Si la planète n’a plus aucun secret pour ce globe-trotter des séances photo et vidéo pour le monde de la mode, il caresse toujours le rêve de dévoiler et de faire connaître quelques beautés et mystères de l’Algérie, son pays d’origine.

Il y a quelques semaines, le Washington Square de New York, le point de départ de la célèbre 5e avenue, a été fermé au public et l’accès y était interdit. Il ne s’agissait ni d’une alerte ni d’une fermeture pour rénovation. Lyes Allouche, l’enfant terrible du quartier algérois de Bologhine, y dirigeait un shoot (une séance photo) pour le compte d’une grande enseigne canadienne de vêtements. Bien que n’étant pas photographe, sa fonction est primordiale pour toute séance de shoot : il est le directeur de production, l’équivalent d’un régisseur sur un plateau de tournage cinéma. Et ils ne sont que quatre à Montréal à exercer ce métier. «Nous ne sommes pas nombreux dans ce milieu», lance ce petit-fils du regretté champion de boxe en Algérie et en France, Mohamed Allouche. Entre deux shoots, dont le dernier au Maroc pour le compte de la revue internationale de design Plaza Magazine, nous avons rencontré Lyes Allouche. Une rencontre sur le boulevard Saint Laurent. La fameuse artère qui divisait Montréal en partie anglophone et une autre francophone. Le choix de l’endroit, consciemment ou inconsciemment, n’est pas fortuit.
Il lui a porté bonheur dès son arrivée, seul, à l’âge de 17 ans. Quand il a débarqué à Montréal, Lyes Allouche avait déjà parcouru l’Europe pendant deux ans. «J’étais attiré par l’ailleurs, comme tous les jeunes de mon âge», se rappelle ce monsieur 100 000 volts, qui n’a pas trop traîné dans la métropole canadienne avant de trouver ce qui s’est avéré être son chemin.

LIEN FILIAL AVEC L’ALGéRIE

Dès la première semaine, avec son entregent et sa débrouillardise, il s’est retrouvé invité à une soirée sur la chaîne Musique Plus (la MTV locale). A l’époque, Juliette Powell, Miss Canada 1989, animait une émission musicale, «Bouge de là !» La personnalité de cet enfant de Bab El Oued, sa culture musicale et son caractère impressionnent l’animatrice. Elle l’invitera à ses émissions. Les portes du showbiz s’ouvrent alors pour celui qui sait mieux que quiconque «d’où il vient». «J’ai toujours été en contact avec ma famille et avec mes origines, bien avant la création du Petit Maghreb sur la rue Jean Talon, qui n’avait pas les couleurs maghrébines comme maintenant. Je suis imprégné par mon éducation algérienne des années 80.» «Au fond, ce n’est pas l’origine qui détermine le respect qu’on accorde à une personne, mais ça va chercher plus dans la personnalité», affirme Lyes Allouche qui «doit» la sienne à son grand-père qui a joué le rôle de mentor dans sa vie. Ayant toujours voulu être à son compte, Lyes Allouche fonde sa propre boîte de communication. Il lance, en 1999, le magazine Montréal Shop. Un concept nouveau dans cette ville à l’époque. Un magazine 100% shopping. Il n’est pas allé par  trente-six chemins pour réaliser son projet. «J’ai pris le bottin téléphonique et j’ai appelé le meilleur cabinet d’avocats. Je les ai convaincus de devenir mes partenaires. Ils étaient emballés par mon idée», se rappelle ce directeur de production qui avait fait appel à un Algérien de Montréal pour s’occuper des tâches de bureau.

Lui, il s’occupait des contacts et du réseautage. N’ayant pas froid aux yeux, il fait appel, entre autres, à Virginie Coossa, qui animait une émission sur le design sur la chaîne Musique Plus. Elle accepte volontiers de s’occuper de la rubrique beauté. Convaincre les annonceurs n’a pas été très difficile. Le premier, se rappelle Lyes
Allouche, a été Boss. Ont suivi le centre de loisirs le Forum Pepsi et le complexe commercial Place Alexis Nihon. L’aventure de ce bimensuel a duré cinq ans. Cela lui a permis plusieurs distinctions, dont celle de la Fondation du maire de Montréal pour la jeunesse en 2002 pour l’excellence de son projet «qui participe au dynamisme de Montréal». Une grande entreprise québécoise de médias lui a proposé de racheter son magazine. «Je pensais en millions de dollars et cette compagnie me faisait une offre en milliers de dollars. Cela ne m’a pas intéressé», se remémore-t-il. 
La fin de l’aventure Montréal Shop verra la naissance de celle de 30 degrés productions spécialisée dans l’assistance à la production photos et films (gérance de production, recherche d’extérieurs et d’intérieurs, obtention de permis, directeurs artistiques, casting…).

MONTREAL SHOP

Il doit coordonner, de A et Z, la logistique d’une production au complet, se faisant approcher par le photographe, le directeur artistique, la marque qui annonce, les magazines… Comme rien ne se perd et que tout se transforme. Lyes Allouche n’a pas créé la nouvelle entreprise ex-Nihilo. Pendant qu’il essayait de convaincre les responsables de la place Alexis Nihon d’annoncer sur son magazine, ceux-ci lui demandent de réaliser tout le projet : conception de la pub, casting, photoshoot… La publicité devait aussi être sur plusieurs supports. Et ce fut son premier shoot comme directeur de production. Il ne s’est plus arrêté depuis. «Les cinq ans du magazine ont fait de moi ce que je suis actuellement.» Son travail lui fait parcourir la planète pour dénicher les endroits les plus intéressants qui répondraient aux exigences de ses clients les plus capricieux (les photographes en tête). Il n’a pas eu peur d’essayer de trouver une location pour séances photo au Cachemire (Inde) ou Rio de Janeiro (Brésil) pour l’un de ses clients exigeants. Ces dernières années, il a presque élu domicile au Maroc vu les facilités qu’offre ce pays pour son activité. S’il se targue d’avoir des firmes canadiennes (la maison Simons, Laura Canada,
Revlon, Mexx, Intimissimi…) parmi ses clients, il ambitionne de passer à une autre échelle, Worldwide (Gucci, Louis Vuitton…). Lyes Allouche rêve bien sûr de travailler sur des sites en Algérie, son pays d’origine. Il se dit prêt à ramener en Algérie les grands du milieu. L’impact médiatique de ce genre de campagne serait bénéfique pour la destination Algérie. «Imaginez que le magazine Plaza, qui diffuse dans 65 pays, prenne commande pour un shoot en Algérie. Cela place à l’international l’image du pays», soutient-il. Rien n’arrêtera, apparemment,  Lyes Allouche qui aime à répéter que «qui cherche trouve» et que «la volonté rend facile les chemins les plus difficiles.»

Sur internet : www.30degresproductions.com

Source: El Watan