L’École polytechnique de Montréal abrite depuis hier un colloque sur le rôle et l’importance de la formation et de la recherche dans le développement durable, dans une perspective d’un partenariat algéro-canadien. L’événement est organisé par l’Association de leaders et experts pour la coopération et le développement (Lecodev), un regroupement de chercheurs, d’experts et de scientifiques d’origine algérienne activant au Canada. Farid Bensebaâ, président de Lecodev et professeur associé au sein de la faculté des études environnementales de la York University de Toronto au Canada et chercheur à l’Institut de technologie des procédés chimiques et de l’environnement relevant du Centre national de recherches du Canada à Ottawa, nous parle de ce colloque.

 

Vous organisez à Montréal un colloque sur le développement durable dans une perspective de partenariat entre l’Algérie et le Canada. Avez-vous dégagé quelques domaines à potentiel de coopération entre les deux pays ?
L’ambassadeur d’Algérie au Canada ainsi que son homologue canadien en Algérie, accompagnés de plusieurs hauts responsables des deux pays vont se joindre à des chercheurs internationaux des universités canadiennes et algériennes, des responsables de l’industrie et du gouvernement pour discuter de nouvelles approches sur le changement climatique et le développement durable lors de ce forum. Il y a plusieurs projets en cours de discussion avec des universités, centres de recherche et entreprises.

Par exemple, un partenariat avec l’université de Béjaïa pour la formation des ingénieurs et chercheurs pour créer leurs propres start-up est en cours de discussion. Avec cette même université, il y a aussi un projet de création d’une chaire industrielle avec un de nos membres. Avec l’université de Tiaret, un projet de création d’un pôle technologique dans le photovoltaïque est déjà sur la table au niveau du ministère algérien de l’Energie. Lors de notre mission, en décembre dernier, un partenariat a été discuté pour aider Algérie Telecom dans son projet de création d’un centre de recherche, surtout sur les applications des Tic.

Cet événement est-il juste un lieu de réflexion, ou permet-il la concrétisation de partenariats entre les entreprises des deux pays ?
Les projets structurants qu’on propose impliquent la formation et la recherche dans le but du développement économique. Dans cette optique, un partenariat est en cours d’élaboration avec l’Alliance d’affaires algéro-canadienne (qui, d’ailleurs, sponsorise ce colloque). On a réalisé qu’on apporte une expertise complémentaire aux membres de l’alliance dans le but de renforcer la coopération entre les deux pays. Une réflexion doit être menée sur le fond pour non seulement se comprendre, mais aussi éviter les erreurs du passé. En effet, les compétences algériennes à l’étranger sont prêtes à contribuer à l’effort de modernisation du pays. Mais la question qui reste toujours sans réponse est de trouver comment. De toute façon, il n’y a pas de réponse unique. Car, cela doit être fait sur la base d’un projet et dépend de la composition des parties prenantes à ce projet.

On peut facilement imaginer un partenariat où le Canada vend une technologie ou une expertise à l’Algérie, avec, parfois, un transfert de technologie. Peut-on penser que l’inverse est possible ?
Il faut clarifier quelque chose : bien qu’on puisse acheter une technologie, cela revient souvent à acheter une licence ou un brevet. Par contre, le savoir-faire nécessaire pour exploiter cette technologie ne se vend pas. Cela prend du temps et surtout de la motivation de la part de l’acquéreur. Quoique difficile à monnayer, le savoir-faire a une meilleure plus-value que la technologie. D’ailleurs, la technologie peut être volée (une pratique plus répandue qu’on le pense, et ce ne sont pas juste les Asiatiques qui font ça) mais pas le savoir-faire. Pour le transfert du Sud vers le Nord (l’Algérie vers le Canada par exemple), je ne pense pas me tromper en disant que l’Algérie n’a aucun avantage technologique dans un domaine donné. Donc, les possibilités de transfert technologique sont presque nulles.

Par contre, il y a plusieurs poches de savoir-faire que l’Algérie n’a pas su exploiter. Savez-vous que l’Algérie a été le premier producteur de gaz naturel liquéfié. On rencontre et entend parler d’anciens experts de Sonatrach qui font le bonheur des compagnies pétrolières internationales. Présentement, une technologie de stockage de CO2 avant-gardiste est en train d’être testée dans le sud de l’Algérie. Une tendance aux aliments biologiques/organiques est en train de se propager dans le monde occidental. Presque toutes les fermes traditionnelles algériennes peuvent être certifiées bio. C’est ce que j’appelle naturellement bio. Malheureusement, elles sont en train de disparaître. Je suis sûr qu’il y a d’autres exemples.

Pour résumer, oui pour le savoir-faire, mais non pour la technologie. C’est normal : il faut d’abord maîtriser le savoir-faire des processus existants, avant de développer une nouvelle technologie qui va améliorer ou révolutionner le processus ou produit existant.

Au-delà de ce genre d’événement, que fait Lecodev le restant de l’année ?
Après notre lancement officiel, au mois d’octobre 2009, on a réalisé une mission de 10 jours la mi-décembre en Algérie. Pendant cette mission, on a fait des rencontres avec le ministère des Tic, l’université de Béjaïa, CNES, le Centre de recherche des technologies avancées ainsi que les groupes Algérie Telecom et Cevital. On était très contents des résultats de ces rencontres. Les besoins et les volontés sont bien là. Comme je l’ai dit en haut, la question qui trotte dans nos têtes est de savoir comment faire bouger les choses. A court terme, on compte finaliser la création de groupes de réflexion dans les huit domaines d’intérêt qu’on a identifiés. Ces groupes d’intérêt vont participer d’une façon active en Algérie et au Canada dans leurs domaines respectifs. Plusieurs événements à caractère technique et économique sont en cours de préparation avec nos partenaires.

 

Source: ElWatan - Edition du 6 mai 2010