Mondovi, naissance d’Albert Camus
Belcourt, quartier populaire d’Alger, 1913 : enfance d’Albert Camus
Vers Paris, route nationale, 4 janvier 1960 : décès tragique d’un écrivain et philosophe, d’un homme.

En ces temps de commémorations, nombres d’articles, de témoignages et de livres viennent rappeler la fin tragique d’Albert Camus et résume parfois très vite cet homme de lettres à une phrase restée célèbre dans un contexte particulier : le choix entre la justice et sa mère, où il optait pour sa mère. La Guerre d’Algérie ne doit pas résumer Albert Camus.

Enfant de Belcourt, il est homme de son temps, remarqué par son instituteur, il gravira les échelons de la méritocratie républicaine (qui a laissé de côté un grand nombre d’enfants Algériens sur le bord de la route) mais gardera toute sa vie un attachement profond à sa terre natale. Il est issu d’un milieu populaire, son père mort à la guerre, il sera élevé par une mère analphabète d’origine espagnole qui faisait des ménages pour les plus fortunés. Plus tard, Prix Nobel de Littérature en 1957, il dédiera ses livres à sa mère.

Mais pour l’Algérie Albert Camus est bien plus qu’un philosophe reconnu, il est enfant de cette terre. A savoir s’il faut le qualifier d’écrivain algérien, d’écrivain français d’Algérie ou autres subtiles appellations, je ne sais mais il est sans aucun doute écrivain de la terre algérienne…

On l’accuse souvent dans ses œuvres littéraires de n’avoir jamais offert une place importante mais toujours furtive et faite d’ombres à la population algérienne musulmane, cela est vrai. Il a écrit ce qu’il connaissait et ce qu’il ressentait mais son œuvre de journaliste témoigne de sa lucidité quand à l’injustice du système colonial.

Après l’obtention du baccalauréat, il se destine à la philosophie mais la tuberculose vient contrecarrer ses rêves d’agrégation. Il deviendra journaliste, notamment à Alger Républicain. En 1939, il est envoyé en Kabylie pour un reportage de grandes ampleurs.  Il attaque de front ce système, démontre ses injustices, ses dangers et les dramatiques réalités qu’il entraîne. Ses mots sont sans équivoque pour condamner cette colonisation. Son reportage à Alger Républicain intitulé Misère en Kabylie en 1939 ne cache rien de la famine dans laquelle survivent ces populations. Il dénonce les pratiques d’un autre âge qui réduise les gens à manger des racines. Il dénonce la faiblesse des salaires, mais aussi la durée légale doublée d’une journée de travail qui entraînent un chômage catastrophique. Les aléas climatiques dit il ne sont pas responsables de tout… il est intolérable pour lui de laisser ces populations dans la misère. Il dénonce également la spéculation sur le blé et l’insuffisance de la distribution. Camus décrit les enfants qu’il croise dans ses reportages et souligne l’extrême pauvreté dans laquelle ils sont obligés de vivre.

« Il est méprisable de dire que le peuple kabyle s’adapte à la misère. Il est méprisable de dire que ce peuple n’a pas les mêmes besoins que nous... Il est curieux de voir comment les qualités d’un peuple peuvent servir à justifier l’abaissement où on le tient et comment la frugalité proverbiale du paysan kabyle est appelée à justifier la faim qui le ronge”, »(Alger Républicain Reportages d’Albert Camus 5-15 juin 1939.).

Durant la Seconde Guerre Mondiale il va s’engager dans la Résistance et rejoindre la France. Il n’en oublie pas pour autant sa terre natale et dès 1945 il écrit dans Combat plusieurs articles sous le titre Crise en Algérie. Il y dénonce - les abus du colonialisme ; le mensonge répété de l'assimilation toujours proposée, jamais réalisée ; l'injustice évidente de la répartition agraire et de la distribution du revenu ; la souffrance psychologique et le sentiment d'humiliation de la population musulmane. Ainsi durant tout le moi de mais 1945, il met en lumière l’injustice mas aussi la famine qui règne sur sa terre natale. Le 23 mai son article est titré «  C’est la justice qui sauvera l’Algérie de la haine ». Il avait écrit auparavant le 23 mai 1945 : « Les Arabes demandent pour l’Algérie une constitution et un parlement ».

Il dénonce également le peu d’intérêt que portent les Français métropolitains au sort de l’Algérie et de l’ensemble de sa population musulmans aussi bien que pieds-noirs dans un article du 15 juin 1945 « Un moment secouée, l'opinion française se détourne des affaires d'Algérie ». Mais Albert Camus n’est pas écouté. Homme de paix, il avait un rêve pour la terre d’Algérie à laquelle il appartient.

Marion Camarasa - Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Il est trés utile de lire ou relire ces articles d’Albert Camus qu’il avait rassemblés sous le titre d’Actuelles III Chroniques Algériennes. Ils sont réédités au format de poche chez Gallimard.

 

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