La conduite énigmatique d’une enquête
L’homme de 33 ans croupit toujours dans le centre de détention de Vancouver (Canada) en attendant son extradition vers les Etats-Unis.
Samir Aït-Mohamed, qui fait face aux accusations de complot en vue de commettre un acte terroriste, complot pour l’accomplissement d’un soutien logistique, et fraude et falsification de documents en vue de soutenir le terrorisme international, a été inculpé officiellement le 29 octobre 2001 par le grand jury du District Court of New York. Mais le mystère dans le cas de ce ressortissant algérien arrêté bizarrement le 28 juillet 2001 au niveau d’un poste frontalier canado-américain (?!) puis remis aux autorités canadiennes (!?) reste entier. Le traitement de l’affaire de ce complice de Ressam, qui, non seulement, préféra rester au Canada 18 mois après l’arrestation de son ami mais, au moment où il décida de s’enfuir, choisit la frontière américaine (?!), s’effectue dans l’opacité et la discrétion la plus totale. Des sources concordantes parlent d’une manipulation opérée conjointement par le Service canadien du renseignement et de la sécurité et le FBI américain afin de trouver une issue à ce qui semble un grand scandale pouvant causer un préjudice aux séries d’enquêtes et de jugements faits à partir des informations livrées par Ressam.
En effet, c’est sur la base de témoignages sous serment que le terroriste algérien Ahmed Ressam (détenu à Seattle) a communiqué à Frederick Humphries, agent spécial du FBI, les détails de ses liens avec Samir Aït-Mohamed. Il (Ressam) prétend que son ami lui a proposé de poser une bombe dans un quartier juif de Montréal (Canada) et lui a donné les instructions nécessaires pour la conduite de l’opération visant l’aéroport de Los Angeles. Les allégations de Ressam vont jusqu’à imputer à Aït-Mohamed l’appartenance du pistolet automatique 9 mm trouvé lors de la perquisition effectuée par la police canadienne dans l’appartement de Ressam à Montréal. Ces «confessions», que beaucoup qualifient de règlement de compte entre deux malfaiteurs associés auparavant dans des activités de vol et de fraude, ont été suffisantes pour monter un dossier d’accusation américaine contre le prisonnier de Vancouver. Cependant, la situation était délicate pour le FBI car, en réalité, le ressortissant algérien est un informateur travaillant pour le compte du Service canadien du renseignement et de la sécurité. Le journaliste Mike Carter du Seattle Times a pu apprendre que cette personne a été recrutée par l’office du renseignement canadien avant son arrivée au Canada. Les autorités de cet organisme lui ont fait miroiter la citoyenneté canadienne et l’immunité contre toute poursuite criminelle dès le début de la prise de contact, entreprise d’ailleurs en juillet 1996. A cette date, les Canadiens ont trouvé un grand un intérêt pour comprendre l’activité terroriste en Europe et Samir Aït-Mohamed, par sa double qualité de bandit et de gangster islamiste, était l’élément parfait pour assurer la mission d’informateur. Le contrat fut donc signé en Allemagne, à un moment où le ressortissant algérien était dans une situation inconfortable. Cette situation s’est traduite par une série d’actes commis par M. Samir, ce qui l’a placé dans le collimateur de la justice. Or pour aller directement aux détails, une simple vérification électronique des communiqués de la police nous a permis de connaître qu’Aït-Mohamed est arrivé en Allemagne au début des années 90. La justice de ce pays a émis un mandat d’arrêt contre lui en 1993 suite à un vol à main armée ayant causé de graves blessures à deux personnes. Aït-Mohamed est accusé aussi par la police de Hambourg de plusieurs actes de vol et de trois agressions commises en 1994 et 1995. C’est un grand technicien en matière de falsification des documents de voyages. Samir est arrivé en Allemagne avec un faux passeport italien ; et lorsque les Allemands ont voulu l’extrader, il a falsifié un passeport hollandais pour aller en Finlande. En Finlande, il a été arrêté suite à un vol puis renvoyé en Allemagne où il présenta, sous un faux nom, une demande de réfugié politique en tant que militant du FIS persécuté par le gouvernement algérien. Mais la situation devient difficile pour lui et il utilise à nouveau un faux passeport français pour partir aux Pays-Bas. Après quelques jours, il retourne en Allemagne et décide de falsifier un autre passeport belge en complicité avec un agent secret canadien (NDLR), passeport qui lui permit d’atterrir à Montréal l’été de 1997. Ce ressortissant algérien pose actuellement un sérieux problème aux autorités canadiennes. Les tractations et les manipulations se multiplient en vue de conduire, dans la confusion et dans la diversion, le traitement de son dossier. En toute vraisemblance, Aït-Mohamed est en train de faire les frais de son refus de coopérer dans une affaire ne répondant pas à «ses convictions» car on a voulu le manipuler dans une opération visant à discréditer sa communauté. «Aït-Mohamed, islamiste qu’il fut, aurait refusé de cautionner une action et c’est pour cela qu’on l’a arrêté dans le secret total», dit-on du côté de ceux qui l’ont côtoyé. C’était quoi le projet de la discorde entre le SCRS canadien et son informateur ? On nous a répondu que c’est cette même action que les journaux infondés à Israël ont intitulé plus tard et en gros caractère «Méga bombe dans un quartier juif de Montréal», histoire reprise par certains quotidiens algériens. Tout ce montage nous pousse à dire que les prétextes présentés en ce moment pour justifier son incarcération prêtent réellement à équivoque car un petit retour en arrière permet de relever les incohérences suivantes : Ressam aurait prononcé le nom de Samir Aït-Mohamed pour la première fois, le 1er juillet 2001. Une curieuse dépêche du 5 juillet 2001, venant bizarrement de l’agence de presse canadienne, donne une information sur le témoignage de Ressam. Le 28 juillet 2001, Aït-Mohamed surgit du côté de la frontière américaine dans un poste inconnu mais c’est le 29 octobre 2001 qu’on annonce officiellement son arrestation. Pour savoir un peu plus sur l’affaire, il a fallu attendre le 29 novembre 2001 quand des journaux ont décidé d’attaquer le tribunal de Vancouver pour faire tomber une ordonnance «exceptionnelle» de non-publication. Que dire de tout ça ? Une petite rétrospective permet d’en tirer certaines indications. En décembre 1985, le vice-Premier ministre du Canada et le commissaire de la Gendarmerie royale de l’époque ont comploté pour monter un scénario purement semblable. L’acteur était un terroriste libyen. C’est cette nouvelle spécialité qui se répète aujourd’hui et que beaucoup d’auteurs dénomment «les dividendes positifs de l’acte terroriste».
Source: http://www.lanouvellerepublique.com/lire/?idc=1&ida=1250&date=20020630