Le dernier quart de l’an 2008 et l’année 2009, flèches et fléchettes n’arrêtaient pas de me viser tout azimut.  L’ère 2010 apparaît plus féroce à tout jamais.

Ma mère est d’origine Kabyle ou comme on l’appelait dans le jargon de l’oranie, Zouaouia.  Elle est née dans le petit village de Tizi Mali.  C’est à l’intérieur des champs et loin de l’autoroute nationale 26, entre Akbou et Aïn Zebda.  Elle comprend l’arabe mais elle ne le parle pas.  À son âge, 70 ans, elle a pris la peine de s’inscrire, comme ses consœurs et voisines, aux cours d’alphabétisation.  Ses résultats n’étaient pas aussi rose.  La sympathique professeure lui a exigé de ramener son tuteur afin de discuter son problème de concentration.  Très vite, mon grand oncle, son frère ainé, s’est dépêché sur les lieux pour comprendre la situation et veiller, surtout, à ne pas lui prescrire du Ritalin.

La dernière fois, aux funérailles de mon père, elle a essayé de parler arabe afin d’exprimer et montrer son chagrin à l’assistance.  Elle pleurait en psalmodiant un chantre désolant et lamentant l’affliction et le chagrin.  Le monde autour  d’elle, a viré fou de rire.  Elle disait n’importe quoi.

Ma grand-mère paternelle, une sahraouie, native de Abadela dans la grande région de Béchar, incitant mon grand-père, à l’appeler, bent sahra ya mehlaha,  ‘la fille du Sahara oh, la savoureuse’.  Avec une détermination absolue et un cri autoritaire, la fille d’Abadela a intervenu pour l’arrêter et donner une nature de tristesse aux obsèques.  Ma mère, tout de suite a switché (commuté en bon français) ses pleurs arabes vers sa langue maternelle en ignorant l’incompréhension de l’assistance.

Mon père.  Mon pauvre brave père.  Natif de F’Kirina, un petit village entre Aïn Beïda et Khenchela à l’ouest de la route nationale 80.  Plus Chaoui que lui, il y en a pas.  Dehors, comme à la maison, il était comme Gilbert de Mortier de Lafayette.  Un monde et deux visages.  Quand il voulait quelque chose de ma mère, elle était souvent pour lui, sa chérie la braves Zouaouia el-fehla.  Généralement, comme dans la majorité des foyers algériens, la pauvre madame était à 80% du temps, la maudite zouaouia.

Mes parents, dans la majorité du temps ne se parlaient pas.  Le principe du boycotte est de rigueur.  Le je m’en foutisme est la devise qui régnait.  Tegdi la bghate techaâl.

Pour ma part, j’ai une couleur de peau café crème bien noir.  Elle est adorable quand on est blanc avec un complexe d’infériorité de couleur pâle.  Elle est renoncée  quand elle représente la misère, la délinquance, la culpabilité et le fautif. 

Elle est l’emblème de l’oranité.  Tous les oranais sont smora, zorguines ou des bruns.  Suis-je un brun ou un billet de cent dollars?

Qui sui-je?  Probablement, je suis le nègre nord africain qui a été arabisé par l’islam.  Alors je suis l’arabe nègre.  Je suis l’asmar yasmarani.  Je préfère lazreg mon amour, car ça fais appel à l’homme bleu des Touaregs.  Le guerrier redoutable et infatigable.

Je suis un Touareg de fabrication sous licence.  Un homme d’origine africaine.  Le fils du désert et non pas de Maraval.  Mon père est chaoui et ma mère est kbaïliya.  Que vient-il faire José Maraval dans mon décor?

Mon père m’appelait ainsi.  Il avait comme coutume d’appeler mes frères et sœurs par leur lieu de naissance.  Ma grande sœur avait le pseudo de Bente l’Indochine.  En participant avec la France au conflit de Dien Bien Phu, le destin a fait que ma mère accoucha une merveilleuse fille en 1954.  On se demande pourquoi elle n’a pas les yeux bridés?  Et pourtant, le riz, elle en mange jusqu’à en shooter les veines.  

Encore une autre fois, pour sa seconde fille, le gentilé de Bente el Viêt-Nam fait son apparition en 1959.  En plein guerre, la Cigogne apporte à ma mère la naissance de Zohra à l’hôpital de Hanoï.  Elle est pharmacienne et son mari, monsieur Nguyen, musulman circoncis, a un dépanneur à Shawinigan.  Au moins, elle n’est pas sortie de la ligne directrice du modèle vietnamien du Québec.

Je suis un nègre quadrilingue.  Je ne flotte pas sur l’eau et je ne patine pas bien non plus, sur la glace des arénas.  Couramment, je parle l’algérien (arabmazigh), le marocain, le tunisien et le franc-maghrébin.

Je ne suis pas beau ni photogénique.  Je déteste la beauté à la manière de Bouba de Dany Laferrière.  Pour me marier, j’ai opté pour la plus laide des laides.  Malgré qu’elle soit scandinave, l’ange de la laideur et de l’imperfection n’a pas eu froid aux yeux de visiter les entrailles de sa mère pendant la conception.  De toute façon, je l’aime à la folie.  Je vis une paix des braves quand je me promène avec elle.  Personne n’ose à la regarder ou lui faire les yeux doux.  Je n’ai même pas besoin de me bagarrer.

Pourquoi, je suis un nègre?  Pourquoi ma langue n’est pas maternelle?  Pourquoi la nuit est toujours noire?  Le jour, à vrai dire, il fait toujours clair?  Bon sang, quand je suis content, fâché ou nerveux ma couleur est toujours noire!  Mon père, ma mère ou ma scandinave, dans tous les états, le profil du caméléon, il apparait en s’exhortant.



Houari Weldmaraval - Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.