Nouara, la diva de la chanson kabyle est arrivée à Montréal le 22 mai 2012 accompagnée par Salem Kerrouche, musicien et chef d’orchestre talentueux. L’objectif de sa visite au Québec dans le cadre de la quatrième édition du festival culturel nord-africain est de rendre hommage à Chérif Kheddam décédé le mois de janvier 2012. La nouvelle a fait le tour de l’Amérique du Nord. Tous ses fans se bousculaient pour la voir et lui parler bien avant son spectacle. Aussi, tous ses fans ont exprimé le bonheur de la revoir sur scène, même si certains et certaines ont affiché leur déception de la voir voilée. Encore une controverse…

La Kabyle d’Alger, fille de la Casbah

Il n’est pas donné à n’importe qui de faire vibrer une culture, un peuple, une mémoire collective. Ce luxe est, on ne peut plus, réservé aux artistes talentueux et engagés. Ces deux critères sont indissociables, car le talent sans conviction ou valeurs désintéressées n’emmènerait pas très loin l’artiste concerné. Et l’engagement sans compétence voire sans professionnalisme pourrait plus nuire que servir une cause ou une civilisation opprimée. C’est dans ce schéma qu’on pourrait situer Nouara, la diva de la chanson kabyle. Elle est adorée par tous les siens. Elle est même  placée sur un piédestal par plusieurs générations de Kabyles et même par d’autres Algériens qui lui vouent une admiration sans borne. Nouara est à la fois imposante par sa voix limpide et intense et effacée par sa modestie, son humanisme et sa générosité de l’âme. Une âme peuplée d’espoir, de couleurs d’amour  pour son pays et pour la vie.


Nouara n’est pas seulement une femme artiste, mais un symbole qui a porté une langue, une culture et tout un mode de vie de la Kabylie. Ceux et celles qui ne la connaissent pas penseraient sûrement qu’elle est né au cœur de la Kabylie tellement elle interprétait des textes de poètes de renom avec une précision linguistique incroyable. Et pourtant, cette femme est née à la Casbah d’Alger qui a également connu un autre monstre de la chanson algérienne El Anka. Ce dernier n’est pas seulement de sa famille artistique, mais il est aussi un parent très proche de notre diva. Nouara a donc porté dans son cœur, sa voix et sa tête les échos et les cris des montagnes du Djurdjura. Acewwig ( prélude) , Tamurt ( pays), Taghmat ( fraternité), tirrugza ( valeurs), Tarwa ( progéniture) , Tayri ( l’amour), Tudert (la vie), Tidukla ( l’union), Tayemmett ( la mère), tamettut (la femme) sont  parmi les thèmes sacrés que notre artiste a interprétés  avec  brio.

Étant absente pendant quelques années, son public ne faisait qu’écouter et réécouter ses chants et savourer sa superbe voix parfois au quotidien dans les quatre coins du monde où  vivent les Kabyles. Mieux que cela, même les non-kabyles la découvrent et s’attèlent à transcrire certaines de ses chansons,  sollicitent leur traduction, les apprennent  par cœur et se mettent à les chanter. Hadjira Preure, artiste-peintre et épouse du grand artiste-peintre Ali Kichou, fait partie de ces Algériens arabophones qui subliment Nouara.

Le voile de la controverse

Décidemment, l’actualité kabyle et algérienne est saturée par le  cycle ‘’Action-Réaction’’. Encore une fois, l’artiste se retrouve dans des situations où il doit s’expliquer devant ses fans. Nouara, la fierté des Kabyle a désarçonné certains de ses fans en sortant de sa retraite avec un voile sur la tête. Encore une fois, la question des choix individuels est mise à une rude épreuve. A-t-on le droit de dicter à un individu une façon de gérer sa vie et ses apparences? Il est évident que dans une vraie culture démocratique, la réponse serait non. Cependant, il y a beaucoup de personnes qui sont déçues par le voile de Nouara. Insistant sur le fait de ne pas remettre en cause les convictions religieuses de la chanteuse, ils trouvent que ce voile importé ne représente aucunement la culture berbère. Ils souhaiteraient du fond de leur âme meurtrie qu’elle se couvre la tête, si tel est son choix, par un foulard kabyle, berbère qui est le miroir de leur identité. Un foulard plein de vie qui a été porté par leurs grands-mères à travers les siècles sous le ciel bleu de la Méditerranée.  Nouara est musulmane, c’est un fait. Elle est surtout kabyle et algérienne. De plus, en discutant avec elle, on découvre une femme libérale, très moderne dans sa perception de la vie et très féministe. La question du statut de la femme et de son émancipation par l’éducation la préoccupe bigrement. Au dessus de tout cela, Nouara est la diva, le symbole de la Kabylie. Donc, ce qu’elle a dans le la tête et dans le cœur devrait être reflété sur sa tête dans l’espace public. Matoub, Mammeri, Tahar Djaout et tous ceux et celles qui ont lutté pour la langue et l’identité amazighes en seront fiers et rassurés, car leur combat et leurs sacrifices ne sont et ne seront jamais vains.

À toi de jouer chère Nouara, rose de Kabylie, épanouie au cœur d’Alger.