La veille de la célébration de Yennayer 2964, le Nouvel An Amazigh, un peu partout dans le monde et notamment en Afrique du Nord, des évènements qui se déroulent chez les Mozabites, en Algérie, nous rappellent encore une fois que nous devrions demeurer vigilants, car les détracteurs de notre identité et de nos valeurs ne cessent de planifier l’extermination de notre mémoire via les armes, la violence  ou la religion.

Cette année, notre pensée est vouée à nos frères de la vallée du M’zab qui subissent la violence et aussi à ces Algériens auxquels on interdit de célébrer leur fête. Les Amazighs, malgré tout, vont fêter Yennayer en Afrique du Nord et ailleurs. Ça a toujours été ainsi. Et ce sera toujours ainsi. À Montréal, le soir du 11 janvier, le Centre amazigh de Montréal (CAM) le fera avec Hamid Ouchene au collège Maisonneuve. Les Événements kabyles à Montréal avec Guerbas et Hakim Kaci à la salle le Château. À Ottawa-Hull, l’ACOH avec les élèves de l’école de Tamazight et la chorale Tileli. Le 18 janvier, à New-York, l’association amazighe d’Amérique (ACAA) le fêtera avec Kamel Igman. À Philadelphie, ce sera une conférence  de Lhacène Ziani qui marquera Yennayer. Le 12 janvier, quant à lui, il sera marqué par un rassemblement de solidarité avec les Mozabite à la colline parlementaire à Ottawa à 15h.

La plaie et la résistance!

Désormais, rien ne pourrait nous surprendre. Cette expression a été ressassée par presque tous les êtres humains qui ont été ébranlés, un moment donné de leur vie, par des comportements  sociaux inimaginables ou par des politiques diaboliques de leurs dirigeants. Et pourtant, chaque jour que Dieu fait, un évènement choquant, absurde ou indécent arrive à leur faire changer d’avis. C’est ainsi qu’on pourrait qualifier les hauts et les bas que subissent les Algériens en général et les Amazighs en particulier de la part d’un État jacobin incompétent.

 Au début des années 2000, le pouvoir algérien a consacré Tamazight dans la constitution du pays en tant que langue nationale. Ce qui a séduit l’opinion internationale et les naïfs. Cependant, les plus éclairés de la cause ont fait une lecture différente de ce geste institutionnel. En effet, c’était absurde de reconnaître que les Amazighs existent chez eux. Ils sont chez eux, c’est un fait. Donc, que pourrait-on comprendre ou déduire d’une telle manœuvre politicienne?  La réponse vient d’un ancien premier ministre de ce pouvoir : « C’était pour calmer la Kabylie ». Encore une démarche méprisante d’un système qui pense pouvoir duper tout un peuple. Depuis cette mascarade constitutionnelle, Tamazight accuse une régression incroyable. Elle demeure optionnelle dans les écoles et ses enseignants peinent à avoir un statut équivalent à celui des enseignants des autres langues. Depuis, la Kabylie subit une politique d’islamisation terrifiante. Depuis, les obscurantistes avancent au point de décréter une fetwa que Yennayer est une fête illicite, une fête haram.

 En 1980, le même pouvoir interdisait la conférence d’un imminent écrivain et anthropologue Mouloud Mammeri. La Kabylie a réagi d’une façon spectaculaire et a brisé les chaînes d’une dictature qui avait que trop duré. L’Algérie a, donc, fait marche arrière dans sa politique d’assimilation, mais d’une façon temporaire. Elle a concocté tout un plan  pour mettre à genoux le pays et le peuple et en particulier la Kabylie et l’élite. Le plan a donné le feu vert aux islamistes et baathistes. La largesse du système et les moyens déployés les ont aidés à détruire au maximum le tissu social  d’un pays millénaire. La médiocrité et l’ignorance ont pris le dessus sur l’intelligence et le bon sens. Et comme ce n’était pas assez, on déplace la crise à la vallée du M’zab. Le pouvoir n’a jamais supporté le mode de vie des Mozabites. Ces Amazighs du sud ouest algérien, même s’ils tenaient à leur religion, ils n’ont jamais délaissé leur langue et leurs coutumes. Ce qui dérange certains "Arabes "racistes qui n’ont jamais respecté la langue et l’identité du pays qui les a accueillis depuis des siècles. Le pouvoir, selon les témoignages et les vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux, s’est rangé du côté de ceux qui portent atteinte à l’intégrité des Mozabites au quotidien. Ce qui choque au plus haut point tous les Algériens et les Amazighs en particulier qui aspirent à la paix et à la possibilité de vivre ensemble dans la différence. Pendant que des âmes soucieuses de la paix sociale se démènent pour ramener la paix dans ce coin d’Algérie, d’autres monstres sèment la haine et le racisme dans la tête des Algériens au nom de l’Islam. Pis encre, même l’État cautionne ce genre d’attitude en interdisant la célébration de Yennayer  à Biskra . Quelle est la différence entre la politique de cet État et les activités de ces islamistes illuminés qu’il prétend pourchasser? La réponse? Aucune!

  Devrait-on pour autant baisser les bras? La réponse est non. Jamais! La clé du pouvoir doit être entre les mains du peuple et ses  élus doivent le défendre contre la tyrannie de la mafia d’Alger. L’exemple a été donné par une commune de Kabylie. Sur Facebook. Tizi-Hibel Timanit a écrit ceci : «  Yennayer 2964 est officiellement journée fériée à Ath Mahmoud. Les élus de la commune d’Ath Mahmoud, commune qui a enfanté Matoub Lounès, Mouloud Feraoun, Rachid Alliche et tant d’autres, viennent de déclarer officiellement que le 1er jour de l’An Amazigh est une journée fériée pour les fonctionnaires de la municipalité. Bravo pour ces dignes et braves élus, espérons qu’ils feront des émules! Soyons maîtres chez nous! »

La société civile bouge et ses actions finiront par aboutir un jour. Que les citoyens imposent leur voix par les lois, les vraies.

« (…) Mais quelque soit le point de la course où le terme m’atteindra, je partirai avec la certitude chevillée que quelque soient les obstacles que l’histoire lui apportera, c’est dans le sens de sa libération que mon peuple – et avec lui les autres – ira. L’ignorance, les préjugés, l’inculture peuvent un instant entraver ce libre mouvement, mais il est sûr que le jour inévitablement viendra où l’on distinguera la vérité de ses faux semblants. Tout le reste est littérature. »

 Mouloud Mammeri

 

 

Source: Taghamsa - 11 janvier 2014