M. Youcef Bendada a porté plainte contre le journaliste M. Lamine Foura et la direction de la radio CINQ FM Radio Centre-Ville. Il a reproché au journaliste d’avoir laissé, par un auditeur, proférer des propos injurieux, faux et diffamatoires à son encontre durant l’émission « Montréal Labass » du 26 juillet 2008.

Source: http://www.conseildepresse.qc.ca/index.php?option=com_content&task=blogcategory&id=33&Itemid=155&lang=fr&did=1662&limitstart=0



Décision
D2008-09-009
Décision
2009-03-06
Décision
M. Youcef Bendada
Décision
M. Lamine Foura, journaliste; M. Evan Kapetanakis, direction générale; l’émission « Montréal Labass » et la radio CINQ FM Radio Centre-Ville
Décision
M. Youcef Bendada porte plainte contre le journaliste M. Lamine Foura et la direction de la radio CINQ FM Radio Centre-Ville. Il reproche au journaliste d’avoir laissé, par un auditeur, proférer des propos injurieux, faux et diffamatoires à son encontre durant l’émission « Montréal Labass » du 26 juillet 2008. Le plaignant met en cause la responsabilité du journaliste lors de la tribune téléphonique et son manque d’animation. Ensuite, il l’accuse de conflit d’intérêts et de ne pas lui avoir accordé un droit de réplique satisfaisant.
Décision
Le plaignant reproche à l’animateur de l’émission radiophonique « Montréal Labass », d’avoir laissé s’exprimer un auditeur aux propos diffamatoires lors d’une tribune téléphonique, le 26 juillet 2008. Il accuse aussi l’animateur d’être en conflit d’intérêts et de favoriser, en ondes, un discours partial. Enfin, il regrette que la direction de la radio ne lui ait pas accordé un droit de réplique à l’antenne, dans les jours suivant l’émission en cause.

Le plaignant reproche, en premier lieu, à l’animateur radio, d’avoir encouragé un auditeur dont les propos étaient « diffamants, faux et incomplets ». L’intervention de cet auditeur visait, de manière explicite, le plaignant et proférait à son endroit de « graves accusations de vol et de détournement ». Le plaignant reproche donc au mis-en-cause de ne pas avoir cherché à tempérer l’auditeur, ni lui avoir demandé si ses propos étaient vérifiés et véridiques. Le plaignant estime que ces interventions ont porté atteinte à sa réputation et que l’animateur se devait de modérer les propos de l’auditeur qui tenaient davantage du « sensationnalisme et de l’information spectacle ». Il reproche à l’animateur d’avoir justifié son attitude en invoquant la liberté d’expression des auditeurs.

Le plaignant accuse aussi l’animateur de partialité en laissant l’auditeur, qui se présente comme un représentant d’un parti politique, le FLN Canada, s’exprimer sur les ondes et proférer des propos à l’encontre de certaines personnes, dont le plaignant lui-même. Dès lors, il lui reproche de manquer de distance critique en répondant à un autre auditeur mécontent des interventions régulières de ce représentant politique, que c’était le jeu de la liberté d’expression qui prévalait lors de son émission.

Or, selon le plaignant, cette partialité s’expliquerait par le conflit d’intérêts que vivrait l’animateur. En effet, il accuse le mis-en-cause d’abuser de sa fonction d’animateur et d’avoir « recours à des subterfuges pour faire passer son point de vue et ses intérêts personnels pour se venger de ses adversaires politiques ». Le plaignant explique alors que l’animateur était candidat aux dernières élections législatives, mais n’a pas été élu député. Il ajoute que M. Foura n’aurait pas contredit les propos dits à son encontre, car le premier n’a pas soutenu le second lors des élections de mai 2007.

Enfin, le plaignant reproche à la direction de la radio de ne pas lui avoir consenti de droit de réplique, ni même d’avoir répondu à sa plainte en date du 2 septembre 2008.
Décision
Commentaires de M. Lamine Foura, journaliste et animateur :

M. Lamine Foura considère, en premier lieu, que le plaignant fait un procès d’intention, émet des jugements de valeur et des attaques diffamatoires à son endroit.

Ensuite, le mis-en-cause justifie son absence d’intervention face aux propos de l’auditeur Rachid Della. Le fait que l’auditeur se soit présenté et nommé dédouanerait le journaliste- animateur de toute responsabilité envers les propos tenus, d’autant qu’il aurait précisé : « je ne veux pas que mon émission se transforme en un espace d’attaques personnelles ».

Le mis-en-cause n’interprète pas les propos de l’auditeur comme des accusations envers le plaignant et ne juge pas qu’ils dépassent les limites de la critique d’un acteur public au sein de la communauté.

Le mis-en-cause rappelle qu’il a bien dit, à l’antenne, que son émission prônait la libre expression des auditeurs mais, selon lui, c’était en réponse à un auditeur qui contestait que M. Rachid Della intervienne en tant que représentant politique du FLN Canada.

Enfin, le mis-en-cause précise que le plaignant n’a jamais pris contact avec lui, mais seulement avec la direction auprès de qui il a envoyé « une lettre diffamatoire en affirmant que durant toutes les émissions du 7 juin au 26 juillet 2008, une dizaine de personnes étaient attaquées par des auditeurs avec [sa] complicité ».

