Ce n’était pas la simple «présence» d’une étudiante voilée sur le site de HEC Montréal que dénonçait Jean-François Lisée dans un tweet relayé par les médias, mais bien le fait que l’institution ait choisi de réaliser cette photo et de la publier pour recruter des candidates en Algérie.  

En réponse à Lisée, une chroniqueuse de La Presse interpelle la jeune femme de la photo et lui donne la parole en la transformant en arbitre d’un débat qui n’a rien à voir avec le fait qu’elle a personnellement choisi d’adopter un code vestimentaire religieux. D’aucune manière le nom de cette jeune femme qui apparaît sur la photo publicitaire, ni même son statut, ne sont révélés sur le site de HEC Montréal. Quand une université demande à une personne de figurer sur son site à des fins de recrutement, c’est son image qui l’intéresse, non pas sa personne ou ses idées. Aussi prend-elle la peine de l’anonymiser. Il ne s’agit pas, en effet, de porter un jugement sur l’apparence que se donne une personne en particulier, encore moins d’en faire la porte-parole de l’institution.  

Pourquoi une chroniqueuse s’autorise-t-elle à plonger une simple figurante dans la mêlée? Et qu’en est-il de l’éthique de HEC qui, vraisemblablement, a transmis les coordonnées de l’étudiante aux médias?  

La manière dont l’institution a réagi à la polémique est éloquente. Par la voix de sa responsable des relations avec les médias, HEC a fait valoir que son site reflète sa population étudiante et que sa page d’accueil n’est pas une publicité, puisqu’elle change toutes les deux semaines (voir Rima Elkouri, La Presse, 10 août). Or la photo dont il est question accompagne bel et bien une annonce de recrutement d’étudiantes en provenance d’Algérie, ce qui constitue une publicité institutionnelle qui, comme chacun sait, a sa durée d’exposition. Pourquoi le nier? Dans un courriel adressé à une journaliste du Devoir [10 août], la représentante de HEC évoquait encore la possibilité pour tous les membres de sa communauté étudiante d’être «mis en valeur» sur ses plateformes.  

Refléter, mettre en valeur sa population étudiante? S’agissant de recruter en Algérie, un pays où le hijab s’est imposé aux femmes de manière violente et où de nombreuses jeunes femmes souffrent encore de la pression qui leur est faite pour le porter, n’aurait-il pas été plus judicieux – et moins tendancieux – d’inclure deux figures sur la photo promotionnelle, l’une voilée cherchant à rejoindre celles qui le portent volontairement ou non, et celles qui refusent de le porter? Pourquoi HEC met-elle en valeur le choix des unes au détriment du choix des autres? Et en favorisant de surcroît le seul choix qui, «à l’international» (comme le dit la publicité), est devenu un instrument de discrimination et d’exclusion d’une majorité de femmes? Réalise-t-on qu’il ne manquera pas d’apparaître aux yeux des Algériennes ou de candidates musulmanes que, loin de s’ouvrir à la diversité et à l’équité, HEC a plutôt fait son choix? 

https://www.journaldemontreal.com/2022/08/12/hec-montreal-et-les-etudiantes-algeriennes