«La France semble ne pas reconnaître la convention qui la lie à l’Algérie»

 


Comment expliquez-vous que la France puisse demander l’extradition d’une personne déjà jugée pour la même affaire ?

C’est la France qui a demandé à l’Algérie d’arrêter M. Bouarfa en 2008. A ce moment-là, la France a reconnu à l’Algérie la capacité de le poursuivre et de le juger. La France collabore avec l’Algérie et lui divulgue les preuves de 1993 et 1996. Puis, l’Algérie l’a libéré pour celle de 1993 (prescription) et l’a acquitté pour celle de 1996, jugée et l’a confirmé en appel.  Donc, il a été libéré de tout en Algérie. Il prend l’avion et vient à Montréal. Là, il a été arrêté à la demande de la France. Comme si la France ne reconnaît pas la convention qui la lie à l’Algérie. Comme si l’Algérie était un sous-fifre juridictionnel. Quand l’Algérie condamne, on est satisfait, mais quand elle acquitte, on ne donne pas de valeur à l’acquittement. On va aller le chercher dans un pays comme le Canada, où si le ministre de la Justice a une vision très étroite de la situation, il va se dire : «Moi j’ai un partenaire qui est la France. Elle me demande d’extrader ce monsieur, je n’ai pas à regarder quelles sont ses obligations envers l’Algérie.» Mais cela est une vision très étroite de la situation.

Pourquoi le Canada reconnaît-il le système juridique français et pas l’algérien ?

Parce qu’en matière d’extradition, ça fonctionne  en partenaires. Le traité qui existe est entre la France et le Canada. La France demande le monsieur qui a commis un événement en France. Avec sa vision très réduite, le ministre canadien dit ça n’a pas de sens comme situation, mais moi la France, mon partenaire en qui j’ai confiance, me demande M. Bouarfa, je le leur envoie, car je n’ai pas le droit de m’immiscer dans le droit interne de la France.

Que peut faire l’Algérie ?

L’Algérie devrait aussi intervenir auprès des autorités canadiennes. Elle pourrait aussi  demander à son partenaire (la France) de se désister de l’arrestation de M. Bouarfa et de reconnaître et de respecter son acquittement survenu en Algérie. Car autrement, la France ne reconnaît pas l’Algérie comme étant un partenaire juridique capable de juger. Dans les faits, la France est en train d’envoyer un message clair : l’Algérie est une République bananière. C’est unique dans les annales à ma connaissance.  Je suis sous le choc que l’Algérie ne prenne pas part à ce débat.

Source: El Watan - 10 juin 2012