Les spéculations vont bon train sur l’étrange périple du navire Arctic Sea qui devait accoster dans le port algérien de Bedjaïa le 4 août. Sa récupération par les autorités russes n’a pas pour autant dissipé le flou qui entoure deux prises d’otages peu ordinaires.

 

L’odyssée de l’Arctic Sea, un vraquier russe battant pavillon maltais et exploité par une firme finlandaise, a duré plus de deux semaines et a tenu en haleine les médias du monde entier. Il a disparu des champs des radars après une attaque de pirates près de l’ile suédoise de Gotland, en pleine mer Baltique. Les pirates portaient - selon les versions - des uniformes d’agents des services de sécurité russes ou de policiers suédois. Ils se seraient montrés agressifs à l’égard de l’équipage de l’Arctic Sea.

Quelques jours plus tard, on apprit qu’une seconde prise d’otages a eu lieu alors que le cargo se trouvait dans l’Atlantique, pas loin de la côte ouest africaine, à des milliers de kilomètres de l’Algérie. Si l’on croit les autorités russes, une demande de rançon de 1.5 million de dollars aurait afflué sur le bureau de l’assureur du bateau, également russe.

La Russie a lancé à la poursuite de l’Arctic Sea plusieurs navires de guerre. Dimanche passé, l’un des vaisseaux de guerre est arrivé à portée du vraquier, réussissant à le stopper. Rapidement, les autorités russes ont annoncé que huit pirates (des ressortissants lettons, estoniens et russes) avaient été arrêtés. Les quinze marins étaient sains et saufs, mais devaient subir des interrogatoires. 

Le double détournement de l’Arctic Sea a plongé les experts des transports maritimes dans la perplexité. Au-delà du fait que les pirates n’écument point la Baltique et le littoral cap-verdien, des questions subsistent sur l’objectif que recherchaient ceux qui ont pris d’assaut le navire russe.

Les autorités russes, d’habitude réticentes à réagir dans pareilles circonstances, se sont empressées de souligner que le navire de 98 mètres avait quitté, le 21 juillet passé, le port finlandais de Pietarsaari avec une cargaison de bois qui devait être livrée à trois sociétés algériennes. Le chargement a été estimé par le marchand de bois finlandais Reds Timber à 1.3 million d’euros. En outre, Moscou n’a pas lésiné sur les moyens pour « récupérer » son bateau-fantôme et la marchandise qui se trouvait à bord. 

Certains experts remarquent que l’Arctic Sea avait séjourné dans le port militaire de Kaliningrad, ce qui implique le chargement d’une cargaison sécrète. On évoque des produits radioactifs destinés à l’Iran ou un autre pays intéressé par le développement de son secteur nucléaire. L’opération aurait été menée par les services secrets.

La mystérieuse disparition de l’Arctic Sea est-elle un nouvel épisode dans la guéguerre que se livrent la Russie et les pays Baltes, principaux alliés des États-Unis dans le bassin de la Baltique (avec la Pologne)? Rien n’est sûr. Les médias russes privilégient une autre piste : pour eux, il s’agirait d’un règlement de comptes mafieux entre groupes russes rivaux.

Côté algérien, un silence assourdissant est de rigueur. Aucun officiel n’a daigné faire la moindre déclaration sur des actes de piraterie qui ont passionné le monde entier ces deux dernières semaines. Les noms des firmes pour lesquelles était destinée la cargaison de bois demeurent inconnus. Le commerce du bois en Algérie est détenu par des personnes influentes qui ont gardé d’excellents rapports avec des officiers russes du temps de l’Union soviétique, d’où une gêne certaine des dirigeants algériens.