Le mis-en-cause est tout de même prêt à donner un droit de réponse au plaignant, mais sous la condition que ce dernier retire les accusations de complicité qu’il avance.


Commentaires de M. Evan Kapetanakis, directeur général :

Le directeur général précise que les propos « offensants » envers le plaignant sont émis par un auditeur et non par le journaliste. Pour autant, il avoue que ce dernier « a peut-être erré en laissant parler cet auditeur aussi longtemps », mais qu’il croyait qu’en s’identifiant clairement, il assumait entièrement la responsabilité de ses propos.

La direction pense que l’auditeur et le plaignant se connaissent, contrairement aux dires de ce dernier, et que le premier était même, à un moment donné, le collaborateur du deuxième. La direction explique ensuite que les deux personnes se seraient brouillées après la campagne électorale du printemps 2007. Désormais, elles agiraient dans des factions différentes au sein du même parti. Pour la direction, ces éclaircissements expliquent la plainte à l’encontre de la radio qui viserait davantage l’auditeur.

Selon la direction, dans l’émission en cause, aucune preuve n’appuie l’accusation de conflit d’intérêts du plaignant. L’animateur, lui-même candidat lors des élections de 2007, se serait tenu à distance de ce débat tout au long de la campagne électorale et même pendant les douze mois qui ont suivi.

La direction rappelle la politique de la radio qui est de promouvoir la libre expression et de garantir que les débats puissent se faire dans un esprit sain. Elle avoue que, dans ce cas, une des parties n’a pas pu s’exprimer. Dès lors, la direction propose, pour être « juste et équitable », de donner au plaignant du temps équivalent, lors de l’émission « Montréal Labass » pour rétablir les faits et donner sa version.

Finalement, la direction rappelle l’histoire de la radio et ses objectifs, dont celui de favoriser les débats entre les différents courants et de mettre au service des communautés les ondes de la radio, afin de prendre la parole et de s’exprimer librement.
Décision
Au journaliste, M. Lamine Foura :

Le plaignant assure que l’auditeur Rachid Della est intervenu lors de l’émission du 26 juillet 2008 à plusieurs reprises, cinq exactement, où il alternerait entre une intervention en arabe et d’autres en français. Il affirme plus loin que, depuis le 31 mai 2008, M. Della est intervenu à toutes les émissions animées par le mis-en-cause. L’auditeur aurait ainsi utilisé ce subterfuge pour vilipender d’autres personnes que le plaignant, dont le député actuel pour l’émigration, M. Gahche, ainsi que M. Said Chohra, autre candidat aux élections de mai 2007, face notamment à M. Lamine Choura, journaliste.
 
Il réitère alors la responsabilité du journaliste qui laisse proférer des propos outranciers pendant son émission.

Il accuse de nouveau le journaliste de faire preuve de complicité et de conflit d’intérêts : « il offre à son fidèle auditeur une tribune depuis le 31 mai 2008 ». Selon le plaignant, cette date coïncide avec la tenue d’un colloque à l’étranger où le journaliste aurait été exclu. Pour le plaignant, cette date est l’élément déclencheur et depuis toutes les émissions de ce journaliste seraient « un théâtre d’insultes et autres insanités » dont personne ne serait épargné, « surtout pas les adversaires politiques de l’animateur ». Il ajoute alors qu’il n’est que membre de la communauté algérienne et non un acteur politique de premier plan.

Enfin, le plaignant estime mauvaise l’interprétation de l’intervention de l’auditeur à son sujet. En effet dans son commentaire le mis-en-cause juge que les propos n’étaient pas accusateurs. Or selon le plaignant, ils l’étaient en « laissant planer des doutes sur [son] patrimoine au vue des fonctions qu’ [il] a occupées auparavant ».


À la direction de CINQ FM, Radio Centre-Ville :

Il réfute d’abord le fait d’être ou d’avoir été lié avec M. Della et dit ne jamais l’avoir rencontré.

Il ajoute que, même si c’était le cas, la direction ne peut justifier le comportement du journaliste face à des propos haineux, diffamatoires et malveillants.

Enfin, le plaignant affirme et pourrait prouver, selon ses dires, que le journaliste n’a jamais quitté l’antenne ni abandonné l’animation de l’émission et se serait même présenté le lendemain de ces élections en compagnie d’un autre candidat.
Décision
Le plaignant portait plainte contre le journaliste Lamine Foura de la radio CINQ FM Radio Centre-Ville, représentée par son directeur général, M. Evan Kapetanakis. Il reprochait aux mis-en-cause d’avoir laissé proférer des propos injurieux à son endroit lors d’une tribune téléphonique de l’émission « Montréal Labass », le 26 juillet 2008, de ne pas être intervenu et d’être en conflit d’intérêts. Il accusait également la direction de ne pas lui avoir accordé un droit de réplique satisfaisant.

