L’« affaire Adil Charkaoui » vient d’enregistrer un développement majeur. Le gouvernement canadien a décidé de retirer une partie des éléments de preuve versés au dossier du ressortissant marocain. Pour la première fois, la possibilité d’une révocation du certificat de sécurité imposé au Montréalais d’origine marocaine devient réelle.

Charkaoui, un enseignant âgé de 36 ans, fait l’objet d’un certificat de sécurité depuis 2003, après son arrestation au mois de mai. Les autorités canadiennes l’accusent d’appartenance au Groupe islamique combattant marocain. On attribue à cette organisation terroriste associée à Al Qaïda les attentats de Casablanca en 2003 et ceux de Madrid dans l’année suivant. Adil Charkaoui a toujours nié les accusations portées par la partie civile.

Dans les derniers jours du mois dernier, les ministres de l’Immigration et de la Sécurité ont déposé en Cour fédérale un document dans lequel ils font état de l’insuffisance des preuves incriminant le professeur de français montréalais. Désormais, il ne peut plus être renvoyé dans son pays d’origine sur la base des preuves rassemblées. Toutefois, les deux ministres persistent à soutenir que le Marocain ne devrait pas recevoir la permission de résider au Canada. Adil Charkaoui, un père de deux enfants, vit au Québec depuis 1995. Ses parents ont la citoyenneté canadienne. Lui-même attend sa citoyenneté.     

L’opiniâtreté de la juge de la Cour fédérale, Danièle Tremblay-Lamer, qui avait exigé la divulgation publique des preuves contre Charkaoui, n’a cependant payé qu’en partie. En effet, le gouvernement a préféré soustraire des informations secrètes dans le dossier, arguant que la publication de ces renseignements « porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui. »

Selon certains médias, il s’agirait, entre autres, de l'allégation voulant qu'Adil Charkaoui ait discuté au téléphone de la « prise de contrôle d'un avion commercial à des fins agressives », ainsi que de l’information sur sa participation présumée à un camp d'entraînement d'Al-Qaïda en Afghanistan. Ces deux notes ont été rayées d'une liste des soupçons pesant contre lui, récemment rendue publique par le gouvernement fédéral.
On s’attend à ce que la décision sur la révocation ou non du certificat de sécurité émis à l’égard de Charkaoui soit prise par la juge Tremblay-Lamer dans quelques semaines. Récemment, elle aurait demandé aux ministres de faire ce geste.

En février 2005, l’enseignant marocain a été remis en liberté après presque deux ans passés derrière les barreaux. Néanmoins, sa libération a été assujettie à des conditions drastiques. Adil Charkaoui doit notamment porter un bracelet muni d’un GPS. Trois années plus tard, la juge Tremblay-Lamer a décidé d’assouplir ses conditions de libération. Ainsi, l’intéressé n’a plus l’obligation de respecter le couvre-feu qui lui était imposé. Il peut également surfer sur Internet ou utiliser un téléphone portable.

La décision des ministres fédéraux de l’Immigration et de la Sécurité de retirer certains éléments de preuve dans le dossier Charkaoui constitue une nouvelle victoire dans le combat de l’accusé pour recouvrer une totale liberté de mouvement. Dans un entretien avec un journaliste de Radio-Canada, il a réitéré sa volonté d’aller jusqu’au bout de sa démarche. Faisant le parallèle avec les déboires de Maher Arar, le citoyen canadien emprisonné en Syrie, Charkaoui a exigé des excuses publiques de la part du gouvernement fédéral.

L’an dernier, la Cour suprême du Canada avait invalidé le précédent régime des certificats de sécurité, qui empêchait l’accusé et son avocate de connaître la nature des preuves retenues par le gouvernement, ce qui a rendu possible une modification de la loi fédérale. Mais jusqu’à présent, le secret sur les preuves n’a pas encore été levé.

Adil Charkaoui n’est pas le seul musulman soumis à certificat de sécurité. Quatre autres hommes connaissent les mêmes vicissitudes. Ils sont soupçonnés de liens avec des organisations terroristes. Le régime des certificats de sécurité, qui a été établi en 1978, est très critiqué par les organisations des droits de l’homme. Depuis le début des années 1990, 28 certificats de sécurité ont été délivrés.