Abdelkrim Hassani rectifie la version de Yacef Saadi à propos de la mort de Larbi Ben Mhidi. Il soutient que le Chahid a été pendu et non pas fusillé. Lui et son épouse, Drifa Ben Mhidi, sœur du défunt, avaient vu le corps à la fin de l’année 1963, et constaté la trace de la corde autour de son cou. «Je citerais également Aussaresses qui avait affirmé que c’était lui qui avait pendu Ben Mhidi et Bigeard qui témoigne lui-même que le Chahid ne s’était pas suicidé. J’ajouterai qu’une journaliste qui travaillait pour le journal français "Le Monde" a écrit que la corde s’est rompue à deux reprises, et qu’il aurait fallu relâcher Ben Mhidi comme le stipule la loi de la guerre dans pareil cas».



Dans cet entretien accordé à Echorouk, Abdelkrim Hassani, membre du MALG, revient sur nombre de faits jamais révélés auparavant, comme la séance spéciale du jugement d’Abane Ramdane et le passage de ce dernier au Maroc. "Si El Ghouthi" explique notamment l’opposition du chef d’état-major de l’ALN Houari Boumediene à son père spirituel et fondateur des renseignements Abdelhafid Boussouf.

Abdelkrim Hassani rectifie la version de Yacef Saadi à propos de la mort de Larbi Ben Mhidi. Il soutient que le Chahid a été pendu et non pas fusillé. Lui et son épouse, Drifa Ben Mhidi, sœur du défunt, avaient vu le corps à la fin de l’année 1963, et constaté la trace de la corde autour de son cou. «Je citerais également Aussaresses qui avait affirmé que c’était lui qui avait pendu Ben Mhidi et Bigeard qui témoigne lui-même que le Chahid ne s’était pas suicidé. J’ajouterai qu’une journaliste qui travaillait pour le journal français "Le Monde" a écrit que la corde s’est rompue à deux reprises, et qu’il aurait fallu relâcher Ben Mhidi comme le stipule la loi de la guerre dans pareil cas».

S’agissant de l’arrestation de Ben Mhidi, les versions diffèrent. «Certains disent qu’il avait été arrêté le 23 février 1956 dans le quartier Debussy alors qu’il rejoignait l’appartement où il se cachait, après que l’un des fidayine ait été arrêté et révélé la cache. Le défunt Ben Youcef Benkhedda, lui, raconte que Ben Mhidi a été arrêté avant qu’il n’arrive à Debussy où il devait rencontrer des membres du CCE. L’armée française avait obtenu l’information d’une fidaiya qu’elle avait torturée avant de la liquider. Une autre version dit que l’homme a été arrêté en pyjama, ce qui est complètement faux».

Notre interlocuteur estime que le fait d’avoir caché le corps d’Amirouche est impardonnable. Il indique que c’est la gendarmerie qui a transféré la dépouille de Boussaada à Alger. Le colonel Benchrif était alors le commandant de la gendarmerie, mais c’est un ordre qu’il exécutait, ajoute-t-il, avant de préciser que l’ordre émanait du Chef de l’Etat et ministre de la défense, Boumediene qui occupait les deux postes.
«Je pense que certains ont suggéré à Boumediene qu’il était l’unique symbole de l’Algérie et qu’évoquer l’affaire d’un héros comme Amirouche entamerait une partie de son charisme. Des documents relatifs à ce dossier doivent exister au niveau du ministère de la défense. Je suis prêt à révéler la vérité, mais avec une demande officielle et devant une partie officielle».

L’homme du MALG, ancien responsable des documents secrets de la révolution, aborde l’assassinat d’Abane Ramdane. «Abane Ramdane et Abdelhafid Boussouf sont deux personnes politiquement et culturellement différentes, y compris dans la stratégie de la guerre. Le premier donne la priorité au politique alors que le second est un homme de terrain, un militaire».

Selon Hassani, des erreurs d’interprétations sont survenues à partir de là, pensant que la priorité du politique excluait l’action militaire, ou que l’armée devait tout décider comme cela est courant dans les pays du tiers monde. «D’autre part, Boussouf estimait que ceux à l’étranger qui envoyaient des armes à l’intérieur avaient le droit de suivre l’acheminement et la destination de ces armes. Il estimait aussi que le sort de ceux qui achetaient les armes ne devait pas reposer sur ceux qui étaient à l’intérieur et Abane en faisait partie».