Grief 1 : propos injurieux et faux

En premier lieu,  le Conseil de presse souligne qu’il n’est pas de son ressort de traiter des plaintes de diffamation. Le Conseil de presse analyse les plaintes au regard de la déontologie journalistique et non en vertu de dispositions judiciaires. C’est la raison pour laquelle il ne traitera pas de la plainte au regard de propos diffamants évoqués par le plaignant.

Le plaignant accusait le mis-en-cause d’avoir laissé proférer des propos faux et incomplets sur les ondes. Cette pratique est dénoncée par le guide de déontologie qui stipule que les médias doivent veiller à ce que les contributions du public « ne véhiculent pas des propos outranciers, insultants ou discriminatoires pouvant être préjudiciables à des personnes ou à des groupes. » DERP, p. 38. De plus le guide déontologique rappelle que les médias doivent être attentifs à ce que les contributions du public « ne deviennent des tribunes pamphlétaires qui n'ont d'autre effet que de porter atteinte à la réputation des personnes. » DERP, p. 38

Après examen et écoute de l’émission controversée, le Conseil de presse n’a pas relevé de propos de nature injurieuse. Relativement à la fausseté de certains d’entre eux, le plaignant n’a pas fait la preuve de cette accusation. Le Conseil ne retient donc pas le grief pour injure et insulte à l’encontre du plaignant.

Grief 2 : absence d’animation lors de la tribune téléphonique

Ensuite, le plaignant accusait le journaliste de ne pas intervenir à la suite des propos des auditeurs et ce, au nom de la liberté d’expression des auditeurs.

Le Conseil rappelle tout d’abord la responsabilité des journalistes et de leur direction de tout ce qu’ils diffusent sur leurs ondes, y  compris les tribunes téléphoniques. La non-intervention du journaliste peut mettre en cause le droit du public à une information de qualité. En effet, le guide des Droits et responsabilités de la presse stipule : « Les tribunes téléphoniques ou "lignes ouvertes" sont soumises aux mêmes exigences de rigueur, d'authenticité, d'impartialité et de qualité que tout autre type de traitement de l'information. […] Le rôle de ceux qui les animent requiert une discipline et un discernement d'autant plus grands que les sujets abordés, en raison des intérêts et des passions qu'ils soulèvent, suscitent la controverse. » DERP, p. 29

Après examen, le Conseil estime que le journaliste a commis un manquement à la déontologie en laissant libre cours aux propos d’un auditeur sans intervenir, comme il le faisait lors des autres interventions durant la même émission. Il était de son devoir de remettre en contexte les questions et opinions soulevées afin d’éclairer tous les auditeurs et ainsi favoriser la qualité de l’information. Le grief a été retenu.

Grief 3 : conflit d’intérêts

Puis, le plaignant accusait le mis-en-cause de conflit d’intérêts. Il évoquait le fait qu’il était candidat aux élections législatives algériennes de mai 2007, qu’il serait toujours militant et qu’il aurait laissé l’auditeur Rachid Della exprimer ses opinions parce qu’il les acquiescerait. Le plaignant parle de « silence complice ».

En matière de conflit d’intérêts, le guide de déontologie du Conseil stipule : « Afin de préserver leur crédibilité professionnelle, les journalistes sont tenus à un devoir de réserve quant à leur implication personnelle dans diverses sphères d’activités sociales, politiques ou autres qui pourrait interférer avec leurs obligations de neutralité et d’indépendance. » DERP, p. 25

Après analyse et au regard de la déontologie, le Conseil remarque que les implications politiques passées et actuelles du mis-en-cause s’avèrent compromettantes pour la crédibilité de l’information, particulièrement lorsque des questions politiques émergent durant ces émissions. Au moment où un auditeur évoque des questions qui placent l’animateur dans une situation de conflit d’intérêts, ce dernier se doit d’arrêter la conversation et d’en expliciter la raison. Le Conseil retient le grief pour conflit d’intérêts.

Grief 4 : droit de réplique insatisfaisant

Enfin, le plaignant regrette que la direction de la radio ne lui ait pas accordé de droit de réplique. Bien que le Conseil reconnaisse que les propos de l’auditeur n’étaient pas insultants, le guide de déontologie précise : « Les responsables de ces émissions doivent présenter une information complète et conforme aux faits et aux événements et être attentifs à l’équité et l’équilibre dans l’argumentation. » DERP, p. 29

Plusieurs mois après l’émission en cause, après le dépôt de la plainte devant le Conseil, les mis-en-cause acceptaient d’accorder au plaignant un droit de réplique. Puisque ce délai n’est pas raisonnable, le Conseil retient donc ce grief pour droit de réplique insatisfaisant.

Au vu de tout ce qui précède, le Conseil de presse blâme M. Lamine Foura et la direction de CINQ FM, Radio Centre-Ville, pour absence d’animation lors des interventions d’un auditeur durant l’émission controversée, de conflit d’intérêts et de droit de réplique insatisfaisant.
Décision
C08A Choix des contributions; C08F Tribune réservée aux auditeurs; C08H Contributions diffamatoires; C13A Partialité; C13C Manque de distance critique; C22B Engagement politique; C09A Refus d’un droit de réponse; C09B Droit de réponse insatisfaisant