme de démenti formel à l'implication des islamistes armés dans cet assassinat a provoqué une riposte du groupe islamique armé. Signé par la commission juridique, d'information et d'orientation politique de Constantine, le GIAA confirme par fax adressé au journal londonien El Hayat ses responsabilités dans l'attentat ayant coûté la vie à M. Kasdi Merbah, deux membres de sa famille (son fils et on frère) et à deux de ses collaborateurs (son chauffeur et son garde du corps).
Certains observateurs estiment que la guerre des communiqués à laquelle se livrent actuellement les islamistes n'est en fait qu'un brouillage de pistes, d'autant que le communiqué s'attribuant la parenté de l'attentat est à prendre avec beaucoup de précaution, son authenticité étant difficilement vérifiable.
Dans son second communiqué "le groupe islamique armé d'Algérie" rappelle qu'il "n'existe pas pas uniquement d'aujourd'hui, mais depuis de longues années pendant lesquelles il se préparait, dans la clandestinité, et qu'il est entré dans l'a lutte armée, il y a dix mois ( nov.1991 NDLR), plus précisément depuis l'affaire de Guemmar qui en est la première opération." Cette faction se revendique de la paternité de Mansouri Meliani qui , rappelle-t-on, a clairement avoué , lors du procès des "poseurs de bombes, qu'il était à l'origine de la création du groupe en juin 1991 après l'arrestation de Abassi et Benhadj, mais qu'il n'a pas eu suffisamment de temps pour organiser des réseaux à travers le pays. Les éléments du groupe ( sept éléments dont un émir) avaient été soit abattus , soit arrêtés , devait-il dire.
Les assassinat et les tentatives de meurtres sur des personnalités de renom et d'intellectuels , ont été jusque là revendiqués par le MIA ( Mouvement Islamique Armé) par l'intermédiaire des têtes pensantes de l'ex-FIS, en exil.
Mansouri Méliani ne partageait pas l'idée du Djihad telle que prônée par le MIA de Chebouti.
C'est pour la première fois que des membres de la commission du FIS sortent de leur réserve en réfutant catégoriquement le communiqué revendicatif de l'assassinat de M. kasdi Merbah.
De son côté, le GIAA critique violemment le communiqué de la commission du FiS ayant atterri à Bonn, El_Djamaâ El_Islamiya El-Moussala s'en prend " aux directions autoproclamées de l'extérieur" en leur reprochant de " se vanter dans le bien-être des États mécréants" tout en piétinant leur paternité de l'opération contre l'ex-Patron de la Sécurité militaire (SM).
Le GIAA s'en prend également au parti Ennahda et rejette " toute relation avec le groupe de Abdellah Djaballah qui a adopté la démocratie comme une voie d'action politique".
Les observateurs estiment que la critique ou la condamnation des mouvements islamistes par les groupes terroristes armés dans pareilles circonstances ne peut-être que de la poudre aux yeux. cette nouvelle stratégie de diversion s'apparente, selon certains, à une tentative, tout au plus, de rapprocher les partis considérés comme le soutient le plus significatif au FIS dissous et par ricochet, aux groupes terroristes. Une autre hypothèse selon laquelle l'accusation portée par la commission du FIS à l'endroit du régime actuel s'explique ^par le souci des islamistes en exil de préserver le peu de liberté d'action et de circulation qui leur reste en Europe. Le soutien accordé à l'Algérie dans la lutte antiterroriste par les pays européens et exprimé par des positions franches, surtout après la multitude de revendications d'attentats par le FIS dissous, les a contraints à resserrer l'étau sur les activités islamistes pour la préservation des "liens d'amitié" existant entre ces pays et l'Algérie.
En accusant le régime algérien d'être derrière l'assassinat du président du MAJD, on veut accréditer la thèse d'une manipulation dont les retombées seraient d'amener ces pays d'Europe et plus particulièrement l'Allemagne ou sont détenus Rabah Kebir et Oussama Madani, à se repositionner vis-à-vis des islamistes.
L'autre plausible hypothèse est que la revendication de l'assassinat de Kasdi Merbah par le GIAA peut répondre à un objectif certain, celui d'avoir réussi une opération très importante et d'un grand impact sur l'opinion algérienne.
Le mystère de l'assassinat de Kasdi Merbah ne cessera de susciter les hypothèses les plus controversées. Qui avait donc intérêt à liquider physiquement un homme venu en réconciliateur, en appelant tous les algériens sans exclusive à cesser le " combat fratricide.??.
En tout état de cause, les supputations qui animent le débat sur ce drame risquent de maintenir le flou, brouiller les pistes encore davantage en l'absence d'indices sérieux pouvant mener à l'arrestation des véritables commanditaires de ce crime.

In: L'Opinion no 340 du 30 Août 1993