Malgré la grève du métro de Montréal, ils étaient nombreux les Algériennes et Algériens venus assister à une conférence-débat sur la situation de la presse en Algérie animée par deux journalistes, l'auteur de ces lignes et Djamila Benhabib d'El Watan, présidée par Idir Sadou.

Y assistaient des représentants du ministère canadien de l'Immigration et de nombreux Canadiens amis de l'Algérie. Car ces Algériens ­p; près de 50 000 - vivent à Montréal et possèdent tous la citoyenneté canadienne après trois ans de séjour. Pour la plupart, ils se sont installés au Canada dans les années 1990 fuyant la menace islamiste. Tous ont des emplois. Ils sont cadres d'entreprise, fonctionnaires dans différents ministères canadiens, enseignants, chercheurs ou exerçant des professions libérales, quelques-uns sont journalistes à Radio Canada L'un d'eux, architecte, a réalisé l'une des tours du centre commercial et universitaire de McGuil de Montréal. C'est dire ! Ils sont parfaitement intégrés dans la société canadienne et prennent part au débat politique. Dans une région comme le Québec, trois fois la superficie de la France, de surcroît francophone, les Algériens sont naturellement sollicités par les différents partis politiques, notamment le Bloc québécois qui milite pour l'indépendance du Québec. « Dans un pays d'immigration comme le Canada, il ne faudra pas s'étonner dans un proche avenir de voir des élus d'origine algérienne. C'est le cas déjà de nombreux Canadiens d'origine asiatique ou originaires d'Amérique latine », fait observer un Algérien installé au Québec depuis la fin des années 1970. Cela étant, bien qu'à l'écoute du pays, les Algériens présents à cette conférence-débat ont du mal à se faire une idée exacte de la situation. Solidaires du combat des journalistes, ils le sont. Mais critiques tout de même envers une presse qu'ils trouvent quelque peu agressive dans le ton, voire irrévérencieuse envers le pouvoir politique ou encore que les journaux indépendants jouent la carte de Benflis contre Bouteflika. La présence du député FLN pour l'Amérique du Nord, partisan de M. Benflis, Mohamed Mounir, a sans doute été pour quelque chose. Ce natif de l'Ouest algérien a d'ailleurs profité de l'occasion pour manifester l'appui de son parti aux journaux indépendants. D'autres à l'instar d'Omar, originaire d'Oran, se sont inquiétés, à juste titre, que la presse ne dénonce pas ou n'alerte pas assez les lecteurs sur le danger du régionalisme véhiculé par la lutte autour du contrôle du FLN. Il y a ceux qui estiment que le combat pour la liberté d'expression est en train de s'essouffler et qu'il faut faire quelque chose. Enfin, beaucoup de questions ont été posées sur les lignes éditoriales des différents journaux ainsi que sur le mouvement citoyen. D'autres encore se sont montrés sceptiques quant à la manière dont sont relatés les évènements politiques. Curieusement, il n'y a eu aucune question se rapportant au « Qui tue qui ? ».
Il a fallu donc, avec l'aide précieuse de Djamila Benhabib, journaliste à El Watan, décrypter et expliquer le contexte répressif qui prévaut à l'égard de la presse indépendante en Algérie, rappeler qu'elle demeure le seul espace d'expression libre au pays et surtout faire un assez long développement sur les raisons qui conduisent le Pouvoir à tenter de bâillonner la liberté d'informer pour laquelle plus de 60 journalistes ont été assassinés par les islamistes. Nombre de lecteurs attentifs de la presse indépendante ont souhaité que les journaux fassent montre de plus de pédagogie dans leurs écrits afin d'aider à mieux voir les enjeux politiques et de faire plus d'efforts sur les sujets de société et de culture. « Que peut-on faire à partir du Canada pour aider les journaux en butte aux menaces du Pouvoir ? » a résumé un intervenant. Sur ce, une proposition a été émise afin de voir sous quelle forme la communauté algérienne du Canada doit manifester sa solidarité active avec le combat des journalistes. Comme le soulignait un intervenant, « si la presse est bâillonnée, si elle est interdite, on sera cette fois-ci totalement coupés du pays ».

Source: http://www.lematin-dz.net/quotidien/lire.php?ida=12661&idc=41&date_ins