Je l’ai cherché depuis des mois.  Je me demandais où, a-t-il s’est bien caché.  Cela faisait un bail que je ne l’ai vu.  Et pourtant, il est du type, à se trouver toujours là où il y a de l’action.  Même là où on ne l’attend pas!

Finalement, je l’ai trouvé.  À vrai dire, je l’ai croisé par hasard.  Tout un hasard.  En le reconnaissant, il aurait dû se faufiler pour ne pas, le voir dans son état.  À mon grand étonnement, cette fois, il n’était pas dans son assiette.  C’est un malpeigné. Cheveux énormes, barbe de couleur sel et poivre, non rasée et une odeur nauséabonde à vomir des cordes.  On dirait qu’il n’a pas touché l’eau depuis bien lurette.

Il m’a demandé quel bon vent m’a amené à Causapscal.  Explication naïve; juste un autre chemin à travers la vallée de la Matapédia, en vue de boucler la boucle.  On ne dit pas que, Tout chemin mène à Rome?   À moins que jamais homme ni cheval n'amenda d'aller à Rome?

Je n’ai pas hésité une seconde à l’inviter au Café.  Mais ce dernier a pris la tournure d’un diner.  Beaucoup de temps, énormément d’explication.  Il s’est fondu en pleur.  Je l’ai compris.  À sa place je me graffigne les joues.  Il a foui le bled de Montréal.  Il a choisi l’exil de l’exil.  D’après ses mots, il s’est suicidé Hallal.

Il m’a parlé de l’époque de Steinberg, de Woolco et d’Héritage.  L’ère de la pizza chez McDo et même, Automne octobre à Alger au Cinéplex Odéon du complexe Desjardins.

J’ai cru bon que les fuses (fusibles) du gars ont pété ou alors j’assiste à un cas de divagation, d’hallucination ou de psychose quoi?  Les explications n’ont pas tardé à venir.

Il parlait de deux époques, tantôt, d’une nostalgique et tantôt d’une névralgique.  Il m’a remémoré Fidèle Algérie en daubant La Caravane du Maghreb.  Il a évoqué Montréal Labess en glosant et tympanisant Taxi Maghreb.  Il a louangé Salim, Nacer et Kader en me déclarant qu’en aucun-cas L’Ami ne Fourra ses compatriotes.

Il a abordé les sujets de l’heure, du militantisme, de la générosité de l’implication communautaire, du bénévolat en me citant [Ainsi, quoi qu'ordonne le sort, Au châtel enchanté vers six heures je vole ; Et vous m'aurez, vif ou mort, Pour spectateur bénévole].

Vraiment, j’ai appris des leçons.  Il ne manquait que le tableau et la craie.  Je m’imaginais dans un cours magistral à l’université de Guelph ou dans le cadre du camp d’été de l’université Concordia pour le développement communautaire.  Il a le flair de l’enseignement, l’art de communiquer, devrais-je dire.  C’est dommage cette perte phénoménale.

Il m’a fait rire énormément.  Une liaison extraordinaire entre l’avènement de la communauté et le Bug (Bogue) de l’an 2000.  D’après lui, le monde s’est bien préparé technologiquement à l’arrivée de ce problème technique de disfonctionnement.  Toutefois, le pire est arrivé d’ailleurs.  Il m’a fait remarquer qu’il y avait un autre Bug, ce n’était ni informatique ni technologique, bien au contraire, un pire Bug générationnel.

Ce Bug a contaminé mon Québec, me disait-il.  Ce Bug est un virus.  Ce kyste est apparu en 1999, à la veille du nouveau millénaire.  Maintenant, on peut dire que mon Québec est Bogué.  Mon Québec ne goûte plus le sirop d’érable, ni la vraie tourtière du Lac, ni la Molson Ex ou Labatt 50.  Mon Québec goûte l’égoïsme, le narcissisme, l’introversion, l’individualisme, l’insensibilité et l’indifférence.

Encore une fois, il s’est replongé dans les larmes.  Sa pomme d’Adam se balançait dans sa gorge et je l’observais comme c’était un ascenseur panoramique.

Je ne pouvais guère le réconforter.  J’avais envie de l’accompagner et faire comme nos femmes aux obsèques qui parviennent au comble de leurs malheurs en versant des larmes pour éviter la honte de ne pas pleurer le mort mais en secret,  elles psalmodient le chantre désolé lamentant l’affliction et le chagrin qu’il les dévore.

Il y a assez d'injustice dans le procédé des hommes, assez d'inégalités et de bizarreries dans leurs humeurs incommodes et contrariantes. [BOSSUET, Oraisons funèbres]

C’est bizarre, étonnamment drôle.  Quand j’ai pris le volant de ma M5, la radio diffusait la chanson du feu Dédé Fortin des Colocs, Tassez vous de d’là.

Tassez-vous de d'là y faut que j'voye mon chum
Ça fait longtemps que j'l'ai pas vu
Y'était parti y'était pas là
La dernière fois que j'y ai parlé
Son cœur était mal amoché
Sa tête était dans un étau y'était pas beau

Y avait d'la coke dans 'es yeux
Y avait d'l'héro dans l'sang
Y avait tout son corps qui penchait par en avant
Y avait envie d'vomir
Y avait envie d'mourir
Qu'est-ce qu'on fait dans ce temps là
Moi j'avais l'goût d'm'enfuir

Je l'ai laissé tout seul au bord de la catastrophe
Pardonne-moé, pardonne-moé
J'ai pas voulu, j'ai pas voulu
Pas voulu t'abandonner dans le moment le plus rough
Je suis le lâche des lâches pas le tough des tough

Balma balma sama wadji
Khadjalama yonwi
Djeguelma djeguelma sama
Wadji khadjalama yonwi

Moé j'fais mon chemin dans la foule
En espérant qu'une chose c'est voir ton visage
Et de t'entendre crier:
J'en ai plein mon casse mais c'pas encore l'overdose
Aidez-moé, aidez-moé

Moé j'fais mon chemin dans la foule
En espérant qu'une chose c'est voir ton visage
Et de t'entendre crier
Avec ta voix immense et ton cœur qui explose
Aidez-moé, aidez-moé

Moé j'fais mon chemin dans la foule
En espérant qu'une chose c'est voir ton visage
Et de t'entendre crier:
J'en ai plein mon casse mais c'pas encore l'overdose
Aidez-moé, aidez-moé

Balma balma sama wadji
Khadjalama yonwi
Djeguelma djeguelma sama
Wadji khadjalama yonwi

Ma woloula Dédé woloula
Mike woloula yow mi waniw

 

Houari Weldmaraval - Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.