«En 1956, lorsque l’armée française a arraisonné l’Atos, le bateau qui s’apprêtait à remettre des armes aux révolutionnaires à l’intérieur, Boussouf s’est entendu avec Boumediene pour établir des usines d’armes au Maroc. L’expérience avait réussie. A cette époque, on a commencé à parler de créer un gouvernement provisoire, et c’est à ce moment que débuta le conflit entre les deux hommes».

«A la création du GPRA, le ministère de l’armement est revenu à Boussouf alors que Boumediene a été désigné chef d’état-major de l’ALN. Quand éclata le conflit entre les politiques représentés au sein du GPRA et les militaires menés par Boumediene, le souhait du chef d’état-major de l’ALN était que Boussouf se retire du gouvernement pour qu’il appuie sa position. Boussouf a refusé de se retirer et la discorde a commencé entre les deux hommes. Boumediene voyait l’action armée comme l’unique voie pour en finir avec l’occupation alors que Boussouf voulait que l’action sur les deux fronts se poursuive, d’autant que le GPRA avait alors des relations avec de grands pays comme l’URSS et les États-Unis ».

Notre interlocuteur estime que la position de Boussouf en tant que ministre dans le GPRA l’a quelque peu isolé de l’armée, alors que Boumediene dirigeait carrément l’ALN, ce qui a contribué à bouleverser les rapports de force.

«Lorsque les négociations d’Evian ont commencé, j’ai rencontré Boussouf et je lui ai dit qu’il était en mauvaise posture et que les choses devenaient graves. Il me l’a lui-même confirmé. L’homme du MALG était exclu lui et Abbas du Conseil National de la Révolution, et Ben Bella et Ben Khedda les remplaçaient. Ben Bella m’adressa à ce moment une lettre me disant que le groupe du GPRA avait trahi la révolution et me demandait de choisir mon camp. C’est dans cette conjoncture que Boumediene prit les commande de l’état-major, son adjoint était Ali Mendjli aux côtés du commandant Azzedine. Alors que la crise était à son apogée entre Ben Bella et le GPRA, Boumediene annonça son alliance avec Ben Bella qui était appuyé par le CNR».

«J’avais reçu un coup de fil de Bouteflika qui était l’assistant de Boumediene au commandement de Rabat. Il m’a demandé de rejoindre Khelifa Laroussi à Oran. J’ai emmené tous les documents de la révolution et je l’ai rejoint sous l’escorte de cent soldats. J’ai remis à l’armée ces documents qui contenaient toutes les informations récoltées sur l’ennemi français et celles inhérentes à la révolution. Ce qui m’a surpris, c’est l’archivage de l’affaire d’Abane Ramdane et la manière dont la révolution s’est "comportée" avec lui.

«J’avais reçu les documents relatifs à l’affaire Abane Ramdane des mains du défunt Mohammed Sedik Ben Yahia, secrétaire général du CNR sur l’ordre de Boussouf. C’était une sorte d’un état des lieux qui relatait la rencontre entre Boussouf, Krim Belkacem et Chrif Belkacem alors que Bentobal et Abbas étaient absents de la réunion. Il y avait un certain nombre de questions qui ont été posées à une instance qui s’est constituée en tribunal. Ces questions étaient de savoir si Abane était un danger ou non pour la révolution, et si tel était le cas, fallait-il  le remettre à sa place, l’arrêter, l’emprisonner ou le tuer. A la fin, le tribunal a décidé à l’unanimité qu’Abane Ramdane constituait un danger qui pourrait créer une dissension à l’intérieur de la révolution. On a décidé d’écarter Abane et c’est Boussouf qui était chargé d’exécuter la décision».

Ensuite, Boussouf a demandé à ses hommes établis au Maroc de prendre connaissance de l’avis du roi Mohammed V sur l’orientation de la révolution. Le roi a répondu qu’il voulait parler aux hauts dirigeants de la révolution et demandé à Abane qui était en Tunisie de rejoindre le Maroc. Un certain dénommé Idir, qui était secrétaire général au ministère de la défense que dirigeait Krim Belkacem, avait alors mis en garde Abane contre un éventuel piège qui lui aurait été tendu au Maroc. Abane lui a répondu qu’il ne craignait pas les complots irréfléchis. Lorsqu’Abane Ramdane arriva à Tétouan, Boussouf, Krim Belkacem et Chrif Belkacem l’attendaient. Boussouf lui demanda de monter dans une voiture qui lui était destinée et il disparut à tout jamais».

Source: Echoroukonline